La face cachée d’Hiroshima

Retour sur un cataclysme, 70 ans après

Arte diffusait hier soir à 20h55 un documentaire inédit (« Hiroshima, la véritable histoire ») sur la ville japonaise martyre, détruite au matin du 6 août 1945 après la terrible déflagration nucléaire. Des témoignages bouleversants de rescapés de la première bombe atomique (appelés « hibakusha ») nous révèlent ce qu’ils ont vécu et vu : le bombardier Enola Gay survolant la ville au petit matin, l’incroyable explosion (comme « cent coups de tonnerre ») et sa lumière aveuglante, le souffle (une onde de choc à 1 600 km/h) et puis l’enfer qui s’ensuivit (des corps atomisés ou fondus, d’autres brûlés, mutilés, des chairs à vif, des peaux qui se désintègrent). Les effets immédiats sont terrifiants. La bombe a tué environ 80 000 personnes d’un coup.

Atomic_cloud_over_HiroshimaAussitôt un nuage en forme de champignon recouvre la ville (un mélange de gaz chauds, de particules radioactives et de débris de la ville), comme un cercle de feu. La ville a complètement disparu. C’est une vision d’apocalypse. Au brouillard de gaz radioactifs s’ajoutent des incendies qui embrasent la ville (car beaucoup de constructions sont en bois) puis arrive la pluie noire radioactive (qui tuera ceux qui la boiront). Les rues sont jonchées de cadavres ou d’agonisants. Très vite les morts sont brûlés sur des bûchers par l’armée (cela durera 4 jours) ; des milliers d’orphelins sont livrés à eux-mêmes, devant se battre et voler pour survivre. C’est le chaos total.

Mais l’explosion nucléaire a également des effets à retardement que les Etats-Unis vont chercher à passer sous silence : perte des cheveux, fièvres et nausées, saignements et vomissements de sang, développement des cancers liés aux radiations…

Devant l’ampleur des « dégâts », le secret militaire américain est immédiatement imposé sur les souffrances des populations. La « peste atomique » fait peur. En 1946, un journaliste étasunien venu sur place, John Hersey, publie Hiroshima (à l’origine un article paru dans The New Yorker), dans lequel il raconte comment 6 personnes ont vécu la journée du 6 août 1945. Dès lors, tout le monde sait ce qu’a été le bombardement atomique sur la ville ; et quels ont été les effets des radiations sur la population

hiroshima herseyLe gouvernement américain devra alors s’expliquer sur l’utilisation de l’arme nucléaire; et avancera l’argument du « mal nécessaire » : mettre fin à la guerre contre le Japon (c’était la bombe ou la mort de dizaines de milliers de soldats américains dans un débarquement sur les côtes japonaises).

Le documentaire dit aussi comment les Etats-Unis ont utilisé à leur profit cette véritable catastrophe humanitaire : étude des vivants, dissection des morts pour en savoir plus sur les effets des radiations sur les corps. Les Japonais (notamment des enfants) deviennent des cobayes que l’on examine mais ne soigne pas.

Des scientifiques (comme Benjamin Bedersen et Roy Glauber) ayant participé au projet Manhattan (programme de recherche top secret sur l’arme atomique engagé dès 1942 par le président Roosevelt sans l’aval du Congrès américain) prennent également la parole; et s’interrogent sur le largage de la seconde bombe atomique au-dessus de Nagasaki le 9 août 1945.

Des historiens s’expriment comme l’Américain Sean Malloy (qui met en avant d’autres motivations sur l’usage de la bombe que mettre fin à la guerre) et le Japonais Tomoyuki Yamamoto (qui révèle notamment l’inertie des autorités japonaises, laissant venir les B-29 sur Hiroshima d’abord puis Nagasaki, sans se soucier des habitants).

Des membres de l’équipe de pilotes d’élite ayant largué Little Boy sur Hiroshima, considérés comme des héros à leur retour aux Etats-Unis, se rappellent les préparatifs de leur mission et son succès. Ils sont partis de l’île de Tinian, dans l’archipel des Mariannes en plein océan Pacifique; c’est alors un site militaire américain top secret. Le B-29 Enola Gay qui largue la bombe sur Hiroshima est accompagné de deux autres avions (l’un pour faire des photos, l’autre équipé d’instruments pour mesurer les effets de l’explosion).

Enfin, des images d’archives inédites accompagnent ce documentaire qui nous apprend notamment que, quelques semaines après la capitulation allemande, l’empereur japonais Hirohito avait envoyé des émissaires aux Etats-Unis pour négocier les termes d’une reddition; et qu’il avait compté sur la médiation de Staline, lors de la conférence de Potsdam (à l’ouest de Berlin), pour négocier un accord de paix en faveur du Japon (l’URSS n’était pas en guerre contre ce pays). Le président Truman (qui a succédé à Roosevelt mort en avril 1945) savait donc que le Japon voulait capituler (mais la condition était le maintien de l’empereur à la tête du pays). Pourtant, au terme des accords conclus à Potsdam le 26 juillet 1945 par les Alliés, la capitulation sans condition est exigée du Japon, sous peine de terribles représailles (« un anéantissement rapide et total »).

Comment ne pas s’interroger alors sur les véritables motivations de l’utilisation de l’arme nucléaire par les Etats-Unis? Non seulement le Japon mourait de faim (un blocus très efficace asphyxiait le pays) et allait capituler; mais au final la capitulation signée par le Japon le 2 septembre 1945 garantit le maintien au pouvoir de l’empereur Hirohito (la condition exigée dès le départ par ce dernier pour arrêter la guerre!). De là à affirmer que Truman ne voulait en fait utiliser la bombe atomique que pour montrer à ses ennemis, et à Staline, la puissance de feu des Etats-Unis, il n’y a qu’un pas…

Être nourrisson dans un camp de la mort

Kinderzimmer-de-Valentine-Goby-Actes-SudUne plongée dans les souvenirs de Mila, jeune française prisonnière politique en janvier 1944, et déportée dans le camp de Ravensbrück, alors qu’elle est enceinte. Sur ce lieu de destruction se trouve comme une anomalie, une impossibilité : la Kinderzimmer, une pièce dévolue aux nourrissons, un point de lumière dans les ténèbres.

Cet ouvrage poignant, dont on sort bouleversé, est notamment dédié à Marie-José Chombart de Lauwe qui, elle-même déportée à Ravensbrück, a travaillé dans ce fameux et terrible block des nourrissons dont elle garde un souvenir indélébile.

Max ou l’incroyable histoire d’un enfant SS

« 19 avril 1936. Bientôt minuit. Je vais naître dans une minute exactement. Je vais voir le jour le 20 avril. Date anniversaire de notre Führer. Je serai ainsi béni des dieux germaniques et l’on verra en moi le premier-né de la race suprême. La race aryenne. Celle qui désormais régnera en maître sur le monde. Je suis l’enfant du futur. Conçu sans amour. Sans Dieu. Sans Loi. Sans rien d’autre que la force et la rage. Je mordrai au lieu de téter. Je hurlerai au lieu de gazouiller. Je haïrai au lieu d’aimer. Heil Hitler ! »

Max

Max raconte sa propre histoire, depuis sa naissance jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale ; l’histoire d’un petit garçon, prototype même de la race aryenne. Un livre bouleversant.