Mauvaise blague

Petit Papa Noël, quand tu descendras du Ciel, avec tes jouets par milliers, n’oublie pas…

QUE JE RENTRE LE 3 JANVIER !

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Non mais, cette blague. Ils ont osé. Et voilà qu’en quelques secondes la magie de Noel s’effrite, le sapin s’écrase malheureusement sur le sol et les boules multicolores se dispersent dans le salon comme des petits cafards s’échappant d’un Big Mac faisandé. On m’a buté mon Noël.

Le trois janvier. Ça me laisse quoi ? Moins de 24 heures pour sortir de mon coma éthylique, régurgiter la dinde de maman consciencieusement, afin d’éviter ces remarques aimantes de mes bambins :

« Monsieur, vous avez tarpin grossi, non ? Ça va, on s’est fait plaisir avec le Petit Jésus ? »

Non mais, au-delà du fait qu’on sort tous et toutes de multiples réveillons, qu’on slalome entre les treize desserts et la gastro hivernale, on a vraiment, vraiment pas envie de reprendre un trois janvier. Sérieusement. C’est un truc pour commencer l’année du mauvais pied, ça. D’ailleurs je viens de vérifier, car je croyais que le trois c’était un mercredi. Juste pour nous emmerder.

Entre les Brésiliennes et le pépé ressuscité

Et puis les élèves, mes élèves. Comment seront-ils le trois janvier ? Non mais je sais déjà. Je vais devoir commencer ma séance avec des jeunes en costard, qui n’auront pas eu le temps de repasser chez eux pour se changer :

«  M’sieur on revient de la Jonk avec la troupe, on a fêté ça avec des Brésiliennes, sérieux on a pensé à vous, elles étaient pas chères ! » (On ne sait jamais quoi répondre à ces réflexions, entre la sympathie que les élèves pensent à moi en pleine bacchanale et la vexation qu’ils m’associent à un manque de moyens général pour m’amuser.)

Non, mais les élèves, le trois janvier, seront ENCORE au téléphone pour souhaiter la bonne année, prétextant que l’appel est super important car c’est leur pépé du bled (le même qui était décédé avant les vacances lors du jour du devoir sur l’argumentation). Tout ça après m’avoir fait la bise. UN PAR UN.

TOUS.

J’en frémis d’impatience.

Pour finir, je pense que quoi que je propose, mon cours ne sera que le théâtre de récits rocambolesques sur la tenue de leurs vacances. Car, croyez-le ou non, le jeune de lycée pro n’appelle JAMAIS ses amis en dehors du bahut pour discuter. Il le fait en classe, devant toute la classe. C’est traditionnel : l’Ecclésia se joue dans mon cours et nulle part ailleurs. Je m’attends donc à faire le plein d’histoires féeriques mêlant le réel et l’imaginaire (« Si on te donne 5 000 euros, tu le ken toi, le Père Noel ? »).

Pour une fois donc, et ce n’est pas si fréquent pour être signalé, on sera raccord, eux et moi, sur le fait de n’être pas vraiment là pour reprendre l’année 2017 du bon pied, celui d’un travail acharné qui nous mènera ensemble aux portes du Baccalauréat. Laissez-nous respirer. Trois janvier. À l’autre bout du monde, je suis sûr qu’on sera encore le premier, d’ailleurs.

« Ça parle d’égalité et ça respecte même pas la mondialisation des fêtes de fin d’année. Comment vous voulez que j’accepte l’Autre dans son étonnante diversité Monsieur, si lui il fait la fête pendant que moi je charbonne avec vous meskin ? »

Bonne remarque.

Voilà, je vous lance donc ma plus grande circonspection quant à cette date de reprise. Mais cette rouspétance enseignante, pléonasme millénaire, ne m’empêchera pas de passer agréablement ces fêtes de fin d’année, sorte de pause cérébrale entre les deux semestres de mes classes. Et quand je recevrai par messages quelques preuves d’affection de mes élèves le 31 au soir, je me dirai que tout n’est pas si noir, tout de même :

« Monsieur, bonne année, profitez bien, vous êtes plus tout jeune, faut vous amuser mais faire attention à vous. »

« Monsieur vous êtes le meilleur des profs franchement avec vous les maths ça passe crème, la bise le sang. »

« Monsieur, je serai pas là le trois janvier mon pépé il est décédé encore, j’arriverai le 4 ou le 5 promis. »

Bonnes fêtes.

Une chronique de Frédéric Lapraz

Ce billet a été publié initialement sur le Huffingtonpost

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