Rassemblement Charlie Paris

Le 11 janvier dernier, toute la population est invitée à un rassemblement autour de Charlie. « Que tous ceux qui ont été touchés par cette atteinte à la liberté de la presse, et la liberté d’expression, qui soutiennent la laïcité, le respect de toutes les religions, viennent se rassembler pour partager leurs sentiments, témoigner, échanger… »

Ce type d’invitation à un rassemblement citoyen est un message que tous les journaux et médias ont adressé à la population suite aux attentats odieux qui ont touché notre pays. Dès le jeudi, lendemain du premier attentat des élèves arboraient déjà le slogan devenu emblématique, nous incitant en tant qu’enseignant à évoquer avec eux cette tragédie, démarche nécessaire pour expliquer, tenter d’atténuer l’effet de la violence de ces images et surtout évoquer la liberté de s’exprimer… L’ampleur des rassemblements, plus grande mobilisation que la France ait connue depuis peut-être la libération en 1945, et qui a vu défiler dans des rues et sur des places noires de monde à peu près 4 millions de personnes a surpris par sa spontanéité, son intensité et la diversité des participants tous réunis pour défendre des valeurs qui semblaient s’émousser ces dernières années : liberté, égalité, fraternité.

J’ai choisi pour ma part d’aborder avec mes élèves le sujet sous l’angle du comportement. La science qui a pour objet l’étude des sociétés animales est la sociobiologie, et il m’a semblé intéressant, pour une classe de bac S dont le programme de SVT comporte la notion d’espèce et la diversité génétique des populations de trouver des significations biologiques à ces rassemblements spontanés, groupes d’individus tous motivés par un élan destiné à mettre en avant, à défendre les valeurs qui fondent notre société.

Qu’est-ce qui pousse donc des populations à se regrouper de cette façon spontanée ? Cette attitude était d’autant plus surprenante que depuis de longs mois (années ?), les médias nous relatent le caractère individualiste, centré sur leur propre ego de beaucoup d’entre nous.

Qu’est-ce qui a pu déclencher de tels regroupements populaires, des gens en liesse allant jusqu’à embrasser nos policiers, habituellement peu habitués à de tels élans de sympathie ?

Partant de ces quelques constats, nous avons cherché ce qui, dans le monde animal, pouvait pousser ainsi des individus à se regrouper de façon temporaire, mais intense, voire indispensable. On connaît dans le monde animal le grégarisme qui est la tendance des individus d’une espèce à se regrouper pour former des sociétés plus ou moins structurées et durables ; quelques exemples recensés par les divers groupes d’élèves me semblent intéressants pour tenter de comprendre la réponse face à un danger ou un stress. Un groupe d’animaux fuyant un prédateur traduit ce que l’on appelle un comportement du troupeau : les sociobiologistes expliquent qu’en se comportant ainsi, chaque membre de la population réduit le danger pour lui-même en s’intégrant au groupe en fuite, face au stimulus environnemental que constitue le prédateur. Ainsi, le troupeau apparaît comme une unité peu structurée, se déplaçant ensemble, mais sa fonction émerge du comportement non coordonné d’individus égoïstes répondant à un même facteur dangereux de l’environnement.

On parle ainsi d’instinct grégaire pour désigner de tels regroupements d’individus dont le seul but est de réduire le stress. Au sein du troupeau, le comportement rassurant, protecteur, revendicatif de quelques individus les apparente à des meneurs, mais sans que cela ne traduise une quelconque hiérarchie, ces individus n’étant d’ailleurs pas systématiquement dominants lors de conflits entre individus… Ce comportement est, notons-le, utilisé par l’homme pour la conduite du troupeau : quand le chien regroupe des moutons dispersés, il devient le prédateur potentiel qui participe à ce réflexe d’agrégation.

Un second exemple a retenu l’attention des élèves pour montrer que des individus même égoïstes peuvent se regrouper dans une attitude altruiste où la présence de chacun profite à l’autre, c’est l’exemple des manchots sur la banquise. Juste après la ponte, les manchots empereurs mâles gardent les couvées plus de 60 jours pendant que les femelles partent pêcher à des centaines de kilomètres. Pour résister aux températures extrêmes de l’hiver austral (jusqu’à -30 °C) et aux vents pouvant souffler jusqu’à 200 kilomètres/heure, ils se serrent les uns contre les autres au sein d’une formation compacte, appelée la « tortue ». Les chercheurs ont montré qu’à l’intérieur d’une tortue, les températures peuvent avoisiner les 37 °C, soit une température proche de la température corporelle du manchot. Dans ce cas, c’est une question de survie des individus et de la descendance que permet ce regroupement altruiste d’individus habituellement indépendants, mais là encore, il s’agit de la réponse à un stress environnemental et il n’y a pas de relation de dominance ou soumission entre les individus, la seule répartition des fonctions étant les rôles distincts attribués aux individus de sexe différent. Un phénomène similaire est observé chez les abeilles qui seules ne peuvent réguler leur température corporelle ; par contre la température de l’essaim, nécessaire à l’hivernage et à la survie du couvain est réalisée par l’ensemble de la population des abeilles qui se blottissent les unes contre les autres formant ce qu’on appelle « la grappe », au centre de laquelle se trouve la reine. En périphérie se trouvent les abeilles les plus exposées au froid. Cette zone, est régulée entre 7 et 13 °C ; progressivement la température augmente pour arriver au « cœur » entre 15 et 37 °C Dans tous les cas, la grappe ne doit pas descendre en dessous de 6 °C, sinon les abeilles entreraient dans un étourdissement et ce serait la mort de l’essaim… Réponse au stress thermique impliquant les individus de toute la population.

Ce qu’il ressort de cette réflexion est que ce comportement qui tend à regrouper des individus d’une espèce s’observe sous le coup de certains facteurs environnementaux tels que la température, la peur provoquée par la vue d’un prédateur, d’un parasite… d’un acte terrifiant.

Ce comportement grégaire est donc aussi une constante des populations humaines, le plus souvent en réponse à une sollicitation émotionnelle : peur, colère, mais aussi instants de joie lors de rencontres sportives ou d’événements festifs communs.

Le grégarisme participe donc à la défense, à la protection du groupe ; il renforce ses chances de survie en ayant des effets favorables sur les individus, mais surtout sur ce qui fonde le groupe, dans notre cas, les valeurs autour desquelles chacun se reconnaît et dont la remise en cause brutale par quelques individus isolés a provoqué suffisamment d’émoi pour inciter l’immense majorité de la population, quoique constituée d’individus semblant plutôt égoïstes à se regrouper sans rechercher une quelconque hiérarchie ou intérêt (nous dirons médiatiquement sans aucune récupération !).

Lien vers l’article : Quand les manchots font la ‘tortue’

2 réponses

  1. bjr,
    aller lire les commentaires de la plus part des français qui sèment la haine en verre les musulmans. alors que trois terroristes français ont semé la haine a leurs façon.

    je crois que a l’école il vaut mieux apprendre aux élèves le respect au lieu de l’amour

    Car on aime que ce qui nous ressemble la plus part des fois, mes dans le respect on apprend a accepter la différence.
    Mes amitiés .

  2. Bonjour Eric,
    J’ai lu avec grand intérêt votre chronique sur le grégarisme animal et le grégarisme humain.
    J’ai lu également le livre de Konrad Lorenz qui a écrit un livre passionnant: » Histoire naturelle du mal  » qui étudie les phénomènes d’agressivité chez les animaux.

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