génétique et obésité: le rôle d’AMY1, gène de l’amylase salivaire

Une équipe internationale coordonnée par le professeur Philippe Froguel vient de découvrir que les personnes possédant un petit nombre de copies de AMY1, gène de l’amylase salivaire, ont un risque multiplié par 10 de devenir obèses.

  • Des rappels de cours:

AMY1?

AMY1 est le gène codant pour l’amylase salivaire, il est présent de manière répétée chez l’espèce humaine et peut varier de une à vingt copies en fonction des individus.

L’amylase salivaire ?

La salive est un liquide muqueux sécrété par les glandes salivaires. Elle est composée d’une grande variété de molécules dont l’une est une enzyme : l’amylase, qui catalyse l’hydrolyse de l’amidon ( présent dans les pâtes, le riz …)

la digestion de l’amidon: quelques rappels…

– l’amidon (polyoside) est formé de longues chaînes de glucose, il est transformé en molécules de maltose par l’amylase.

– Il existe deux amylases , l’une contenue dans la salive et l’autre dans le suc pancréatique.

– le maltose (deux molécules de glucoses reliées) est un diholoside obtenu lors de la digestion des polyosides (amidon et glycogène) par les amylases.

– la maltase ( enzyme spécifique du maltose) transforme chaque maltose en deux molécules de glucose.

– A la fin de la digestion, le glucose traverse la paroi de l’intestin grêle pour passer dans le sang; il sera ensuite utilisé par nos cellules …

Les enzymes?

les enzymes sont des protéines et chacune d’entre elles est codée par un gène.
Les enzymes sont des catalyseurs biologiques et agissent dans des conditions compatibles avec la vie.

  • Des précisions sur cette découverte:le communiqué du CNRS

AMY1, gène codant pour l’amylase salivaire est présent de manière répétée chez l’espèce humaine et peut varier de une à vingt copies en fonction des individus. Une diminution du nombre de copies de ce gène codant pour l’amylase salivaire (servant à digérer l’amidon, sucre complexe) favorise l’obésité. C’est ce que vient de découvrir une équipe internationale coordonnée par le professeur Philippe Froguel du laboratoire Génomique et maladies métaboliques (CNRS /Université Lille 2/Institut Pasteur de Lille) (1).

Les chercheurs montrent que les personnes qui ont le plus petit nombre de copies du gène AMY1 (et ainsi peu d’enzyme amylase dans leur sang) ont un risque multiplié par 10 de devenir obèses. Chaque copie de ce gène en moins augmente de 20% le risque d’obésité. Ces travaux, publiés le 30 mars 2014 dans Nature Genetics, démontrent pour la première fois le lien génétique entre la digestion des glucides complexes et l’obésité.

Un milliard de personnes sont actuellement en surpoids. Si au niveau d’une population entière c’est l’environnement délétère qui favorise l’obésité, au niveau individuel les facteurs génétiques expliquent 70% du risque génétique des personnes prédisposées à l’obésité. Environ 5% des personnes très obèses portent une mutation d’un des gènes contrôlant l’appétit qui est suffisante pour les rendre obèses. Les études récentes pan-génomique (2) par puces à ADN ont identifié 70 gènes de l’obésité commune, mais leur impact est faible et n’explique qu’une petite partie du risque génétique (4%).

Pour aller plus loin, les chercheurs français et britanniques ont étudié des fratries suédoises discordantes pour l’obésité, analysant leur génome et les gènes du tissu adipeux différemment exprimés entre obèses et sujets de poids normal. Ils ont mis en évidence une région du chromosome 1, unique en son genre car elle contient un gène AMY1 codant pour l’amylase salivaire qui est présent dans une forme unique à l’espèce humaine. Au lieu d’avoir seulement deux copies de ce gène (un du père, un de la mère) le nombre de copies d’AMY1 varie de une à vingt copies. Depuis 10 000 ans, date du début de l’agriculture, le nombre de copies d’AMY1 a augmenté dans l’espèce humaine, témoignant de la sélection naturelle et de l’évolution humaine : l’amylase servant à digérer les sucres complexes (amidons), les hauts sécréteurs d’amylase salivaire sont dotés d’un avantage nutritionnel sélectif. Les chercheurs ont remarqué que les personnes ayant le plus petit nombre de copies d’AMY1 (et ainsi peu d’enzyme amylase dans leur sang) ont un risque d’obésité multiplié par 10. Chaque copie d’AMY1 en moins augmente de 20% le risque d’obésité. A elle seule cette région du génome explique près de 10% du risque génétique.

Il existe 2 formes d’amylase, l’une produite par le pancréas et l’autre par les glandes salivaires et seule la forme salivaire semble associée à l’obésité. On ne connait pas encore pourquoi la déficience en amylase salivaire favorise l’obésité : deux hypothèses sont envisagées. D’une part la mastication des aliments et leur digestion partielle dans la bouche pourrait avoir un effet hormonal entraînant la satiété qui serait diminuée en cas de déficience en AMY1. D’autre part, la mauvaise digestion des amidons pourrait modifier la flore intestinale et ainsi contribuer indirectement à l’obésité voire au diabète comme le suggèrent les premières études du métabolome (3) réalisées chez des personnes à haute ou basse amylase salivaire. Ainsi les personnes à basse amylase salivaire ont une glycémie anormalement élevée quand on leur fait manger de l’amidon.

Ces résultats ouvrent une piste tout à fait nouvelle de la prédisposition génétique à l’obésité passant par la digestion des glucides complexes et leur action sur la flore bactérienne de l’intestin. Ils ouvrent des perspectives importantes de prévention et de traitement plus efficaces de l’obésité prenant en compte la digestion des aliments et leur devenir intestinal.

froguel


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