Des sources d’information sur le web qui décoiffent

Parmi les créations de séries web originales et/ou adoptant un ton décalé voire grinçant, voici deux ressources qui méritent le détour et qu’on s’y attarde.

Data Gueule se présente comme une émission qui décrypte, décortique et explique une actualité ou un fait de société (ex : l’évasion fiscale, la surpêche, le tabac, les containers, le sucre), à partir d’une multitude de données chiffrées (les data) communiquées à un rythme d’enfer par une voix off (celle de Julien Goetz). Autrement dit, le spectateur en prend plein la figure !

Programme court (généralement compris entre 4 et 10 minutes), la série est apparue en 2014 sur France 4 et YouTube. Le succès a été immédiat ; aujourd’hui, la série compte plus de 80 épisodes. Il est vrai que « déconstruire des mécanismes, avec de l’humour et si possible un prisme historique » permet de mieux faire comprendre bien des choses ; et notamment ce qui ne tourne pas rond.

On devine aussi tout le travail de recherche et d’écriture qu’exigent ces « pastilles » ; et dès lors que tout est chiffré et vérifié, difficile de contester… Au contraire des accusations et/ou réprimandes dont peut être victime l’émission Cash Investigation sur France 2. Rappelons à cette occasion que Data Gueule est co-développée avec les producteurs de l’émission d’Elise Lucet. Cliquer sur l’image pour accéder aux émissions.

Le data journalisme, qui consiste ainsi à mettre à la disposition du public des données statistiques pour mieux analyser une information, a le vent en poupe. En contribuant à développer l’esprit critique des individus, on ne peut que se féliciter de cette nouvelle forme de journalisme de données qui « s’attache aux chiffres et aux représentations graphiques afin de rendre intelligibles des informations complexes ».

Pour accéder aux émissions Data Gueule sur YouTube, cliquer ici.

Horror humanum est (H²E) est une web série documentaire ou d’animation dont le but affiché est de « remettre en mémoire quelques jalons sanglants de l’Histoire humaine ». Et dans ce domaine, il y a de quoi faire ! Les « méfaits commis au nom de logiques sociales et culturelles » sont légion. Citons pêle-mêle le Grand Bond en avant, la Saint-Barthélémy, Verdun, la Roue…

Le projet, né en 2012, est celui de Cédric Villain, à la fois enseignant d’Arts Appliqués et réalisateur de films d’animation. Fort de 55 épisodes, sa série n’a malheureusement jamais trouvé de diffuseur ; c’est pourquoi il a opté pour une diffusion en ligne (voir ici).

Il réalise tout de A à Z, seul devant son ordinateur et ses petits outils comme il dit. Et malgré son manque de moyens, ce graphiste intéressé par l’Histoire réussit en deux minutes à nous faire partager des connaissances sur un ton plein d’humour. En cliquant sur l’image ci-dessous, vous pourrez d’ailleurs découvrir son tutoriel consacré à l’autoproduction et diffusion d’une web série animée.

Horror Humanum Est est un véritable échantillon de créativité humaine, à découvrir.

Pour que (sur)vive l’information

Parce qu’enquêter pour informer est aujourd’hui devenu dangereux dans plusieurs pays, une plate-forme a été créée pour permettre aux journalistes empêchés de poursuivre leur travail d’investigation de le faire connaître malgré tout.

Car selon le sujet traité et/ou le pays concerné, des hommes et des femmes dont le métier est d’informer sont menacés, emprisonnés et/ou exécutés. Enquêter sur les cartels de la drogue au Mexique, mettre en lumière la corruption dans le milieu politique à Malte (pays de l’Union européenne!), dénoncer les violences perpétrées par les forces russes (notamment en Tchétchénie dans les années 1990 et 2000) sont des activités si dangereuses qu’elles ont valu la mort à leurs auteurs.

C’est pourquoi l’association de journalistes Freedom Voicies Network (fondée en 2016) a lancé le 31 octobre dernier Forbidden Stories pour mettre à l’abri le travail de leurs confrères ; et si nécessaire, le poursuivre pour le finaliser et le publier ou diffuser à leur place.

Il s’agit d’une plate-forme internet sécurisée, jouant un peu le rôle d’un coffre-fort. Si dans le cadre d’une enquête journalistique vous disposez d’informations sensibles, au point qu’elles pourraient vous coûter la liberté voire la vie, vous avez la possibilité de les déposer, de façon anonyme, sur cette plate-forme. Ainsi sauvegardées, les informations ne disparaîtront pas avec vous si vous deviez être empêché(e) de vous exprimer.

Car il est bien question de liberté d’expression, du droit d’informer et donc de liberté de la presse. Le but est donc de relayer coûte que coûte le travail des reporters en danger afin qu’en cas de malheur, l’information soit accessible et rendue publique malgré tout. Comme un pied de nez à ceux qui ont voulu la faire taire…

C’est ce qui est arrivé au journaliste mexicain Javier Valdez, assassiné le 15 mai 2017 alors qu’il enquêtait sur le Cartel de Sinaloa, l’une des organisations criminelles les plus puissantes au monde.

Le même sort avait été réservé à son confrère Cecilio Pineda deux mois plus tôt, le 2 mars 2017, pour avoir dénoncé les liens entre des élus locaux et les narcotrafiquants.

Reporters sans Frontières, qui soutient la plate-forme, a recensé pas moins de 700 journalistes morts dans l’exercice de leur fonction en dix ans !

Peut-être que, grâce à cette plate-forme collaborative, ce chiffre déclinera : à quoi bon tuer un journaliste dès lors que l’information lui survit ?

Garder en vie les histoires, et ceux qui les écrivent : c’est la démarche de travail de Forbidden Stories.

Rappelons que c’est ce type de travail collaboratif entre journalistes du monde entier qui a permis au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) de révéler en novembre dernier l’affaire des Paradise Papers comme avant elle (en avril 2016) les Panama Papers.

Preuve s’il en était que, dans le journalisme comme ailleurs, « l’union fait la force » !

Pour en savoir davantage sur la genèse du projet Forbidden Stories, écoutez l’interview de Laurent Richard, fondateur de la plate-forme (sur France Inter dans l’émission Profession reporter diffusée le 17 décembre 2017). Cliquer sur l’image pour accéder au son