Vaste question pour démarrer cette nouvelle chronique : Parlons-nous suffisamment d’argent à l’école ?
Aujourd’hui, j’ai décidé de consacrer ma chronique à l’éducation financière qui me paraît indispensable et qui se révèle pourtant insuffisante dans notre modèle français d’éducation. Autour de ce sujet, trois questions me paraissent essentielles :
- Pourquoi la France a-t-elle un problème culturel avec l’argent ?
- Pourquoi devrions-nous en parler davantage à l’école, en quoi l’argent a-t-il sa place à l’école ?
- Comment aborder la question de l’argent à l’école ?
1. Un problème culturel bien français
Les Français ont toujours vis-à-vis de l’argent et du monde financier un sentiment de défiance, c’est un fait. Les propos de l’ex-candidat à la présidentielle devenu notre Président de la République n’ont fait que renforcer cette idée : « Le monde de la finance est notre ennemi » ! (cf. campagne présidentielle 2012).
Cette méfiance des français vis-à-vis de l’argent est culturel. On jalouse, on se questionne, on discrimine ceux qui en ont. Dans la culture anglo-saxonne au contraire, le rapport à l’argent est magnifié (peut-être trop d’ailleurs) on affiche sa réussite sociale, on sacralise les « winners« .
En France, que nenni ! Celui qui a de l’argent suscite méfiance et regards biaisés. L’argent fait peur et le monde de l’argent effraie. Les Français ont de l’hostilité envers les banques (surtout depuis la crise de 2008 où ils ont eu l’impression que les banques avaient fait n’importe quoi et que l’État les avaient sauvés). C’est donc tout naturellement que les enseignants n’aiment pas parler d’argent en classe.
- Que vont en penser les parents ?
- Est-ce aux programmes ?
- C’est un sujet tellement glissant je vais dérapé à coup sûr !
Inutile de préciser que les projets d’école portant sur l’argent ou le monde de la banque ne sont donc pas légions. Et pourtant c’est une grave erreur…
2. Pourquoi parler d’argent à l’école ?
Parler d’argent à l’école est nécessaire et indispensable. Notre actuelle ministre de l’éducation nationale a, il y a peu, rappelé l’importance de parler des questions financières bien au delà des simples problèmes mathématiques. Il y a une éducation financière à mener car cette éducation fait partie de la construction nécessaire de nos futurs citoyens.
Parler d’argent à l’école va permettre :
- d’aider nos élèves à mieux appréhender le monde dans lequel ils vivront ;
- de faire des choix raisonnés et éclairés avec leur argent (y compris dès à présent avec leur argent de poche) ;
- développer leur autonomie ;
- de responsabiliser les élèves (surtout avec l’importance accrue qu’a pris l’argent dans notre société actuelle) ;
- développer des comportements citoyens et solidaires ;
- comprendre la valeur de l’argent et de limiter les dérives de sa mauvaise utilisation.
Un constat alarmant suites à l’enquête PISA
En 2012 la célèbre enquête internationale PISA a évalué la culture financière des élèves (sur leurs connaissances et leurs compétences). Les résultats des élèves français furent catastrophiques puisque leurs résultats étaient inférieurs à la moyenne des 13 pays de l’OCDE.
- 20 % des élèves n’avaient pas le niveau de base ;
- 33 % des élèves seulement maîtrisaient les notions de gestion de compte, de calcul de pourcentage, de fiche de paie de salaire brut, salaire net ;
- Une méconnaissance quasi totale, y compris auprès d’élèves en réussite, de ce que sera pourtant leur quotidien une fois sortis des études.
Comme toujours, selon les catégories socio-professionnelles des parents, les inégalités sont fortes (+ 50 pts pour les enfants de CSP dites favorisées). Invraisemblance totale : 80 % des 15-24 ans ont pourtant déjà un compte bancaire avec carte prépayée. C’est-à-dire qu’ils ont accès à l’utilisation d’un outil sans en maîtriser aucune notion.
La France accuse un retard sidérant en la matière. Ainsi, en Australie, l’éducation financière est au programme dès la maternelle jusqu’au lycée. Au Royaume-Uni, une éducation financière avec des ateliers et des intervenants extérieurs est menée durant toute l’école primaire pour prévenir les risques d’endettement.
La France doit donc parler d’argent à l’école !
L’ARGENT est partout, nos élèves entendent constamment parler d’argent partout ailleurs sauf à l’école.
À la maison, chez leurs grands-parents, au club de sport, pour leur anniversaire, lors d’un déménagement ou pour l’achat d’un véhicule par la famille. L’argent est en permanence abordé dans les discussions et comme pour tous les sujets, nos élèves sont curieux de nature et ce sentiment de non-maîtrise de l’argent (de son vocabulaire, des ses codes, de ses pratiques) les effraie.
3. Comment aborder la question de l’argent à l’école ?
En tant que Ludologue (créateur de jeux), je ne puis que vous conseiller d’aborder la notion par le jeu.
Il y a peu j’ai testé le jeu J’invite un banquier dans ma classe avec mes élèves. Ils ont joué et coopéré ensemble pendant près d’une heure, ils ont découvert énormément de choses (paiement sans contact NFC, le prêt, le chéquier, la notion de découvert…) Ils se sont pris au jeu car ils ont soif d’apprendre et soif de maîtriser un peu mieux ce « langage des grands« .
Ils ont aussi développer ce que j’appellerai du bon sens (n’accorder sa confiance qu’en pleine conscience des risques, mesurer les pratiques dangereuses notamment liées à l’usage d’Internet omniprésent dans leur vie).
Alors vous vous demandez certainement comment justifier de parler d’argent en classe ?
Tout d’abord de nombreux champs disciplinaires s’y prêtent :
- le programme d’instruction civique et morale (avec les notions de partage, de prêt, de solidarité, de citoyenneté) ;
- le programme de mathématiques (avec les notions de pourcentage, de moyenne, de nombres décimaux) ;
- le programme des TUICE (avec les notions d’achats intégrés, des données bancaires et de la sécurisation des achats).
De nombreuses compétences transversales peuvent être confortées via l’éducation financière :
- argumenter ;
- justifier ses choix ;
- débattre et échanger en groupe ;
- prendre la parole en public ;
- coopérer et s’entraider.
Il existe aussi de nombreux sites très bien faits et adaptés aux enfants où vous pourrez dénicher des ressources, des supports et des jeux :
- Les clefs de la banque (site de la fédération bancaire de France qui propose des fiches et des explications très complètes pour aborder la notion de l’argent avec les enfants et les adolescents) : découvrez notamment la rubrique « Mon enfant et l’argent ».
- Abcbanque.fr : pour comprendre l’argent de manière ludique en s’amusant.
- Lafinance pour tous.com. Allez dans l’espace enfants et vous y découvrirez jeux et quiz.
- Dessinemoi l’éco (pour les plus grands, collégiens et lycées) en partenariat avec le journal Le Monde.
Et voilà…
Je ne peux que vous encourager à aborder la question en classe. Vos élèves, de futurs actifs et futurs citoyens ont aussi besoin qu’on aborde ces questions en classe. En laissant cette éducation aux seuls parents, les inégalités seront toujours croissantes entre ceux dont les parents abordent facilement et régulièrement la question et les autres dont les parents auront vite fait de faire de l’argent un tabou, du moins avec leurs enfants.
L’école doit aider à préparer au mieux nos jeunes élèves pour leur vie future.
Dans leur vie future, qu’ils le veuillent ou non, ils devront maîtriser l’argent et le monde de l’argent alors autant commencer à l’appréhender le plus tôt possible.
Une chronique de Monsieur Mathieu
bonjour je suis prof dans un lycée professionnel eh oui ça existe !!!
l ‘education du consommateur fait partie des programmes de PSE en cap et en bac pro et nous parlons argent et de son utilisation de la gestion d’un budget familial , des risques du credit et de la nécessite de lire les contrats…….
merci pour votre petit journal que je lis régulièrement
Non mais j’hallucine quand je lis ça!
Aucun recul, aucun esprit critique. La Financiarisation des esprits est plus qu’en marche quand des enseignants déblatèrent de telles inepties…
Heureusement que les élèves auront des cours de SES pour contrebalancer un tel formatage libéral-capitaliste qui heureusement est déjà hasbeen…