flipped.classroomContrairement à ce qu’une traduction hâtive pourrait laisser penser, la «flipped classroom» n’est pas une classe terrifiée, mais une classe inversée… Cette inversion ne réside pas dans un échange de rôles où les élèves prendraient la place du professeur vis-à-vis du groupe (expérience en effet parfois Ô combien terrifiante !) L’inversion consiste en fait à permuter le cours dispensé en classe par l’enseignant avec le travail donné à faire aux élèves à la maison. Confus ? Tentons de clarifier…

Dans un modèle pédagogique traditionnel, la classe est le temps pendant lequel le professeur présente et développe un contenu pédagogique qu’on pourrait appeler la leçon. Dans un second temps, le professeur donne cette leçon à apprendre chez eux aux élèves, avec un certain nombre d’exercices d’application.

Or, la répartition traditionnelle de ces deux temps suscite plusieurs critiques :

1) Pendant la classe :

– Le professeur se situe au centre du savoir, et le développement de son contenu d’enseignement se fait au détriment des interventions des élèves.

– La relation au savoir est passive, les élèves étant placés comme consommateurs face à l’enseignement dispensé, au lieu d’être (co-)auteurs, (co-)constructeurs des connaissances.

– Le cours fait par l’enseignant s’adresse au groupe-classe dans son ensemble, et non à chaque élève : difficile dans ce cadre de favoriser la différenciation pédagogique.

2) A la maison :

– Si l’on se réfère à la taxonomie du psychologue et pédagogue américain Benjamin Bloom (1913-1999), l’apprentissage se ferait par paliers de difficulté croissante. Or, dans le modèle traditionnel, les activités les plus simples comme écouter, mémoriser et appliquer (en reproduisant pratiquement à l’identique le modèle) se feraient en cours, alors que les tâches les plus complexes comme analyser, synthétiser voire créer se feraient à la maison, sans l’appui du professeur.

Face à ce constat, des enseignants américains comme Salman Khan ou Jonathan Bergmann et Aaron Sams, ont proposé de consacrer le temps des devoirs maison à la découverte du contenu du cours, et de consacrer le temps de la classe à l’évaluation de la compréhension de ce contenu puis à des exercices adaptés à chacun des élèves.

La classe devient dans ce nouveau modèle un lieu actif où les élèves travaillent seuls ou en groupes avec plus d’autonomie, maniant les notions vues chez eux et reprises par l’enseignant en fonction des besoins de chacun.

On parle ainsi de «classe inversée», puisque le cours est dispensé à la maison, soit sur un support écrit (manuel, polycopiés…), soit sur un support vidéo. La véritable innovation se situe bien là, dans l’apparition des cours en ligne, comme ceux que propose par exemple la Khan Academy ou Ted-Ed… Notamment parce que ces cours clé en main incluent des évaluations formatives automatiquement corrigées en ligne. Le professeur dont le groupe-classe est équipé d’ordinateurs ou de tablettes peut ainsi commencer son cours par une évaluation de la compréhension de la leçon regardée et mémorisée à la maison, et voir s’afficher immédiatement les résultats de chaque élève sur son interface. Il peut alors sans délai proposer des activités individualisées et se concentrer sur l’aide adaptée aux difficultés identifiées…

Renversant, non ?

Nathalie Anton

Professeur de français au Lycée Français de New York
Psychologue spécialiste des adolescents
Auteur de L’Art d’enseigner, 20 fiches pratiques pour les profs et du Blog Conseil et accompagnement scolaire

7 réponses

  1. Les flipped class ont été utilisées dans les pays anglo-saxons, notamment dans des établissements en difficulté, apparemment avec un certain succès. Ce qui est important à remarquer c’est, non pas l’arrivée du numérique, le numérique n’est qu’un outil permettant cette façon d’enseigner, mais l’inversion des tâches.

    Le cours plus ou moins magistral ( qui est encore la norme à mon avis, même si sa forme évolue, grâce à la technologie) passe à la trappe. Comme dans cette forme de cours, l’élève reçoit et rien de plus, autant mettre une vidéo en ligne qu’il peut revoir autant qu’il veut. Ensuite, c’est dans la salle de classe que l’on vérifie la bonne compréhension, que l’on met en application par des exercices, bref que l’on fait ce que l’on appelle « les devoirs ».

    Cette démarche me semble intéressante parce qu’elle permet de remédier tout de suite à toute incompréhension, d’expliquer aussitôt les erreurs, contrairement à nos fameux devoirs du soir pour lesquelles l’élève n’a finalement aucune information sur le bien fondé de son travail, et va passer une bonne nuit en considérant que les erreurs qu’il a faites sont justes. A mon avis ça peut être efficace.

  2. Certes, comme le dit G Greg, les cours hybrides ne sont que rarement mis en œuvre dans les écoles, collèges et lycées. En revanche, c’est une pratique « assez » courante en formation. Même si, pour y avoir eu recours moi-même il y a quelques années (dans le cadre d’une formation de professeurs des écoles à l’échelle académique), je n’ai pas été très convaincu par la plus-value de ce dispositif…
    Là où je ne suis pas (tout à fait) d’accord avec G Greg, c’est lorsqu’il parle de la forme que prennent les cours. Il y a, c’est parfaitement vrai, des cours qui se font comme « il y a belle lurette ». J’ai connu cela aussi. Mais ce n’est plus la norme aujourd’hui ! Il y a aussi des pratiques, heureusement, qui permettent à des élèves de construire leurs savoirs, au lieu d’écouter un expert parler, parler, parler des savoirs en question.
    Ce qui m’ennuie, dans le portrait dressé par N. Anton, c’est que cela donne l’impression que c’est la norme. Or, si ça l’a été jadis, ce n’est plus la « norme ». Des choses très bien se font dans les classes…

  3. La chose me paraît très intéressante. J’ai suivi au CNAM des cours par Internet avec quelques séances présentielles et c’était très pratique.
    Il faudrait faire des classes pilotes et évaluer leurs résultats sur des enfants de tous les âges. Je me demande si les élèves en difficulté seraient plus motivés ou le contraire ?
    Je pense que les cours en ligne devraient être d’accès libre, y compris pour des adultes voulant se cultiver ou aider leur enfant.

    Bon, la partie « les élèves étant placés comme consommateurs face à l’enseignement dispensé, au lieu d’être (co-)auteurs, (co-)constructeurs des connaissances » m’interroge : comment chaque élève pourrait-il retrouver réellement le théorème de Thalès ou de Pythagore, qui étaient quand même des génies, ou redécouvrir la tectonique des plaques sans plonger dans une fosse océanique ? De plus, l’élève est toujours consommateur de la leçon même si elle est sur Internet et animée. En fait ça ne me semble pas très grave.

    Par contre je ne comprends pas bien le commentaire de Eddy : les cours de mes enfants se font effectivement comme Nathalie Anton les décrit (et comme je les ai vécus il y a belle lurette) : un cours dispensé par l’enseignant (avec certes des réponses des élèves à ses questions) ; des exercices d’application en cours, les leçons et d’autres exercices à la maison. Et les cours hybrides ou en ligne, même s’ils existent depuis longtemps, ne sont à ma connaissance pas appliqués par l’Éducation Nationale dans les écoles, collèges, lycées.

    Cordialement, G Greg.

  4. Je ne comprends pas sur quelle réalité l’auteur de l’article s’appuie pour développer sa théorie. Que l’on parle de modalités d’enseignement hybride (une part de présentiel et une part de travail en ligne), d’accord. Mais dans ce cas, quelle est la nouveauté ? C’est une pratique qui existe depuis déjà longtemps ! Que le travail en ligne et en autonomie ait lieu préalablement à la séance ou à la suite de cette séance importe peu. L’idée, me semble-t-il, est qu’il y ait travail « entre » les séances.
    Quant au modèle présenté comme étant la norme dans les classes de nos écoles, il me semble tenir de représentations d’une réalité du terrain qui n’a (heureusement) plus vraiment cours… Je cite : « Dans un modèle pédagogique traditionnel, la classe est le temps pendant lequel le professeur présente et développe un contenu pédagogique qu’on pourrait appeler la leçon ». Ah bon ? Est-ce vraiment ainsi que les choses se passent ? Le professeur professe ? et que font les élèves ? Sont-ils seulement présents ? Le mot « élève » n’apparait même pas dans cette description.
    Je cite de nouveau :
    « Dans un second temps, le professeur donne cette leçon à apprendre chez eux aux élèves, avec un certain nombre d’exercices d’application ». Le mot « élève » apparait enfin. Ce qui est inquiétant, c’est qu’au moment où l’élève est mentionné, ce n’est pas pour son rôle, son activité en classe, mais pour ce qui lui sera demandé de faire chez lui !
    Ce qui pourrait laisser entendre que l’élève n’a plus besoin d’être présent en classe, puisqu’il n’est sollicité « intellectuellement » (apprendre sa leçon ? faire des exercices d’application ?) qu’une fois rentré chez lui. La solution n’est donc peut-être pas la « flipped classroom », mais tout simplement le « distance Learning » : l’enseignant met son cours en ligne, et l’élève travaille de chez lui.
    En fait toutes les critiques listées dans l’article s’appuient sur une conception de l’enseignement-apprentissage qui, sauf peut-être dans le supérieur (effectifs très importants) ou dans des écoles spécialisées (à programme extrêmement « pointu »), fait référence à un temps révolu. En toute honnêteté, je ne comprends pas la solution parce que le problème posé est mal posé.

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