L’empire romain aux Ier-IIIe siècles

Durant la période, on observe une réelle évolution dans l’octroi de la citoyenneté romaine. D’abord limitée à des élites méritantes (Tables claudiennes en 48), le statut de citoyen romain est finalement octroyé à tous les habitants de l’empire, sans condition, par l’édit de Caracalla en 212.

Au début du Ier siècle, l’acquisition de la citoyenneté romaine passe soit par la naissance (on est/naît enfant de citoyen), soit par décision ou faveur impériale.

Le citoyen a un statut social et juridique privilégié : il possède des droits civils comme la possession de la terre et la protection juridique. Devenir citoyen romain est donc perçu comme un symbole de réussite sociale et d’intégration culturelle.

Mais tous les citoyens ne voient pas forcément d’un bon œil l’octroi de la citoyenneté romaine à des étrangers (ou pérégrins) dès lors que cela leur permet aussi d’entrer au Sénat ! L’exemple de la décision de Claude (41-54) en 48 en témoigne.

Souhaitant renouveler le Sénat, l’empereur décide d’y admettre des notables gaulois devenus citoyens romains. Ses arguments sont exposés dans les Tables claudiennes, gravés dans le bronze.

Anticipant l’opposition des sénateurs, Claude (né à Lyon lorsque son père y était légat des Gaules) justifie sa position par le fait que :

* le Sénat compte déjà dans ses rangs de nombreux provinciaux ;

* la Gaule chevelue (Aquitaine, Lyonnaise et Belgique) est pacifique, fidèle et obéissante, prouvant ainsi que les Gaulois ont l’amour de Rome et de l’empire ;

* la romanisation de la Gaule est réelle ;

* Rome a tout à gagner à intégrer des vaincus et/ou étrangers car cela renforcera et enrichira l’empire.

Mais la promotion des provinciaux gaulois dans l’ordre sénatorial pose problème à de nombreux sénateurs : ces étrangers sont issus de familles ayant tué des Romains lors de la « guerre des Gaules ». Autre argument mis en avant : le Latium est de moins en moins représenté au Sénat ; celui-ci est de moins en moins « romain », donc menacé d’une réelle perte d’identité… Ci-dessous, le Sénat romain (tableau de Cesare Maccari en 1889, « Ciceron contre Catilina »)

La vraie raison est néanmoins plutôt dans le refus des sénateurs de partager le pouvoir avec des étrangers qui accèdent ainsi trop facilement aux magistratures romaines. Car celles-ci sont normalement soumises à un « cursus honorum » (une carrière des honneurs).

On observe ainsi que si les citoyens ont tous des droits civils, tous n’ont pas de (ou les mêmes) droits politiques. La citoyenneté romaine est très inégalitaire, à l’inverse de la citoyenneté athénienne.

Les critères d’inégalité sont de deux natures : financière et politique.

Il existe une vraie hiérarchie entre les citoyens :

* une minorité de (très) riches constituant l’ordre sénatorial (sénateurs) et l’ordre équestre (chevaliers), pouvant exercer des charges dans la magistrature et l’administration ;

* une majorité de simples citoyens membres de la plèbe urbaine. Cette plèbe populaire ne possède pas de droits politiques ; cela est compensé (?) par des distributions gratuites de blé et l’organisation de jeux. Nourrir le peuple et le divertir (« du pain et des jeux », « panem et circenses »), gage de paix sociale ?

Après la décision de Claude en 48, d’autres empereurs seront amenés à octroyer la citoyenneté romaine à quelques étrangers méritants. Car il faut pouvoir justifier la demande d’un privilège (qui plus est auprès de l’empereur); la notion de mérite personnel est de fait conditionnée à l’octroi de la citoyenneté.

Pourtant, en 212, l’empereur Caracalla (211-217) décide de l’octroyer à tous les pérégrins de l’empire, sans condition.

Méritants ou non, tous les habitants libres vivant dans les limites de l’empire obtiennent la citoyenneté romaine ! L’édit (connu par un papyrus en assez mauvais état découvert en 1901, voir ci-dessous) avance notamment comme argument la participation du plus grand nombre au culte des dieux et de l’empereur. D’autres y voient davantage l’occasion pour l’empereur de remplir avantageusement les caisses de l’État, augmentant ainsi ses revenus…

Ainsi donc, malgré une absence d’égalité entre les citoyens, la citoyenneté romaine apparaît comme ouverte. Une conception en totale opposition avec la citoyenneté athénienne à l’époque classique, fermée bien qu’égalitaire.