Une photo peut-elle (r)éveiller les consciences ?

aylan-kurdi-3 septembre 2015Diffusée dans le monde entier le jeudi 3 septembre 2015, cette photographie va-t-elle influencer l’opinion publique au point d’obliger les dirigeants politiques européens à se mettre enfin d’accord sur l’attitude à adopter envers les migrants ou réfugiés syriens ?

L’auteur du cliché, Nilufer Demir (une photographe de 29 ans qui travaille pour l’agence turque DHA), explique avoir hésité quelques minutes avant d’appuyer sur son appareil. « Je me suis dit que je pouvais témoigner du drame que vivent ces gens. Il fallait que je prenne cette photo. [] Et aujourd’hui, j’ai un mélange de tristesse et de satisfaction… Je suis contente d’avoir pu montrer cette image à autant de gens, d’avoir témoigné, mais d’un autre côté, je préférerais que ce petit garçon soit encore en vie et que cette image ne fasse pas le tour du monde« , déclare-t-elle en reconnaissant ne pas avoir réalisé sur le moment quel serait le retentissement de ses clichés, surtout qu’elle avait déjà pris plusieurs photos de migrants morts sur les plages de son pays.

Le destin du petit garçon syrien (qui s’appelait Aylan Kurdi) symbolise en quelque sorte le drame vécu par des milliers d’Irakiens, d’Afghans ou de Syriens arrivés en Europe. Plus de 2 000 d’entre eux (hommes, femmes et enfants) sont déjà morts depuis le 1er janvier 2015 pour avoir tenté de rejoindre l’Union européenne en traversant la mer Méditerranée. Pour fuir la guerre et/ou la misère, ils sont prêts à tout (en l’occurrence risquer leur vie et celle de leurs enfants qui les accompagnent souvent).

Le sentiment d’impuissance est réel face à une telle tragédie ; l’émotion est forte. L’image du garçonnet de trois ans, gisant seul sur une plage immense, dégage une telle innocence… « L’enfant semble dormir, il n’y a pas de violence apparente. Pour les gens qui la regardent, chez eux, ça pourrait être leur propre enfant qui dort dans son lit » (Olivier Laurent, directeur du site de photographie Lightbox). Un peu comme dans le dessin ci-dessous:

Kak migrants_photo_chocCette photographie va-t-elle pour autant changer les choses, et d’abord notre regard sur ce que vivent les migrants ? Les photos, mêmes les plus fortes, même celles qui apportent des preuves incontestables de faits qui étaient jusque-là dans l’ombre, ont rarement changé le cours de l’Histoire ; et n’ont pas toujours changé non plus les opinions publiques.

Seul l’avenir nous dira donc si la mort du petit Aylan Kurdi aura au moins servi à quelque chose…ou pas.

Pour une vue d’ensemble de la crise actuelle liée à l’afflux de migrants dans l’Union européenne, voyez cette vidéo qui présente clairement la situation:

Les murs dans le monde

Après la chute du mur de Berlin en 1989 et l’avènement d’un monde nouveau (celui de l’après Guerre froide), beaucoup ont pensé que les murs de séparation entre les peuples étaient voués à disparaître. Or, à l’heure où la mondialisation abat les frontières existantes, les barrières anti-immigration, anti-terroriste ou de protection militaire ne cessent de se multiplier: on en recense une cinquantaine aujourd’hui (contre seulement 11 en 1990). Cliquer sur la carte pour voir la vidéo correspondante.

murs dans le monde

Dernière barrière en date: celle dont la construction vient de débuter à la frontière sud de la Hongrie avec la Serbie. Mais un autre pays européen envisage pareille idée. En effet, un projet d’édification de mur semble vouloir naître entre l’Ukraine et la Russie, alors que l’Ukraine est un pont entre l’Europe occidentale et la Russie: le mot «Ukraine», en ukrainien ou en russe, signifie étymologiquement «marches»; or une marche (à la différence d’un mur) ne sert pas à empêcher le passage d’un espace à un autre, mais bien au contraire à aider au franchissement de deux espaces voisins. Pourtant, les autorités de Kiev envisagent bel et bien la construction d’un mur de 2 000 km. Néanmoins, la réalisation de ce projet a été suspendue faute de financement; il est vrai que les dépenses s’élèveraient à plus de 200 millions de dollars (selon un devis publié par le conseil des ministres ukrainien)…

« Tout fout le camp », même la Muraille de Chine !

Un article paru le 15 juillet 2015 dans Courrier international a de quoi interpeller le lecteur : « Chine. La Grande Muraille menace de s’écrouler ! ».

Et de rappeler que la Muraille de Chine, dont la construction avait commencé dès le -Ve siècle, était destinée à défendre la frontière nord de la Chine contre les peuples nomades. Néanmoins, celle que l’on peut arpenter aujourd’hui a essentiellement été construite entre le XIVe et le XVIe siècles. Elle est inscrite sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1987.

chine-grande-muraille

Longue officiellement de 8 850 km (6 259 km de murailles, 359 km de fossés et 2 232 km de barrières naturelles comme les montagnes et les rivières), la fameuse Grande Muraille est passablement dégradée : selon une étude réalisée le 29 juin par l’administration chinoise, 30 % de la muraille seraient détruits, soit environ 2 000 km. En cause ? Les conditions climatiques et notamment les pluies estivales qui détériorent la structure. Le China Daily précise : “Même lors des saisons sèches, en l’absence de protection, la Grande Muraille est érodée dans les régions montagneuses par les cours d’eau et la végétation.”

Mais pas seulement : Le quotidien britannique The Guardian explique que “dans les villages pauvres du Lulong, les habitants utilisent des éléments du mur pour construire des maisons ou vendent des pierres gravées de caractères chinois à 30 yuans (4,40 euros) pièce.” Les habitants encourent pourtant jusqu’à 5 000 yuans d’amende (soit 725 euros), mais les autorités sont visiblement dépassées par ces pillages. 

Pas impossible donc que d’ici peu des portions de la Grande Muraille, lieu hautement touristique, ne soient fermées au public ; ou que le nombre des touristes pouvant y accéder ne soit limité…