Vision: les abeilles préfèrent se servir de l’image globale …

Contrairement à la plupart des animaux étudiés, les abeilles utilisent l’image globale …

AuroreAvargues4 Aurore Avarguès-Weber, premier auteur de l’article, va recevoir une des bourses françaises L’Oréal – UNESCO pour les Femmes et la science pour l’ensemble de ses travaux sur la cognition chez les abeilles.

 

 

 

Des précisions sur le » langage » et la vision des abeilles:

L’abeille navigue  dans son environnement  pour repérer ses sources de nourriture  autour de sa ruche :

  • Karl Von Frisch a montré que les abeilles, lorsqu’elles ont trouvé une source de nourriture, sont capables, à leur retour à la ruche, d’en indiquer l’emplacement à leurs congénères en effectuant une « danse » caractéristique.

  • Une équipe du CNRS dirigée par Martin Giurfa a montré que les capacités cognitives de reconnaissance des formes visuelles des abeilles domestiques sont similaires à celles des hommes et des primates.

© CNRS - Martin Giurfa

© CNRS – Martin Giurfa

« Avec à peine 950 000 neurones dans leur cerveau (contre 100 billions dans le nôtre) l’abeille domestique possède une stratégie de reconnaissance des images complexes. Pour arriver à cette conclusion, ils ont entraîné des abeilles avec une succession de stimuli partageant tous une configuration de base définie par la position constante dans le champ visuel de quatre lignes orientées différemment (une horizontale, une verticale et deux diagonales). Ils ont montré que les abeilles sont capables de retenir cette configuration simplifiée et de choisir des nouveaux stimuli qu’elles n’ont jamais vus mais qui préservent cette configuration. Ainsi, les résultats de cette étude montrent d’une part comment se fait une représentation d’images complexes au niveau du cerveau d’un invertébré et d’autre part que ces représentations leur permettent de réaliser des tâches de catégorisation visuelle. La similarité entre les stratégies de reconnaissance visuelle adoptées par les abeilles et par l’homme est frappante ! » voir plus de détails ici 

  • Des bioroboticiens de l’Institut des sciences du mouvement (CNRS / Université de la Méditerranée) ont montré que l’abeille se révèle capable d’ajuster sa vitesse en fonction des distances qui la séparent des obstacles, y compris dorsaux. Cela lui est possible grâce au défilement visuel perçu, notamment au-dessus de sa tête.

    « Comment une créature aussi minuscule que l’abeille, dont le cerveau est plus petit que celui d’un oiseau, parvient-elle à contrôler son vol et ainsi, à éviter les obstacles en vol ou au sol ? On sait aujourd’hui que les prouesses sensori-motrices de ces miniatures volantes reposent sur un système nerveux composé de cent mille à un million de neurones. Lorsque l’insecte vole au-dessus du sol, l’image de l’environnement défile d’avant en arrière dans son champ visuel, créant ainsi un flux optique défini comme la vitesse angulaire à laquelle défilent les contrastes présents dans l’environnement. Par définition, ces flux optiques sont fonction du rapport entre la vitesse et les distances aux surfaces… » voir le communiqué du CNRS ici

  • Les travaux d’Aurore Avarguès-Weber et de Martin Giurfa du Centre de recherches sur la cognition animale (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier) montrent que, contrairement à la plupart des animaux étudiés, les abeilles préfèrent compter sur la forme générale. Tout comme les humains, elles utilisent en priorité l’image globale
    © Aurore Avarguès-Weber Abeille devant un stimulus hiérarchique : un triangle (forme globale) composé de disques (détails). Le dispositif au centre permet de récompenser l'abeille par une goutte de liquide sucré.

    © Aurore Avarguès-Weber
    Abeille devant un stimulus hiérarchique : un triangle (forme globale) composé de disques (détails).
    Le dispositif au centre permet de récompenser l’abeille par une goutte de liquide sucré.

    « La perception visuelle a été étudiée en profondeur chez l’Homme et chez divers animaux, notamment des primates, afin de déterminer comment la vision permet de traiter et d’appréhender les images du monde qui nous entoure. Jusqu’à présent, les études indiquaient une différence profonde entre l’Homme et l’animal dans la façon de traiter des images : alors que l’Homme priorise une perception visuelle globale avant les détails, ce qui lui permettrait une reconnaissance plus rapide et efficace des objets, les animaux étudiés suivent en général la stratégie opposée : le détail passe avant la perception globale.L’abeille dépend fortement de la vision pour naviguer efficacement dans son environnement et pour repérer et reconnaitre aussi bien les fleurs exploitées que sa ruche et ses alentours. Il était donc logique de s’intéresser à la perception visuelle de ce petit insecte.

    Cette étude, réalisée en collaboration avec des chercheurs australiens, met en évidence une exception à la différence homme/animal généralement observée. Les résultats obtenus montrent que, lorsqu’elles doivent choisir entre utiliser les détails ou la forme globale d’une image pour reconnaître une source de nourriture, les abeilles préfèrent se servir de la forme globale.

    Les chercheurs ont utilisé des stimuli dits hiérarchiques, c’est-à-dire des images comportant deux niveaux d’analyse : une forme géométrique globale constituée par plusieurs éléments plus petits ayant une forme différente. Les abeilles ont été entraînées à rentrer dans un labyrinthe en forme de Y où elles doivent choisir entre deux images situées à chacune des branches, comme par exemple un triangle (forme globale) construit avec des petits disques (détails) d’une part et un carré construit avec des losanges d’autre part. Le choix d’un des stimuli était récompensé avec une gouttelette de sucre et l’autre pas…. »voir le communiqué du CNRS en entier Perception visuelle

    Quels sont  les mécanismes neuronaux qui confèrent de telles facultés à cet insecte, là où des structures cérébrales infiniment plus complexes semblent requises chez les humains? à suivre