Avril ! Une promenade printanière en forêt laisse toujours perplexe quiconque ne se balade pas qu’en levant la tête pour voir le soleil, mais aussi en regardant le sol.

Feuilles_au_solà l’automne…

Chaque année, le même constat : les feuilles tombées à l’automne précédent ont en grande partie disparu ou subsistent sous forme de morceaux mêlés à un broyat brun fait de minuscules fragments et de terre dans lequel il est difficile d’imaginer les formes variées qu’elles avaient la saison précédente.

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au printemps…

Feuilles_1 Feuilles_2 Feuilles_3

En cause, une armada de microdestructeurs aussi bien équipés en « coupes feuilles » et autres sécateurs que le plus professionnel des jardiniers. Question parfois soulevée par des élèves : comment expliquer cette vitesse de destruction qui fait disparaître l’énorme biomasse de feuilles d’une forêt en quelques saisons. Deux réponses à cela : les ouvriers déjà évoqués précédemment et une conséquence de leur action sur cette vitesse de disparition surprenante.

Dans l’espèce humaine, L’âge du fer débute vers – 2650 en Afrique, vers – 800 à 700 dans le nord de l’Europe. Les jardiniers d’aujourd’hui utilisent des outils en fer en acier dont les lames acérées permettant de venir à bout des plus coriaces organes végétaux.

Nos microjardiniers sont eux issus de l’âge de la chitine, ce polymère très dur qui constitue les carapaces et autres revêtements des animaux invertébrés et qui lorsqu’ils sont pointus au acérés sont tout aussi efficaces que nos lames d’acier.

On pourrait situer cet âge avant – 500 millions d’années, époque à partir de laquelle on constate l’intense diversification des arthropodes dont ils font partie. Pour répondre à la question qui préoccupe mes élèves, j’ai retrouvé dans un vieux livre d’écologie un exemple chiffré que j’ai mis en image et qui je pense permet d’appréhender facilement cette grande vitesse de recyclage.

Le point de départ : des aiguilles de pin tombées sur le sol, feuilles dites persistantes… Mais même si elles ne tombent pas toutes simultanément à l’automne, elles se recyclent néanmoins.

aiguille_de_pin

Source : http://flore06.voila.net

Ainsi, une aiguille de pin de 60 mm de longueur, 1 mm de largeur et 0.5 mm d’épaisseur peut être rapidement découpée en une soixantaine de fragments d’environ 1 mm d’épaisseur par un pseudoscorpion, minuscule, mais redoutable dépeceur de feuilles, pourvu de pattes mâchoires qui lui ont valu son nom et n’ont rien à envier, l’échelle mise à part à celles dont dispose son cousin qui lui ne s’attaque pas aux feuilles.

pouls_1 pouls_2

Source : Writing about arthropod ecology, arachnids & academia at McGill University/Wikipedia

Cette soixantaine de fragments, reprise par les très nombreux collemboles, autres destructeurs de quelques millimètres de longueur présents dans le sol transforme notre aiguille de pin initiale en un ensemble de trente millions de fragments de 10 micromètres d’épaisseur.

Insecte_1 Insecte_2

http://www.insecte.org/Wikipedia

Et le découpage ne s’arrête pas là : il existe dans le sol des vers ronds dont la taille n’excède pas le millimètre : les nématodes, dont la plupart sont phytophages, redoutables parasites des végétaux cultivés qu’ils infestent par leurs racines pour certains, et pour lesquels ces trente millions de fragments végétaux vont constituer la base de leur alimentation. Résultat de ce festin : 3.1013 morceaux d’aiguille de pin…..Voilà notre organe végétal réduit en quelques semaines à d’invisibles morceaux.

Puis, pour homogénéiser ces microfragments avec les particules minérales du sol, les lombrics vont jouer un rôle essentiel en ingérant ce mélange pour en récupérer des nutriments et en rejetant à l’autre extrêmité de leur tube digestif un mélange en partie minéralisé sous forme de tortillons.

Mais l’intérêt de cette fragmentation poussée ne s’arrête pas là : Ce travail de découpage va augmenter considérablement la surface de contact de l’aiguille de pin avec les micro-organismes du sol, bactéries et champignons qui vont transformer beaucoup plus vite la matière vivante en minéraux et constituer cette matière foncée qu’est l’humus. Ainsi, la surface de l’aiguille de pin tombée sur le sol était de 180 mm2.

A l’issue de la première étape du découpage, les soixante fragments représentent une surface de 240 mm2, alors que le travail réalisé par les collemboles fait passer la surface totale des trente millions de fragments à 18 000 mm2.

Finalement, la surface totale des 3.1013 morceaux d’aiguille de pin est de 1,8 m2 !! c’est la surface qui peut être instantanément transformée par les bactéries et champignons du sol. Augmenter la surface d’échange avec les minéralisateurs du sol, voilà le deuxième secret de la transformation rapide des fragments végétaux tombés sur le sol.

Voilà aussi le secret du compost végétal : donner ses épluchures et autres fragments d’origine végétale à toute cette armée de jardiniers invisibles qui en quelques mois les recyclent, en activant simplement leur minéralisation par un accroissement considérable de leur surface de contact avec les micro-organismes pour en faire de l’humus qui, mélangé à la terre du jardin, favorisera la croissance des nouvelles feuilles…

Une chronique d’Eric Legrand

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