L’aide aux devoirs, bonne ou mauvaise idée ?

« Devoirs faits », le dispositif promis aux familles après les vacances d’automne, fait aujourd’hui la Une des médias. Dans son document de cadrage en direction des chefs d’établissements, le ministère le définit comme un temps dédié en dehors des heures de classe et au sein de l’établissement pendant lequel l’élève effectue les devoirs demandés par ses professeurs. « Devoirs faits » s’adresse à toutes les familles et à tous les collégiens volontaires sur des horaires appropriés, qui ne sont pas obligatoirement en fin de journée, à raison d’un volume horaire fixé par l’établissement.

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Comme son nom l’indique, l’objectif affiché est de permettre à ces élèves volontaires (ou vivement encouragés) de bénéficier d’un accompagnement approprié à leurs besoins au sein du collège pour rentrer chez eux « devoirs faits ». Poser son cartable et être en paix avec ses parents en fin de journée, c’est forcément l’idéal. Cela contribue aussi à la réduction des inégalités qui existent suivant la capacité à cadrer et le niveau d’aide que les familles apportent à leurs enfants.

Comme l’indique l’illustration du vademecum officiel où un jeune professeur de Maths vient éclairer la lanterne d’un élève connecté (Plan numérique oblige), ce temps de travail doit offrir à chaque enfant un cadre calme « pour faire des exercices, répéter ses leçons ou exercer sa mémoire et son sens de l’analyse avec la possibilité d’être aidé quand il en a besoin. » Bref, on est loin du souvenir partagé par beaucoup d’entre nous de la salle d’étude où trônait un surveillant, qui depuis son pupitre entre la page des sports et le programme télé, était chargé de veiller au silence requis pour le travail studieux de chacun. Mais ce qu’attendent vraiment les parents aujourd’hui, ce n’est plus ce type d’encadrement. Sur RTL, une maman témoignait récemment en estimant que lorsque ses enfants restaient à l’étude pour faire leurs devoirs « c’était ni fait ni à faire, c’était juste de la surveillance, je devais repasser derrière ». En somme, beaucoup de parents veulent que cette tâche soit accomplie par des enseignants qualifiés capables de reformuler, d’expliquer, de cadrer le travail demandé.

Devoirs ou pas devoirs ?

La question de la perception des devoirs par les familles est aussi posée. Certaines en demandent, en redemandent même au motif d’une adaptation au marché du travail toujours plus sélectif. D’autres s’y opposent. La FCPE, première fédération de parents d’élèves en France,  revendique la fin des devoirs à la maison pour trois raisons détaillées sur son site :

Raison n°1 : Ils accentuent les inégalités entre les enfants, ceux qui peuvent se faire aider et les autres.
Raison n°2 : Les parents ne sont pas dans leur rôle quand ils refont la classe après la classe. Qui de mieux placés que les enseignants pour réexpliquer aux enfants une notion mal comprise ?
Raison n°3 : Les devoirs renforcent la pression scolaire, et in fine font fructifier le marché du soutien scolaire privé.

Dans l’article « Devoirs faits ou copie à revoir ? », la FCPE ne se dit pas totalement emballée arguant de l’appropriation locale du dispositif susceptible de créer des inégalités entre les établissements et du risque d’alourdissement de l’emploi du temps des élèves (la pause méridienne restera t-elle libre ?). La fédération  pose aussi la question du sens des devoirs et c’est sur ce point que je voudrais insister.

Je sors de la deuxième réunion consacrée à « Devoirs faits » dans mon établissement. Avant les vacances, la direction de notre petit collège (340 élèves) était plutôt pessimiste quant à la dotation horaire pour le dispositif. Finalement, les 192 heures demandées ont été allouées ce qui permettra de faire fonctionner « Devoirs faits » les lundis, mardis, jeudis et vendredis de 15 h 30 à 17 h 30.  Une demie IMP a aussi été accordée pour qu’un collègue coordonne le dispositif. Les collègues sont appelés à participer au dispositif (deux sont pour l’instant volontaires) aux côtés des assistants d’éducation qui le feront sur leur temps de travail. Des groupes de 8 ou 10 élèves maximum sont prévus.

Les moyens sont donc là mais dans nos discussions deux éléments ont été particulièrement débattus. D’abord, quel encadrement sera proposé ? Certains professeurs souhaitent que l’on reste dans un temps d’études surveillées : on offre un cadre de travail aux élèves car on ne peut pas aider individuellement chaque élève… mais ce n’est pas l’esprit du texte officiel. D’autre part, des collègues se disent en difficulté ou incapables d’aider les élèves dans certaines disciplines, ce qui pose aussi la question des compétences des parents qui ne sont pas professeurs et à qui on demande d’accompagner leurs enfants dans toutes les disciplines…

Réflexion collective

De là, on dérive vite sur la question du sens. Pourquoi donne-t-on des devoirs ? Ne faut-il pas s’organiser pour que ce travail personnel soit fait en classe ? Pourquoi ne pas utiliser l’accompagnement personnalisé comme un temps de travail personnel d’appropriation des compétences et/ou des connaissances étudiées ? Le travail d’équipe est bien au cœur de la réussite d’un dispositif comme « Devoirs faits » car les pratiques des enseignants vont ici se rencontrer voire se télescoper. Comment fonctionne mon collègue ? Que donne t-il à ses élèves ? Ses consignes, j’y comprends rien, c’est normal que les élèves soient largués !

Sans une vraie réflexion collective sur les modalités et le sens à donner à ce que doit être le travail personnel des élèves, il sera difficile d’être vraiment et durablement efficaces. S’accorder par discipline voire en équipe pédagogique sur ce que l’on peut et doit exiger des élèves hors de la classe est un chantier relatif à ce dispositif. Bien sûr, cela touche à la liberté pédagogique de chacun mais cette liberté s’exerçant aussi dans un collectif, il est bon de se mettre en cohérence les uns avec les autres. Cela m’oblige aussi à reconsidérer ma position : j’ai un emploi du temps bien plein, pas mal de sollicitations et je ne comptais pas m’inscrire dans « Devoirs faits »… mais ne dois-je faire ma part pour que le dispositif fonctionne ? Le collègue qui pendant l’heure « Devoirs faits » fera remonter et expliquera les difficultés de tel ou telle élève à son collègue participera à cette construction du sens qui manque dans le travail à la maison. De ces échanges entre collègues doivent naître une culture partagée autour du travail personnel que l’on attend tous des élèves mais sans harmonisation pour l’instant. D’ailleurs, cette question devrait aussi être débattue dans le cadre des liaisons école-collège/collège-lycée si l’on veut être cohérent jusqu’au bout mais là c’est encore une autre histoire.

Il me parait aussi pertinent d’associer des élèves à l’aise dans leurs devoirs en leur proposant de venir faire les leurs sur ces temps tout en tutorant des camarades qui en auraient besoin. C’est le principe de la classe mutuelle, ça ne coûte pas cher et tout le monde en profite.    

Une chronique d’Emmanuel Grange

Une réponse

  1. Quand j’étais au collège en Angleterre, nous avions un emploi de temps à part pour les devoirs.
    Ceci nous permettait de nous organiser et surtout empêcher certains professeurs de l’équipe de nous arroser de devoirs. En France, je constate que les élèves accordent plus d’importance à certaines matières ( maths, sciences,) qu’à d’autres et que les professeurs de ces matières ont l’air de donner beaucoup de travail par rapport au temps que les élèves consacrent aux devoirs au total.

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