Le combat féministe

En 1945, le modèle féminin est une femme à la fois épouse, mère et ménagère (s’occupant du foyer et des enfants pendant que le mari est à son travail). Considérée comme une mineure et donc privée de droits juridiques (article 1124 du Code civil de 1804), elle doit obéissance à son époux (article 213).

Jusqu’en 1954, la femme est placée sous la tutelle maritale qui donne tout pouvoir au mari sur le travail, les opérations bancaires et la gestion des biens. Et il faut encore attendre 1965 pour que la femme puisse disposer de son propre chéquier…Enfin, c’est en 1970 que, dans les textes, « la puissance paternelle » est remplacée par l’autorité parentale, reconnaissant ainsi l’égalité du père et de la mère sur les enfants et leur éducation. Dorénavant, il y aura deux chefs de famille ! Cliquer sur l’image pour lire la vidéo correspondante.

Ainsi, avec les mutations de la société et de l’économie (forte croissance durant les Trente Glorieuses de 1945 à 1975), la marche vers l’égalité politique et juridique est en cours…

Mais parce que cela entraîne une véritable révolution de la place et du rôle des femmes, la conception du couple s’en trouve bouleversée. Un contre-modèle émerge, qui va finir par s’imposer et devenir la norme : celui de la femme moderne, active et gagnant de l’argent ; capable de s’assumer seule (le salaire garantit une autonomie financière).

L’exemple le plus emblématique de cette émancipation des femmes est sans doute la maîtrise de leur corps. La seconde moitié du XXe siècle s’apparente à une véritable libération sexuelle qui, pour les femmes, se traduit par la possibilité de choisir elles-mêmes, en toute sérénité, le moment de leur maternité.

Alors que depuis 1920 une loi assimile la contraception à une provocation à l’avortement, et qu’en 1923 une autre loi a fait du crime d’avortement un délit (en 1942, sous le régime de Vichy, l’avortement sera même considéré comme un crime contre la sûreté de l’État), les femmes vont voir leur situation progressivement évoluer (ex : la création du Planning familial en 1956, loi Neuwirth sur la contraception en 1967).

Dans cette marche vers la libération des femmes, il existe un ouvrage de référence : Le Deuxième Sexe, de Simone de Beauvoir, publié en 1949. Celle pour qui le mariage « multiplie par deux les obligations familiales et toutes les corvées sociales » (elle fut la compagne de Jean-Paul Sartre qu’elle refusa d’épouser), y analyse la domination masculine ; et choque pour ses propos tenus sur l’avortement et la maternité.

Philosophe et femmes de lettres, elle a participé au mouvement de libération des femmes (MLF) dans les années 1970. C’est ainsi qu’en 1971, elle rédige et signe le Manifeste des 343. Publié le 5 avril dans l‘hebdomadaire Le Nouvel Observateur, le texte est un appel de 343 femmes (dont des personnalités publiques telles Catherine Deneuve, Marguerite Duras, Gisèle Halimi et Françoise Sagan) pour la défense des femmes à disposer librement de leur corps. Cette pétition, baptisée de façon provocatrice le « Manifeste des 343 salopes » par Charlie Hebdo, connaît un retentissement immédiat.

Notons que, dans la même édition du Nouvel Observateur, figurait une autre pétition allant dans le même sens que les « avortées », signée par plus de 250 médecins. En 1973, ils seront plus de 300 à reconnaître publiquement pratiquer l’IVG (interruption volontaire de grossesse), un acte toujours délictueux.

Sans doute le procès de Bobigny en 1972 n’est-il pas étranger à cette prise de position (et de risque) : la jeune Marie-Claire, violée à 16 ans et jugée pour avoir avorté clandestinement (elle a été dénoncée par son violeur!), est finalement acquittée par les juges. Relevons que son avocate, Gisèle Halimi, était l’une des signataires du Manifeste des 343

Ce procès va assurément ouvrir la voie à l’une des plus grandes conquêtes de la femme : « un enfant, quand je veux, et si je veux ! »

Il faut néanmoins attendre 1975 pour que les femmes et les médecins qui les soutiennent obtiennent gain de cause : le droit à l’avortement libre et gratuit… Et c’est une femme, Simone Veil, figure emblématique du féminisme et alors ministre de la Santé, qui fait adopter en novembre 1974 le projet de loi sur l’IVG, après trois jours de débats houleux devant une Assemblée nationale essentiellement composée d’hommes. Désormais, l’avortement n’est plus un crime (il est dépénalisé)

La loi n’est cependant votée que pour une période de cinq ans. Elle ne deviendra définitive qu’en 1979 ; et c’est seulement en 1982 que l’IVG sera remboursée par la Sécurité sociale.

Aujourd’hui, il est possible d’interrompre sa grossesse jusqu’à la 14e semaine d’aménorrhée datée de l’arrêt des règles, et l’autorisation parentale pour les mineures n’est plus nécessaire (loi Veil modifiée en 2001).

Certes le combat des femmes pour la maîtrise de leur corps a été gagné ; mais la vigilance demeure, tant sont toujours nombreux celles et ceux qui dénoncent et remettent en cause cet acquis…Ci-dessous un article paru dans Ouest France relatant la rencontre « musclée » entre pro et anti-avortement à Nantes en 2013: