Devenir parent d'adolescent

Les parents que je rencontre ont souvent l’impression de ne pas savoir comment réagir aux premiers signes de l’adolescence : leur enfant s’esquive, se mure, s’oppose, répond, ne veut rien faire, se moque de tout, et donc, leur échappe de plus en plus. Démunis face à celui qu’ils croyaient connaître et qu’ils découvrent sous un nouveau jour, ils craignent souvent de commettre des impairs et de rompre un dialogue rendu parfois fragile par les tensions qu’il génère. Comment, par conséquent, se muer en « bon parent » d’adolescent ?

Avant de répondre à cette question, il convient de rappeler que le « bon parent » n’existe pas et qu’il est dans l’ordre des choses de se voir malmener par son enfant à l’adolescence.  En outre, le comportement de ce dernier dépend d’interactions propres à chaque famille et il serait absurde de délivrer une méthode type valable pour tous les parents.

Cependant, ce constat ne dispense pas de donner quelques conseils à ceux qui souhaiteraient mieux saisir ce qui se joue à l’adolescence et qui voudraient parvenir à prendre le recul qui fait souvent défaut dans la gestion des relations  familiales.

Pour ce faire, nous reprendrons ici les 10 recommandations adressées aux parents par les pédopsychiatres Philippe Jeammet et Denis Brochereau,  dans leur ouvrage La Souffrance des adolescents (La Découverte, 2007).

1. « Redéfinir les relations » : les parents doivent accepter que l’adolescence de leur enfant modifiera l’équilibre familial établi jusqu’alors. Bien que déstabilisant, ce processus de maturation est nécessaire et il serait vain de vouloir conserver à tout prix les relations antérieures.

2. « Ne pas confondre les rôles et rester à la place » : l’adolescent a besoin, pour se construire, de s’identifier et de se confronter à des modèles fiables. L’adulte doit garder sa place d’adulte, et se rendre compte qu’il constitue une référence pour son enfant en mal de repères.

3. « Ne pas esquiver les conflits » : l’adolescent acquiert son identité propre en se détachant de ses premiers objets d’amour, à savoir, ses parents. La confrontation avec eux constitue donc une étape structurante pour le jeune, à condition qu’elle demeure verbale, et que les mots employés n’attaquent pas trop violemment les interlocuteurs. En s’opposant à ses parents, l’adolescent se distingue, s’affirme et s’affranchit, ce qui constitue un pas vers l’autonomie.

4. « Dialoguer » : les parents ne doivent pas rompre le dialogue avec l’adolescent, même si celui-ci les a blessés. La bouderie lui est réservée, et les adultes doivent prendre les attaques de leur enfant avec plus de recul, avec plus d’humour, en évitant de mépriser ses propos pour ne pas le reléguer au rang d’enfant, étymologiquement, « celui qui ne parle pas ».

5. « Discuter à la demande de certains thèmes délicats » : le silence parental n’est pas forcément condamnable à propos des rapports affectifs et sexuels. En effet, les parents ne doivent pas se montrer trop intrusifs à cette période, et les adolescents préfèrent souvent trouver les informations qu’ils recherchent par leurs propres moyens. Cependant, l’expérience de leurs parents possède une grande importance à leurs yeux. Ces derniers doivent donc l’aborder avec pudeur et essayer de parler vrai, en reconnaissant leurs propres erreurs au besoin.

6. « Rester discret » : il convient de respecter l’intimité physique et psychique de l’adolescent, et de renoncer à l’idéal de transparence et de maîtrise absolue qui se révèle extrêmement pathogène. Les parents doivent rappeler à leur enfant qu’ils restent présents s’il désire se confier, mais accepter également de ne plus tenir les rôles d’interlocuteurs privilégiés : ses amis, ses professeurs, le médecin scolaire, etc. seront plus spontanément choisis par le jeune.

7. « Se maintenir à bonne distance » : il n’est pas possible de continuer à surveiller son adolescent comme on le faisait lorsqu’il était enfant ! Lui accorder plus de responsabilités, le placer sous l’autorité d’un tiers, accepter qu’il ait ses plages de liberté s’avère inévitable, car indispensable pour l’accès à l’indépendance du futur adulte.

8. « Manifester son affection avec retenue et accorder sa confiance » : s’il est bon de renouveler verbalement son amour et sa confiance à son adolescent, les manifestations de tendresse physiques peuvent devenir gênantes à cet âge et il est conseillé de respecter la séparation des corps.

9. « Inciter à sortir et à aller de l’avant, vers l’extérieur » : le foyer familial doit demeurer « un port d’attache », d’où l’adolescent doit pouvoir partir et revenir. Même s’il demeure essentiel de rappeler les règles de vie communes ainsi que le respect élémentaire à observer, il faut accompagner l’adolescent dans son ouverture sur le monde et ne pas s’opposer à ses velléités d’indépendance.

10. « Savoir dire non et faire preuve d’autorité quand c’est nécessaire » : certains interdits sont indispensables et structurants. Ils aident l’adolescent à renoncer à la toute-puissance, à passer du principe de plaisir au principe de réalité, et à calmer en partie ses angoisses. Si ces limites sont dépassées, une sanction doit être appliquée, en offrant toujours au jeune la possibilité de réparer ses erreurs.

 

Ces dix recommandations pleines de bon sens résonnent sans doute comme des évidences aux oreilles des parents qui recherchent peut-être déjà comment agir en cas de crise. Cependant, elles n’en restent pas moins bonnes à rappeler car elles permettent de les rassurer ou de les guider dans les positions qu’ils adoptent ou devront adopter.

S’il s’avère souvent difficile de prendre de la distance vis à vis de l’adolescent, celui-ci interpellant sans cesse l’adulte par une attitude qui passe du rejet à la dépendance, certains blocages peuvent parfois nécessiter le recours à une tierce personne, afin d’éviter que les tensions aboutissent au laisser-tomber ou à la rupture des liens.

Nathalie Anton

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14 réflexions sur « Devenir parent d'adolescent »

  1. 10 recommandations simples et pleines de bons sens. Mais que faire lorsque l’adolescent choisit de stopper ses études (à 17 ans) et de se cloîtrer dans sa chambre, en refusant toute aide extérieure pendant un an (déjà)? Nous n’avons pas laissé tombé mais nous ne trouvons pas de solution (s).

  2. Ces conseils s’adressent en effet aux parents dont l’enfant s’apprête à entrer dans l’adolescence, et ils s’avèrent sans doute moins utiles lorsque les conflits sont déjà installés…

    Votre enfant a-t-il subitement cessé d’aller à l’école, ou n’a-t-il pas trouvé d’orientation qui lui convienne ? A-t-il des projets ? Des amis ? Une vie amoureuse ? Un événement particulier peut-il expliquer cette décision ? Quelles démarches avez-vous déjà entreprises ? S’il a 18 ans à présent, comment envisage-t-il son accès à l’autonomie ? Qualifieriez-vous son comportement d’étrange ?

    N’hésitez pas à me préciser ces éléments ainsi que la nature de vos relations : même si votre mail suggère que vous avez déjà rencontré de nombreux interlocuteurs et bien que je ne prétende pas avoir la solution miracle (surtout à distance), je m’efforcerai de répondre au mieux à vos préoccupations en prenant en compte votre situation particulière.

    J’ajoute que cette conversation pourra rester confidentielle si vous le souhaitez.

    Cordialement

    Nathalie Anton

  3. Notre fils a subitement refusé de retourner au lycée après les vacances d’hiver 27/08. Un exposé d’anglais à faire à l’oral a été le « prétexte ». Mais cela faisait plusieurs mois voir 2 ans que petit à petit il lui était difficile de trouver de l’intérêt à l’extérieur de la maison, de trouver le courage de se lever le matin, de trouver de l’intérêt à retrouver ses copains et bien sûr de se trouver digne d’intérêt. Son niveau scolaire était excellent jusqu’en seconce où ses résultats ont chutés mais les derniers mois en terminal étaient redevenus très bons grace à un petit traitement antidépresseur. Il n’a pas de projets, plus d’amis, pas d’amie à ma connaissance, refuse de parler d’avenir. Je sais bien sûr qu’il s’agit d’une grosse dépression mais que peut-on faire puisque même le psychiatre qui a réussi à s’introduire dans la maison pour lui parler n’a pas réussi à le convaincre de se faire aider ? Connaissez vous des ados dans ce cas et quel a été le dénouement de cette situation ?

  4. L’attitude de votre fils témoigne d’une souffrance intense qui nécessite, sans aucun doute, une prise en charge par des professionnels.

    Si le dialogue est bloqué entre vous, je vous conseille de faire de nouveau appel à un médecin en qui il pourrait avoir confiance, afin que ce dernier évoque avec lui ce qu’il convient d’appeler une maladie, dont la conviction d’être totalement lucide sur la médiocrité de ce que l’on est et de ce que l’on vit constitue précisément l’un des symptômes.

    En cas de refus réitéré de la part de votre fils, et parce qu’il est vain d’espérer que la souffrance disparaisse d’elle-même, vous devriez discuter avec le psychiatre de ce qu’on appelle « l’hospitalisation à la demande d’un tiers », c’est à dire une demande de prise en charge en psychiatrie formulée par un membre de l’entourage du patient, et relayée par deux avis médicaux légitimant cette requête.

    Je me permets d’insister sur le fait que votre fils doit obtenir la prise en charge et le traitement adaptés à sa pathologie, son comportement signalant une mise en danger que j’oserais qualifier d’inquiétante, sur les plans de son avenir socio-professionnel, certes, mais surtout de son équilibre psychique.

    Je vous souhaite de trouver l’énergie nécessaire pour aller à l’encontre de l’opposition qu’il manifeste : c’est parce que vous l’aimez que vous vous souciez de son bien être ; or, prendre soin de ceux que l’on aime implique justement, en cas de nécessité, d’avoir recours aux compétences d’une équipe soignante.

    N’hésitez surtout pas à me tenir au courant de l’évolution de la situation ; je reste à votre disposition pour toute question complémentaire,

    Cordialement

    Nathalie Anton

  5. Merci de votre réponse, votre analyse est perspicace. Le psy que nous voyons n’est pas pour l’hospitalisation, nous non plus d’ailleurs dans l’état actuel des choses, le remède pourrait être plus destructeur que le mal. J’aurai aimé communiquer avec des parents rencontrant le même problème.
    Cordialement

  6. Je ne me permettrais pas, sans avoir rencontré votre fils, de poser un diagnostic. Je peux simplement vous dire que ce genre de retrait chronique se rencontre dans deux grandes pathologies de l’adolescence : la dépression et la schizophrénie. Il me semble que le psychiatre qui suit votre enfant s’est prononcé pour la première et que les antidépresseurs ont eu de bons résultats, ce qui tend à confirmer cette appréciation.

    J’espère que vous trouverez, dans le cadre d’une association de parents d’adolescents, par exemple, le soutien que vous recherchez : la souffrance d’un enfant laissant rarement les parents indemnes, ces derniers doivent penser à trouver un espace dans lequel ils peuvent verbaliser et tenter de dénouer ce qui se joue.

    Vous pourriez par ailleurs rencontrer au sein d’une consultation pour adolescents type CMPP des spécialistes de l’adolescence qui pourraient vous écouter et vous transmettre leur expérience.

    Cordialement

    Nathalie Anton

  7. Bonjour, je me permets de vous solliciter car nous rencontrons ma femme et moi de plus en plus de difficulté avec notre fils âgé de 14 ans. Il devient totalement accro aux jeux vidéo sur internet. Progressivement il se cloître dans sa chambre refusant tout contact et tout dialogue. Depuis la rentrée de janvier, nous avons appris qu’il manque régulièrement les cours de fin de la matinée et réussi à rejoindre des cyber-cafés pour poursuivre ses activités ludiques. Je m’interroge d’ailleurs sur le fait qu’un enfant de 14 ans (et demi) puise sortir ainsi de son collège sans que nous soyons informés. (Je ne citerai pas le nom du conseillé d’éducation de cet établissement qui semble totalement débordé pas la situation). Ma femme a totalement renoncé et je m’étonne qu’elle puisse prendre la défense de son fils quand j’essaie de reprendre les choses en main avec autorité. Que faire ?

  8. Monsieur :

    Il me semble que votre enfant passe entre les mailles de l’autorité scolaire et familiale que tout adolescent cherche à distendre, mais que l’inattention et les contradictions des adultes contribuent à user.

    J’ajoute que la confusion et les conflits qui règnent entre les adultes angoissent les adolescents qui ont besoin de repères stables pour se construire. Le retrait dans l’univers du jeu peut alors agir comme un anxiolytique voire un antidépresseur, lorsque la réalité devient trop difficile à supporter.

    Il serait souhaitable que vous retrouviez, parents et professeurs, un discours uni et cohérent autour des limites qui lui sont nécessaires, et que vous renforciez votre vigilance commune à son égard, en instaurant une collaboration efficace avec le collège notamment, car les transferts de responsabilité risquent d’accentuer sa mauvaise prise en charge.

    Si le fait de rétablir une autorité ferme et rassurante ne suffit pas à recadrer votre fils, il pourrait alors être utile qu’il consulte, au sein du collège ou à l’extérieur, un médecin ou un psychothérapeute avec qui il pourra évoquer les problèmes qu’il rencontre et dont témoigne son comportement.

    N’hésitez pas à me tenir au courant,

    Cordialement

    Nathalie Anton

  9. Bonjour
    Que faire lorsque l’adolescent (notre adolescent qui aura 18 ans en fin d’année) n ‘est plus motivé scolairement, multiplie les sorties avec ses copains le week end et les vacances scolaires et lorsqu’on s’y oppose ou qu’on essaie de sanctionner parce qu’il ne travaille pas à l’école ou qu’il sort trop souvent tard la nuit l(il est chez des copains) sans nous préciser où il va, on se confronte à un mur, pire à une agression verbale voire physique de sa part.
    Nous avons même fait appel à un éducateur qui nous a dit que notre enfant était en toute puissance et qu’il fallait casser cela. Le problème c’est qu’on y parvient pas car il est agressif.
    On a l’impression d’avoir loupé quelque chose dans son éducation ou bien d’avoir été trop dure. On ne sait plus quoi faire. On a même pensé à écrire une lettre au juge des enfants pour lui donner le relais car on n’a plus d’autorité. Il est vrai qu’il ne fait pas de fautes grâves comme se droguer(enfin on pense que non car on ne sait pas où il est), voler etc..il est juste chez ses copains à fumer de la chicha parfois ou autre peu-être.. Lorsqu’on lui demande pourquoi il nous dit pas où il sort, il répond que c’est parce qu’il a peur qu’on aille le chercher. Il n’est que dans l’amusement et s’oppose à toute forme de solution extérieure (psychologue, éducateur…)
    Cela devient difficile car on est à présent dans une relation conflictuelle.

  10. Bonjour,

    Il est en effet fort difficile de lutter contre la démotivation scolaire de son enfant, car le fait d’être intéressé par telle ou telle chose constitue un ressort tout à fait personnel. Il n’en reste pas moins qu’il est normal que les parents s’inquiètent et tentent de le responsabiliser par rapport à son avenir, à son bien-être, et au respect des règles de vie familiale.

    En ce qui concerne votre fils, je crois tout d’abord qu’il est impératif de prendre contact avec l’établissement dans lequel il est scolarisé, de manière à faire le point sur :
    – son assiduité
    – son niveau
    – ses possibilités de poursuite d’études

    Une fois que ce constat aura été fait, il faudra demander à l’établissement (au CPE ou conseiller d’orientation par exemple) de travailler avec lui sur un projet d’orientation réaliste et constructif.

    Il convient par ailleurs de dire à votre fils que vous vous souciez de sa santé, de sa réussite, que votre objectif n’est pas de l’empêcher d’être heureux, bien au contraire, mais que vous ne pouvez cautionner qu’il vive sous votre toit en ne vous respectant pas. C’est ce point que vous devez aborder avec son éducateur, de manière très approfondie, pour trouver des points d’accord entre lui et vous.

    Le fait de vous tourner vers le service social pour signaler cette situation préoccupante et voir quelles solutions peuvent vous être proposées constitue une piste pertinente : là encore, l’assistante sociale de l’établissement de votre fils peut être un bon relai.

    Enfin, une consultation psychologique peut en effet être proposée, à condition que votre enfant l’accepte. Une rencontre avec le médecin ou avec le service social peut accompagner vos démarches dans ce sens.

    En espérant que ces éléments de réponse auront permis de vous donner quelques pistes, je vous souhaite bon courage et reste à votre disposition pour toute question complémentaire.

    Bien cordialement,

    Nathalie Anton

  11. Bonjour,
    J’ai 14 ans. Je ne m’adresse peut-être pas dans le bon post, mais j’ai besoin d’aide. Pour commencer, je précise que l’on me considère, dans mon entourage, (à l’école) comme une des personnes les plus responsables de ma classe, voir de mon année. J’aime travailler, je n’ai pas trop de problèmes. Mais depuis quelques temps, je garde un « secret » et je ne me sens plus capable de le garder, car cela me rend très « triste ». Je vois donc un conflit arriver et j’en ai peur, peur de la réaction que mes parents pourraient avoir. Pourriez-vous m’aider? J’en ai parler à un professeur, pensez-vous que, éventuellement, il pourrait « arbitrer » cette discussion avec mes parents?
    Cordialement.

  12. Bonsoir,

    Je pense que votre démarche est tout à fait bonne : il est important de pouvoir dire ce que l’on a sur le coeur, et de pouvoir le faire sans crainte.

    Le fait de vous tourner vers un adulte responsable en qui vous avez confiance et qui pourra médiatiser le rapport à vos parents entre dans cette perspective, à condition, bien sûr, qu’il accepte ce rôle de médiateur. Expliquez-lui ce que vous attendez de lui, mais envisagez le fait qu’il puisse trouver cette position trop difficile à tenir et qu’il vous faille vous tourner vers un adulte du collège qui pourrait davantage jouer ce rôle : le cpe, l’infirmière, l’assistante sociale, voire le principal ou proviseur de votre établissement en fonction de votre situation.

    Je vous souhaite bon courage dans cette entreprise, et espère que tout se passera bien. N’hésitez pas à me tenir informée de la suite.

    Bien cordialement

    Nathalie Anton

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