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« Depuis mon arrivée (au ministère de l’Education nationale), pour avoir été au contact d’un grand nombre d’enseignants, de jeunes et de familles, j’ai pu mesurer combien les pressions qui s’exercent dans notre société moderne les incitent à davantage recourir aux services et aux conseils de professionnels de l’accompagnement psychologique », écrit Najat Vallaud-Belkacem dans la lettre de mission qu’elle a adressée il y a de cela quelques jours à Jean-Pierre Bellier, et que ToutEduc a pu consulter. La ministre note qu’aux demandes d’aide « pour la construction de parcours de réussite scolaire et d’orientation se joint de plus en plus souvent l’expression de mal-être, de difficultés personnelles » qui peut prendre la forme « d’appels au secours ». Or ces difficultés « constituent de réels obstacles (…) à la réussite des élèves ». Elle demande donc à celui qui a apporté son expertise à la création de ce corps « d’accompagner les services dans la mission de mise en place du concours et de la formation » de ces futurs psychologues de l’Education nationale et « d’assurer en outre et en tant que de besoin (…) les fonctions de personne ressource au bénéfice des équipes académiques« .

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psychologue scolaire

L’inspecteur général vient de mener à bien la mission qui lui avait été confiée en 2013 par Vincent Peillon, confirmée en 2015 par Benoît Hamon puis par Najat Vallaud-Belkacem de conduire les travaux permettant la mise en place d’un corps unique de psychologues de l’Education nationale. Il est donc amené à poursuivre jusqu’à son terme ce chantier.

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ToutEduc : La ministre, dans la lettre qu’elle vous adresse, considère que la souffrance des jeunes concerne l’Education nationale. Celle-ci, même si la loi d’orientation parle des enfants, ne continue-t-elle pas de considérer qu’elle a avant tout affaire à des « élèves » ?

Jean-Pierre Bellier : Sans doute, mais rechercher les conditions d’un climat scolaire bienveillant est un catalyseur essentiel en faveur de la réussite scolaire d’un jeune dans sa globalité et sa complexité. On est rarement disponible pour les apprentissages dans un état de stress ou de tension. L’Ecole ne peut donc pas se désintéresser des difficultés psychologiques des élèves parce qu’elles constituent de véritables obstacles à leur développement affectif et cognitif ! J’ai pu me rendre compte dans mes échanges avec la ministre combien cette question, l’instauration d’un climat bienveillant, est au cœur de ses préoccupations. Je peux attester qu’elle a mis toute son énergie et sa force de conviction à voir la psychologie venir étayer cette exigence.

ToutEduc : La bienveillance n’est-elle donc qu’une affaire de climat scolaire dédié au bien-être des élèves ?

Jean-Pierre Bellier : Bien évidemment que non ! Au-delà des élèves, les enseignants peuvent également faire appel à des compétences de psychologues. Les futurs « ex psychologues scolaires », dans les RASED, n’apportaient pas leur soutien qu’aux élèves en difficulté, de même que les futurs « ex conseillers d’orientation-psychologues » ont souvent été sollicités par des enseignants démunis face à des situations de jeunes dont ils ne comprennent pas les difficultés… Plus généralement, en matière d’orientation, on ne pouvait pas non plus penser que la mission de conseil du COP était terminée parce qu’il avait transmis une information sur l’offre de formation. C’est important, nécessaire, mais ce n’est évidemment pas suffisant, surtout quand on s’attache à la situation d’enfants issus de milieux modestes, souvent victimes malgré eux d’autocensure. Les accompagner pour leur permettre trouver la force – et les ressources – pour accéder à des études dont leur entourage ignore même l’existence ne se limite pas à la consultation d’une brochure de l’Onisep !

ToutEduc : A quelles difficultés vous êtes-vous heurté dans le cadre de votre première mission, celle qui débouché sur la création de ce corps unique de psychologues ?

Jean-Pierre Bellier : Comme vous le souligniez, le système éducatif parle d’élève alors que le psychologue parle d’enfant ou d’adolescent. Ceci n’est pas qu’une question de vocabulaire. Paradoxalement, alors que les concepteurs d’une psychologie de l’éducation, Paul Langevin et Henri Wallon étaient français, cette sensibilité n’a pas complètement modifié l’ADN du système éducatif ni même irrigué la culture de l’Ecole. Celle-ci a été et est toujours principalement préoccupée, et c’est légitime, par la transmission des connaissances et des compétences. Beaucoup de mes interlocuteurs, éminents pédagogues voire administrateurs au demeurant, m’ont souvent opposé l’argument selon lequel la psychologie de l’éducation ne concernait que les enfants « à problèmes  » ! De ce fait, le modèle statutaire existant, même inapproprié, leur semblait convenir malgré ses nombreuses failles juridiques. Difficulté supplémentaire, la profession de psychologue est une profession réglementée. Son exercice suppose d’être autorisé à faire usage du titre. Il ne suffit pas d’avoir été reconnu apte par l’Education nationale pour faire passer des tests. Sans un M2 de psychologie, on est dans l’exercice illégal de la profession, de même qu’en médecine il faut être docteur en médecine. Il nous a donc fallu trouver un juste compromis entre la logique de concours qui prévaut dans la fonction publique et le respect de cette condition de titre. Quoi qu’il en soit, comme le souligne la ministre dans sa lettre de mission, la création de ce corps s’est faite « dans un climat syndical favorable ».

ToutEduc : Depuis la loi de 1990, les psychologues scolaires et les conseillers d’orientation psychologues se sont vu reconnaître la qualité de psychologues. Il ne devrait donc pas y avoir de problème.

Jean-Pierre Bellier : Pour la plupart d’entre eux, effectivement, le passage dans le nouveau corps se fera sans difficulté. Mais beaucoup de conseillers d’orientation, quelque 1 100 sur 4 000 environ, sont des contractuels qui ont été recrutés il y a de nombreuses années. Beaucoup ont un M2 de psychologie et pourront donc, au fur et à mesure des concours d’intégration, être titularisés. Mais ils sont plus d’une centaine à n’avoir qu’un M1, et une cinquantaine à ne détenir qu’une licence. Pour ceux-là, il va être impératif de les encourager à obtenir un M2, par la formation ou par la VAE (validation des acquis de l’expérience) quand ce sera possible, à moins de leur proposer d’occuper d’autres fonctions.

ToutEduc : Le nouveau concours de recrutement sera organisé au printemps prochain. Les candidats devront être titulaires d’un M2 (ou être en passe de l’obtenir) et les lauréats auront ensuite une année de formation professionnalisante. Comment sera-t-elle organisée ?

Jean-Pierre Bellier : L’année de fonctionnaire stagiaire comportera trois temps, un stage tutoré dans un CIO ou dans un RASED, un temps en ESPE avec de futurs enseignants de façon à développer une culture commune, et un temps de formation spécifique dans l’un des quatre centres de formation des conseillers d’orientation psychologues (l’un est situé au Cnam) ou dans l’un des trois centres de formation des psychologues scolaires. Ces sept centres vont s’adapter à ce nouveau public, qui a vocation à exercer en RASED (avec le premier degré) ou dans des CIO (avec le second degré), mais qui devront pouvoir passer de l’un à l’autre.

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