Il se passe quelque chose…

J’aurais dû me douter qu’il se passait quelque chose. Un bruissement dans l’air. Des conversations à voix basse. Des emportements. On parlait soudain russe dans les travées de mes classes.

Retour de la perestroika ? Engouement pour Poutine ou la vodka ?

Niet. Kubok mira.

La Coupe du monde de football tout simplement.

coupe

… un constat…

 

Le premier constat, c’est que le mois de juin approchant, les élèves ne m’écoutaient plus. Je veux dire encore moins que d’habitude. On parle souvent de partir dans la conquête du mois de juin, mais visiblement la FIFA, n’ayant pas eu le mémo, en avait décidé autrement. La conquête se transformait en déroute. Gengis Khan marchait sur la Mandchourie et il avait la gueule de Sepp Blatter.

Mon cours n’était plus qu’un échange de pronostics divers, avec des élèves arborant fièrement les tenues de travail de nos amis sportifs. Ce qui me donnait des classes complètement bariolées, avec des couleurs certes variées, mais criardes qui m’obligeaient à porter des lunettes de soleil si je ne voulais pas risquer un infarctus pupillaire.

Devant cette floraison de maillots, devant le bruit des chaussures à crampons quand ils pénétraient dans le Stadium delle Laprazi, je me sentais transporté ailleurs, dans un autre univers. Je me disais tout simplement que la prochaine étape serait qu’ils poussent les bureaux de chaque côté, s’entraînant à tirer aux péno devant le gardien de but. Exit gardien du savoir.

MOI.

Car il ne faut pas croire que l’élève lambda refuse de faire participer son prof préféré à l’exacerbation de sa passion. Comme mon fils qui me demandait sans cesse de le regarder maintes et maintes fois jouer à Mario et battre Bowser, il fallait là encore que je participe. Qu’on me prenne à partie.

 

«  Msieur, vous allez regarder ou pas ? »

Des fois je jouais au con et je demandais. Quoi donc ?

 

« Msieur, vous pensez on va aller loin ? »

J’en sais rien. Moi en fait, je comptais te mener jusqu’au bac, mais visiblement je suis le seul.

 

«  Msieur, dites lui à ce payot de Thomas que Messi il est plus fort que Ronaldo ! »

Bien entendu. Mais pourquoi est-ce la seule question que tu me poses de l’année, Damien ?

 

«  Moi vais passer en pro, msieur, dans 4 ans vais gagner tarpin d’oseille vous m’verrez à la télé »

Oui. Et J’espère que tu te rappelleras de celui qui t’a évité l’exclusion cette année. Prends mon RIB au cas où.

 

Oui, les élèves voulaient mon avis sur un sport que je ne pratiquais pas, que je ne regardais guère. Ils démontraient une motivation sans pareille et connaissaient par cœur les joueurs de chaque équipe, leur poste de prédilection, la stratégie du coach et leurs plats favoris. Et moi je galérais à leur faire retenir 1939-1945.

Du coup, après ce constat, j’ai essayé de réfléchir à des solutions visant à ne pas perdre totalement la face, et donc insérer insidieusement des doses homéopathiques de cours dans leurs discussions footballistiques.

 

… des solutions…

 

L’Afrique n’est pas un pays.

 

«  Zizou ? Je me souviens qu’il est doux et sonore »

Mais vous pouvez toujours utiliser cette thématique pour leur faire référencer tout le champ lexical du domaine ; et des figures de style adaptées à celui-ci : «  Deschamps cette hyène qui a pas pris Benzema ».

 

 

Voilà en somme ce que je pouvais dire sur cette magnifique manifestation ; que j’utilise chaque année dans le cadre du cours sur la mondialisation. Car plutôt que d’uniquement la subir. Je l’utilise sur mon propre terrain.

Étonnant que la FIFA n’y ait pas déjà pensé.

Une chronique de Frédéric Lapraz

À retrouver dans LeHuffingtonPost.

 

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