Subduction continentale… première preuve sous le massif de Dora Maira

Dans les années suivant l’avènement de la tectonique des plaques, les scientifiques pensaient la subduction continentale impossible, du fait de la faible densité de la croûte continentale.

Une équipe associant sismologues et géologues apporte des preuves décisives de l’enfouissement de croûte continentale européenne dans le manteau adriatique sous le massif de Dora Maira.

Le massif de Dora Maira représente le socle du Briançonnais le plus interne.

Il contient des paragenèses de très haute pression et basse température avec l’emblématique coésite. L’enfouissement est de l’ordre de 100 km

NB: La coésite est une polymorphe de la silice produite au cours d’un métamorphisme de très haute pression (vers 30 kilobars, soit 100 km de profondeur)

Le massif de Dora Maira et la plaine du Pô, vus depuis l’unité ligure du Viso source ISTEP dgs JUSSIEU

 

 

 

C’est la découverte par le français Christian Chopin en 1984, de coésite, minéral de ultra-haute pression (UHP) formé à plus de 90 km de profondeur, dans des roches métamorphiques du massif de Dora Maira (Alpes italiennes occidentales) qui a apporté la première preuve de l’enfouissement (et de l’exhumation) de croûte continentale à grande profondeur.

source ISTEP dgs JUSSIEU

Depuis , de nombreux  autres affleurements de roches métamorphiques de UHP( ultra haute pression) aux caractéristiques similaires à celles de Dora Maira ont été découverts dans toutes les chaînes de collision.

La notion de subduction continentale est donc très largement acceptée aujourd’hui. Cependant, il est extrêmement rare qu’un lien direct puisse être établi par imagerie géophysique entre la présence de coésite en surface et celle de croûte continentale enfouie à grande profondeur.

SOURCE CNRS : (Haut) Carte des expériences sismiques et sismologiques dans les Alpes occidentales, dont le profil ECORS-CROP et l’expérience CIFALPS ; (Milieu) Profil sismique en fonctions récepteur, après migration-profondeur, le long du profil CIFALPS (de la vallée du Rhône à la plaine de Pô). Les zones en rouge correspondent aux discontinuités où la vitesse sismique augmente avec la profondeur. Les zones en bleu correspondent à celles où la vitesse décroit vers le bas. Le trait noir continu est le Moho européen. La courbe en pointillés marque le contact entre le manteau adriatique (corps d’Ivrée) situé en position haute et les roches métamorphiques de la croûte européenne en profondeur. (Bas) Coupe interprétative d’échelle lithosphérique. FPT : Chevauchement Pennique frontal ; Br : Zone Briançonnaise ; SL : Schistes lustrés ; DM : Dora Maira. Les résultats de l’étude actuelle sont issus de l’analyse des données de l’expérience sismologique CIFALPS* menée en 2012-2013 dans les Alpes franco-italiennes (voir carte dans figure ci-dessus) par Zhao Liang, Anne Paul et collaborateurs. L’expérience a consisté en l’installation sur une durée de 14 mois de 55 stations sismologiques. En utilisant les ondes issues de séismes lointains et réfractées par les discontinuités de vitesse sous le réseau, les auteurs prouvent que le Moho européen s’enfonce jusqu’à 75 km de profondeur sous Dora Maira (voir figure)

. » Dans les Alpes occidentales, les traces les plus profondes du Moho européen (limite croûte-manteau) ont été détectées par sismique réflexion grand-angle à 50 km sous le massif du Grand Paradis lors des expériences ECORS-CROP (1986-1987), donc bien en deçà des 90 km indiqués par la coésite.

Rappel sur la structure interne du Globe Terrestre:

Ils montrent également que la zone de suture entre les deux lithosphères (européenne et adriatique) est très épaisse et caractérisée par une décroissance de la vitesse des ondes sismiques du haut vers le bas. Cette observation prouve que la croûte inférieure européenne enfouie à 75 km, dont la vitesse sismique est relativement lente, est surmontée par des roches de vitesses plus rapides, donc appartenant nécessairement au manteau. La démonstration est ainsi faite que la lithosphère continentale européenne plonge dans le manteau de la microplaque Adria.

Les géologues et géophysiciens de l’équipe CIFALPS proposent finalement une nouvelle coupe interprétative construite sur la base des contraintes géologiques et géophysiques (sismologiques et gravimétriques) dont ils ont testé la conformité avec les données par modélisation (voir figure).

Les nouvelles données géophysiques du projet CIFALPS et cette coupe d’échelle lithosphérique établissent, pour la première fois, un lien direct entre la lithosphère européenne enfouie par subduction dans le manteau adriatique et les minéraux de UHP en surface. Ce lien est démontré, non seulement là où la coésite fût découverte, mais aussi sous la seule chaîne de collision continentale qui conserve l’intégralité de l’enregistrement métamorphique, structural et stratigraphique de la subduction et de l’exhumation. » source CNRS

Sources partielles: 

  ISTEP jussieu, communiqué du CNRS, First seismic evidence for continental subduction beneath the Western Alps, Zhao, L., A. Paul, S. Guillot, et al.,  Geology, v. 43, n° 9, 815-818, Sept. 2015.