Des chromosomes, il y en a beaucoup ?

Parmi les questions d’élèves souvent posées lorsqu’on aborde la génétique, il y a le nombre de chromosomes des individus d’une espèce ; en associer un grand nombre à des espèces évoluées et peu à des espèces plus primitives étant un raccourci scientifique parfois présent dans leur esprit. En effet, chaque chromosome étant formé principalement d’une molécule d’ADN elle-même support de l’information génétique de l’individu, il est confortable pour l’esprit de l’envisager ainsi et surtout rassurant de se dire que moi, petit d’Homme d’élève, j’en possède plus que la plupart des autres espèces. Il est nécessaire pour le prof de SVT de corriger, d’adapter ce point de vue à partir de quelques exemples éloquents pour montrer qu’il n’y a pas de lien entre nombre de chromosomes et degré d’évolution d’une espèce…

Chromosones

Le premier exemple, le plus fréquemment utilisé pour illustrer cette idée est la comparaison du caryotype (classement de l’ensemble des chromosomes d’une cellule, à partir d’une photographie microscopique ; utilisé pour détecter d’éventuelles anomalies de leur nombre) de l’Homme avec celui du Bonobo, chimpanzé nain considéré comme notre plus proche cousin.

Quiconque a suivi sérieusement ses cours de sciences après 1956, date de cette découverte par Joe Hin Tijo et Albert Levan sait que l’Homme possède 46 chromosomes que l’on associe en 22 paires plus une paire de chromosomes sexuels XX ou XY selon que l’on est fille ou garçon. 46 molécules d’ADN portant toute l’information nécessaire à la construction d’un humain !

Le chimpanzé ? Il en possède 48. Oui, mais dans nos fameux cours de sciences, on nous a expliqué qu’en fait notre deuxième paire de chromosomes ressemble étrangement à ce que l’on observe si l’on soude entre eux les 2° et 3° paires de chromosomes du chimpanzé… Dans le langage scientifique on appelle cela une fusion robertsonienne, accident évolutif survenu il y a probablement 7 à 10 Ma et qui a formé à partir d’un ancêtre commun deux populations non interfécondes… Deux espèces distinctes. Finalement le lien nombre de chromosomes/quantité d’information s’estompe déjà puisque nous aurions deux paires de chromosomes soudées, ce qui simplifie le caryotype, mais pas forcément la quantité d’informations !

Un chien qui sait s’asseoir, se coucher, donner la patte à la demande et sauter des obstacles possède dans chacune de ses cellules 78 chromosomes. Des études récentes sur le comportement de cet animal ont confirmé qu’il est capable d’intégrer plus de 200 expressions pouvant constituer autant d’ordres et consignes auxquels il est réceptif, quoique pas toujours immédiatement obéissant… Néanmoins, cela reste ce que Pavlov au travers de ses expériences historiques a nommé une réponse conditionnelle : on a tous appris qu’en associant une stimulation neutre (un bruit tel que le son d’une cloche) à la fourniture d’une assiette de nourriture, on parvient au bout de quelques jours à faire saliver le chien en n’utilisant que la stimulation neutre… Ce qui permet rapidement de faire asseoir son chien sans le suralimenter de récompenses ! réponse pratique pour éduquer un chien mais qui reste intellectuellement limitée… Visiblement pas de rapport avec le nombre élevé de chromosomes du chien par rapport à notre propre caryotype.

La pomme de terre, légume qui a beaucoup voyagé depuis que Parmentier l’a importée du Pérou en Europe est devenue une de nos principales ressources alimentaires. Il y a 48 chromosomes dans chacune des cellules de cette plante certes cultivée. La fougère, plante considérée comme primitive par son ancienneté, son organisation et sa reproduction qui se fait par des spores et non des fleurs comme dans le cas de la pomme de terre en possède… 1200 ! La plante disposant du plus grand nombre de chromosomes est le mûrier noir avec 154 paires, soit 308 chromosomes. Voilà un petit inventaire qui permet de valider cette absence de lien entre évolution et nombre de chromosomes.

 

 Espèces

 Nombre

de

Chromosomes

 Espèces

 Nombre

de

Chromosomes

Cobaye  64 Mouton  54
Pigeon  16 Cheval domestique  64
Escargot  24 Poule  78
Ver de terre  36 Carpe  104
Porc  38 Papillon  380
Oignon  16 Crocus  6
Mouche 10 Pois 14
Zèbre 38 Tomate  36
Souris  40 Colombe 16
Lièvre  48 Rat 42
Vache  60 Hamster 22

*

Voilà au travers de ces quelques exemples des arguments pour bien considérer et faire passer le message qu’il n’y a pas de lien entre le nombre de chromosomes et le degré d’évolution d’une espèce. La même réflexion peut être faite à l’échelle moléculaire en considérant le nombre de gènes. Longtemps on a évalué arbitrairement à plus de 100 000 le nombre de gènes de l’espèce humaine… L’établissement récente de la carte génétique a montré qu’il y en avait tout au plus 35 000, mais là encore, il ne s’agit pas d’une compétition chiffrée mais d’un mode de fonctionnement complexe où ce n’est pas la quantité d’informations qui prime, mais l’infini possibilité d’en agencer les fragments… En effet, les gènes qui font partie intégrante des chromosomes, sont composés alternativement de séquences codantes (ce que l’on appelle les exons) et de séquences non codantes (les introns). Les séquences non codantes signifient qu’elles n’interviennent pas dans l’expression des gènes, elles sont éliminées par des mécanismes complexes au cours de leur utilisation pour réaliser les caractères de l’individu.

Le nombre de chromosome n’a pas de lien avec l’évolution des espèces, c’est l’expression des gènes qui en a un…

Mais c’est une autre histoire, une autre chronique qui pourrait s’intituler « des gènes, il en faut beaucoup ? »

Une chronique d’Eric Legrand

3 réponses

  1. C’est étrange, je rejoins votre observation et vos remarques, mes élèves ont la même perception sur l’influence du nombre de chromosomes et leur importance dans l évolution, merci pour votre article.

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