Epigénétique et environnement

Grâce à l’étude génomique des populations de chasseurs-cueilleurs Pygmées et d’agriculteurs Bantous d’Afrique centrale, des chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS, en collaboration avec des équipes françaises et internationales1, ont montré pour la première fois que notre habitat et notre mode de vie peuvent influencer notre épigénome.

Maisons de Pygmées

 Les scientifiques ont en particulier mis en évidence que chez ces populations africaines, un passage récent d’un habitat forestier à urbain pouvait affecter l’épigénétique des fonctions de la réponse immunitaire. Au contraire, le mode de vie historique de ces populations – sédentaire agriculteur ou chasseur-cueilleur nomade – pouvait toucher des fonctions plus pérennes, comme celles liées au développement, via une modulation par sélection naturelle de son contrôle génétique. Cette étude est publiée dans la revue Nature Communications le 30 novembre 2015.

Quelques rappels:

  • Epigénétique?

Le terme a été créé en 1942 par Conrad Waddington, donc à une époque où on n’avait pas encore établi la nature ADN du support de l’information génétique contenue dans les chromosomes. Dans ce terme épigénétique, on trouve le teme épigénèse, qui est en rapport avec le développement des organismes.

En 1994, Holliday propose de définir l’épigénétique comme l’étude des changements d’expression des gènes transmissibles au travers des divisions cellulaires sans changement de la séquence de l’ADN.

 L’ensemble de notre patrimoine génétique est présent dans toutes nos cellules: voir le diaporama « A la recherche de notre programme génétique »

  L’espèce humaine possède 46 chromosomes hérités de nos parents( voir la transmission de l’information génétique ici) sur lesquels on compte environ 25 000 gènes.

Caryotypes de l’espèce humaine (sexe masculin à gauche, féminin à droite) .On peut classer les chromosomes par paires selon la taille, la forme, la position du centromère et la place des bandes sombres :on obtient alors le caryotype de l’espèce.

  • Toutes nos cellules contiennent la même information mais elles n’en font  pas toutes le même usage :

une cellule de la peau est différente d’un neurone, une cellule du foie n’a pas les mêmes fonctions qu’une cellule du cœur…

De même, deux vrais  jumeaux partagent le même génome mais ils ne sont jamais parfaitement identiques.

  • Ces faits s’expliquent par l’épigénétique:

L’activité d’un gène peut être modulée (activation ou inactivation) par des facteurs émanant de l’organisme lui-même (facteurs internes) ou de l’environnement (facteurs externes)

L’épigénétique correspond donc à l’étude des changements dans l’activité des gènes, n’impliquant pas de modification de la séquence d’ADN et pouvant être transmis lors des divisions cellulaires. Contrairement aux mutations qui affectent la séquence d’ADN, les modifications épigénétiques sont réversibles.

  • L’épigénétique et l’environnement

L’environnement interagit avec le génome pour déterminer le phénotype d’un organisme.

Un exemple chez l’abeille :on sait que la larve d’abeille qui reçoit de la gelée royale acquiert un phénotype de reine, alors que sans gelée royale elle devient une ouvrière stérile et bien différente de la reine.

Comment l’espèce humaine peut-elle s’adapter à son environnement, comme par exemple à son habitat (en forêt, en milieu rural ou urbain) ou à son mode de vie (chasseur-cueilleur nomade ou agriculteur sédentaire) ? (étude est publiée dans la revue Nature Communications le 30 novembre 2015)

Au cours de l’évolution humaine, l’environnement a en effet exercé une pression sélective au niveau génétique, entraînant la sélection de mutations de l’ADN avantageuses pour notre espèce. Des chercheurs de l’unité de Génétique évolutive humaine (Institut Pasteur/CNRS URA 3012), dirigée par Lluis Quintana-Murci, directeur de recherche CNRS à l’Institut Pasteur, viennent de prouver que l’habitat et le mode de vie des populations humaines peuvent aussi agir au niveau épigénétique, c’est-à-dire par des modifications modulant l’expression des gènes… plus de précisions ici:cp_quintana_20151126

Sources partielles: CNRS, INSERM , ENS Lyon

Les « Penicillium » du roquefort et du camembert s’échangent leurs gènes

Au cours d’une étude sur les moisissures du groupe Penicillium responsables de la fabrication de deux types de fromages, des chercheurs ont découvert qu’ils avaient en commun une séquence de 250 gènes absolument identique, placée à des endroits différents du génome.

Au total, 241 souches de Penicillium ont été comparées.

Pour comprendre les mécanismes d’adaptation , ils ont comparé les souches fromagères avec Penicillium rubens, qui sert à fabriquer la pénicilline, mais aussi avec des souches présentes dans l’environnement comme Pénicillium digitatum, que l’on retrouve sur les fruits abîmés.

Donc ce morceau d’ADN a fait l’objet d’un transfert horizontal de gènes entre individus.

« Ce bout de génome ne peut être arrivé là que par transfert horizontal entre individus, sinon on le retrouverait au même endroit sur tous les ADN »» explique Tatiana Giraud /CNRS

 

  • Penicillium camemberti est présent à la surface des fromages à pâte molle à croûte fleurie comme le Camembert ( il participe au feutrage de leur surface ) ou les fromages de chèvre. .
  • Penicillium roqueforti est la moisissure interne des bleus comme le Bleu d’auvergne (lait de vache) ou le Roquefort (lait de brebis). Il leur donne leur couleur verte .
  • Les champignons du groupe Penicillium, responsables notamment de la pourriture que l’on retrouve sur certains fruits, ont été inoculés par l’homme aux préparations laitières afin de fabriquer le camembert (Penicillium camemberti) et les fromages bleus (Penicillium roqueforti). (© Tatiana Giraud)

    Les moisissures ( champignons) du groupe Penicillium, responsables notamment de la pourriture que l’on retrouve sur certains fruits, ont été inoculés par l’homme aux préparations laitières afin de fabriquer le camembert (Penicillium camemberti) et les fromages bleus (Penicillium roqueforti). (© Tatiana Giraud)

 

 

Ce phénomène de transfert horizontal est  courant chez les bactéries, mais peu observé chez les eucaryotes (les plantes, animaux et champignons) qui transmettent majoritairement leur génome via la reproduction sexuée ( des parents aux enfants).

Un échange de gènes pour mieux se développer

Les mécanismes de l’évolution permettent aux espèces de s’adapter aux nouvelles conditions  de leur environnement.

Les individus ayant subi des modifications de leur génome ( par mutation notamment) ont une meilleure survie; ils voient leur descendance prospérer au détriment des autres.

Cette adaptation est plus rapide quand elle fait l’objet de pressions de sélection fortes  ( notamment dans le cas des espèces domestiquées par l’homme).

L’Homme a domestiqué ces champignons ces champignons pour la fabrication de ces fromages: il a involontairement et indirectement provoqué de nombreux échanges de gènes entre espèces pourtant éloignées génétiquement.

Dans ce bout d’ADN transmis au sein des préparations fromagères, on retrouve des gènes qui permettent au champignon d’être plus compétitif grâce à une toxine qui élimine ses concurrents – notamment bactériens.

« Cela indique que ce sont bien les pressions exercées par l’homme qui ont provoqué ces modifications », conclut Tatiana Giraud.

Des travaux qui devraient intéresser l’industrie agroalimentaire

  • D’une part, l’identification des gènes impliqués permettra aux fromagers de mieux sélectionner les souches de champignons.
  • D’autre part, ces résultats indiquent que, s’ils coexistent dans le fromage avec des champignons domestiqués, les champignons néfastes peuvent assez facilement acquérir les gènes leur permettant de mieux s’y développer.

L’apparition de multiples transferts  chez les eucaryotes  dans l’environnement alimentaire fournit des preuves solides de l’importance de ce phénomène peu étudié et probablement sous-estimé .

Source  partielle: CNRS

champignons du roquefort et du camembert: séquence identique de 250 gènes

Quand les champignons du roquefort et du camembert s’échangent leurs gènes

En étudiant les champignons du groupe Penicillium responsables de la fabrication de deux types de fromages – les bries et camemberts, d’une part, les bleus, d’autre part -, des chercheurs ont eu la surprise de découvrir qu’ils avaient en commun une séquence de 250 gènes absolument identique, placée à des endroits différents du génome.

En clair : ce morceau d’ADN a fait l’objet d’un transfert horizontal de gènes entre individus. Un phénomène courant chez les bactéries, mais peu observé chez les eucaryotes (les plantes, animaux et champignons) qui transmettent majoritairement leur génome via la reproduction sexuée.

Les champignons du groupe Penicillium, responsables notamment de la pourriture que l’on retrouve sur certains fruits, ont été inoculés par l’homme aux préparations laitières afin de fabriquer le camembert (Penicillium camemberti) et les fromages bleus (Penicillium roqueforti). (© Tatiana Giraud)

Dans tout le vivant, les mécanismes de l’évolution permettent aux espèces de s’adapter aux nouvelles conditions environnementales. Les individus dont les modifications du génome (par mutation notamment) permettent une meilleure survie, voient leur descendance prospérer au détriment des autres. L’adaptation est plus rapide quand elle fait l’objet de pressions de sélection fortes – c’est notamment le cas des espèces domestiquées par l’homme. Des chercheurs se sont penchés sur les champignons utilisés par l’homme pour fabriquer les fromages type Brie et Camembert : Penicillium camemberti et Penicillium roqueforti. Pour comprendre les mécanismes d’adaptation à l’œuvre, ils ont comparé les souches fromagères avec Penicillium rubens, qui sert à fabriquer la pénicilline, mais aussi avec des souches présentes dans l’environnement comme Penicillium digitatum, que l’on retrouve sur les fruits abîmés.

Au total, 241 souches de Penicillium ont été comparées. Les résultats ont dévoilé une surprise de taille : la plupart des espèces fromagères ont en commun une séquence identique de 250 gènes, qui n’est cependant pas placée au même endroit sur leur ADN. « Ce bout de génome ne peut être arrivé là que par transfert horizontal entre individus, sinon on le retrouverait au même endroit sur tous les ADN » explique Tatiana Giraud, chercheuse CNRS au laboratoire Ecologie systématique et évolution (CNRS / Université Paris Sud), et co-auteur de l’article paru dans Nature communications. Un phénomène de transfert courant chez les bactéries, mais rarement observé chez les eucaryotes (les champignons, plantes et animaux), chez qui la transmission de gènes se fait essentiellement de « parent » à « enfant ». Détail qui a son importance : dans le bout d’ADN transmis au sein des préparations fromagères, on retrouve des gènes qui permettent au champignon d’être plus compétitif grâce à une toxine qui élimine ses concurrents – notamment bactériens. « Cela indique que ce sont bien les pressions exercées par l’homme qui ont provoqué ces modifications », conclut Tatiana Giraud.

Références

Multiple recent horizontal transfers of a large genomic region in cheese making fungi, publié le 10 janvier 2014 dans Nature communications par Kevin Cheeseman, Jeanne Ropars, Pierre Renault, Joëlle Dupont, Jérôme Gouzy, Antoine Branca, Anne-Laure Abraham, Maurizio Ceppi, Emmanuel Conseiller, Robert Debuchy, Fabienne Malagnac, Anne Goarin, Philippe Silar, Sandrine Lacoste, Erika Sallet, Aaron Bensimon, Tatiana Giraud et Yves Brygoo.

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