Archive for novembre, 2011

Roberto Zucco: Explication n°4: Zucco au soleil, scène 15

mercredi, novembre 30th, 2011

Introduction :

Dernière scène de la pièce, « Zucco au soleil » fait directement suite à l’arrestation du personnage, et renvoie à la première scène : on retrouve la prison de cette première scène, il s’agit là encore d’une évasion, mais définitive cette fois, puisque nous assistons à la mort de Zucco. Cette scène est directement inspirée par un fait réel : Roberto Succo s’est effectivement réfugié pendant un long moment sur le toit de la prison où il était enfermé. Devant les journalistes et les photographes, il a nargué les autorités, avant de se blesser en tombant. Mais ce n’est que plus tard qu’il s’est suicidé, une fois revenu à l’asile psychiatrique. Koltès avait été très impressionné par cet épisode, et il en fait ici l’aboutissement de la pièce : dans cette dernière scène, la mort du personnage ne peut que coïncider avec son héroïsation.

Dispositif scénique proposé par Denis Marleau en 1993

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Grec: Les Nuées, Aristophane

dimanche, novembre 27th, 2011

Commentaire du texte d’Aristophane

Les Nuées, vers 218-239

Introduction:

La première pièce écrite par Aristophane en 427, Les Banqueteurs était déjà une charge contre les sophistes, ces professeurs d’éloquence qui parcouraient la Grèce pour proposer leurs leçons à ceux qui avaient le moyen de les payer, et dont la réputation d’habileté et d’immoralité est telle que nous utilisons ce terme de manière péjorative, pour désigner aujourd’hui quelqu’un dont le raisonnement est faux, mais difficilement réfutable. En 423, avec les Nuées, il reprend ses attaques, en faisant de Socrate l’un de ces sophistes, alors même que le philosophe condamnait leurs manières de penser et d’agir, comme en témoignent Protagoras ou Gorgias de Platon.

Sculpture représentant Socrate

Musée du Louvre (suite…)

De Succo à Zucco: du fait divers à l’élaboration littéraire et mythique

dimanche, novembre 13th, 2011

1) Les emprunts au fait divers:

  • Le personnage de Zucco ( meurtrier en série, ayant tué ses parents, d’origine vénitienne, prénommé Roberto).
  • Le personnage de la Gamine (la petite amie de Succo, âgée de 16 ans, qui l’a reconnu  sur des avis de recherche et l’a dénoncé à la police, en révélant son véritable nom, Roberto Succo).
  • Le treillis (Succo avait été surnommé « le meurtrier au treillis »)
  • Le Petit Chicago (nom donné au quartier mal fréquenté de Toulon, dans lequel Succo a vécu quelque temps).
  • Zucco sur les toits de la prison (Succo monté sur les toits, narguant la police et les gardiens de la prison, lors de sa dernière arrestation).
  • L’avis de recherche placardé sur les murs.

« Le point de départ, c’est l’affiche de l’avais de recherche. Je l’ai vue dans le métro, et je suis resté devant, j’étais fasciné, je ne sais pourquoi. Quelque temps après, moi qui ne regarde jamais la télé, je l’allume pour les informations et je tombe sur cette scène incroyable où l’on voyait Roberto Succo sur les toits de la prison »  (B. M. Koltès, entretien avec E. Klausner etr B. Salino, p. 153, Une part de ma vie, Editions de Minuit, 1999).

Beata Beatrix, (Tableau de Dante Gabriel Rossetti, 1828-1882, peintre anglais représentant ici Beatrice, la jeune femme aimée par le poète italien Dante).

2) Les différences

Le nom

Succo

ZuccoLa dernière lettre de l’alphabet

Un nom qui évoque la douceur (« Il m’a dit que son nom ressemblait à un nom étranger qui voulait dire doux ou sucré », la Gamine, p.55)

Zucchero: sucre en italien

Les crimes

  • Ses parents (tués ensemble, le même jour).
  • deux policiers
  • un jeune médecin
  • une femme d’une quarantaine d’années
  • une jeune femme dont on n’a jamais retrouvé la trace. (7 personnes)

 

+ enlèvements, bagarres, viols

  • Son père (avant le commencement de la pièce)
  • Sa mère (scène 2; étranglée)
  • Un inspecteur de police (scène 4; poignardé)
  • Un enfant (scène 15; tué avec un revolver).

+ viol de la gamine, + une bagarre, dans laquelle il n’a pas le dessus.

Son parcours

Interné en asile psychiatrique après le meurtre de ses parents, il est autorisé à sortir pour suivre des cours à l’université. Un jour, il ne rentre pas à l’asile.

Il s’évade d’une prison où il est enfermé.

Après son arrestation, il est jugé irresponsable et renvoyé dans un asile psychiatrique. Il se suicide, en s’étouffant lui-même.

Il meurt en tombant du toit de la prison, alors qu’il cherche à atteindre le soleil.

 

3) La problématique du nom dans la pièce:

Oublier son nom, c’est ne plus exister, devenir transparent, disparaître: « Et votre nom, imbécile? Etes-vous même capable de me le dire, maintenant? Qui s’en souviendra pour vous? » (La dame, scène 12, p.82).

Cette disparition est à la fois le rêve et la grande peur de Zucco: rêve, parce que cela permet de vivre tranquille, de ne pas se faire remarquer, (« Il faut être transparent » p.79) mais peur également parce que cela signifie ne plus exister du tout (« J’ai peur de me retrouver sans savoir mon nom », dit ainsi Zucco, dans la scène 13, alors qu’il a tué ses parents ainsi que l’enfant, c’est-à-dire tout ce qui pouvait le rattacher à un cercle familial capable de lui donner une existence).

 

On voit en effet que Zucco détruit deux familles construites sur le même modèle, la sienne et celle de la Dame:

  • Son père, sa mère, lui (mort des parents)
  • La dame, son mari, l’enfant (mort de l’enfant).

La mention de son nom lui confère une existence sûre qui l’inscrit dans le monde des criminels et des héros dont les « habits sont trempés de sang ». En l’appelant par son nom, la gamine lui restitue son identité: « Je suis le meurtrier de mon père, de ma mère, d’un inspecteur de police et d’un enfant. Je suis un tueur ».

Représentation du culte de Mithra: le combat contre le taureau

4) Les références mythiques et mythologiques

Références mythologiques Zucco assimilé à des personnages bibliques (Samson, la gamine devenant Dalila; ou Goliath, le géant tué d’un caillou par David).Culte solaire de Mithra.

Mithra est à l’origine un dieu iranien, qui symbolise la lumière. Selon l’historien Plutarque, son culte fut introduit dans l’empire romain en 67 après Jésus Christ, par des pirates ciliciens (Une région de l’Asie Mineure).

Il s’agit en effet d’une religion qui suppose une initiation en sept étapes, chacune placée sous la protection d’une divinité astrale (Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, la lune, le soleil, Saturne) et imagée par des animaux ou des humains spécifiques (Le corbeau, l’époux, le soldat, le lion, le Perse, le courrier d’Hélios, le père).

Les cérémonies du culte restent mal connues: baptêmes, purifications, communion des fidèles étaient sans doute usuels. Elles prenaient place dans des temples (Mitrhaeum) souterrains, composés de trois parties distinctes: l’antichambre, la grotte avec souvent des bancs taillés dans la roche, l’autel qui comportait une image de Mithra taurochtone.

La cérémonie la plus impressionnante que l’on associe au culte de Mithra reste le taurobole: le fidèle était placé dans une fosse recouverte d’un plancher à claire-voie. Sur celui-ci, on immolait un taureau ou un bélier et l’initié était purifié par le sang qui l’aspergeait. Ce sacrifice rappelait la chasse de Mithra tuant le taureau, animal symbolisant la première créature de la Nature. En le mettant à mort, le dieu permettait à l’ensemble de la création de s’épanouir, en libérant toute l’énergie de celle-ci.

A l’époque romaine, cette religion s’est retrouvée en concurrence avec le christianisme, qui n’a pas hésité à en reprendre certains éléments, lors du concile de Nicée en 325. (Ainsi la naissance du Christ le 25 décembre est à relier au fait que le dieu Mithra était né aux alentours du solstice d’hiver, le 21 décembre).

Références littéraires Scène 8: Juste avant de mourirCitation Victor Hugo, La Légende des siècles, Le colosse de Rhodes (Le colosse de Rhodes était une statue en bronze et en bois, haute de 33 mètres, édifiée dans le port de Rhodes vers 292 avant J.C, et représentant le dieu Hélios (le Soleil). Elle fut partiellement détruite en -225 par un tremblement de terre. Il n’en est resté aucun vestige actuellement et beaucoup d’interrogations subsistent , autant sur sa forme que sur sa localisation exacte.).

Citation de Dante:

Mort brutale, ennemie de la pitié,

mère antique de la douleur,

Jugement dur et irrécusable,

Puisque tu as donné l’occasion à mon cœur affligé

De se livrer à ses pensées,

Ma langue se fatiguera à t’accuser ;

Le texte cité par Zucco est donc constitué par les quatre premiers vers d’un sonnet composé par Dante confronté à la mort injuste d’une jeune femme. Rappelons que Dante Alighieri est l’un des poètes italiens les plus célèbres (1265-1321). Son oeuvre la plus connue reste La Divine Comédie, ouvrage dans lequel il raconte son voyage à travers l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis. Dans la Vita Nova, Dante raconte sa passion malheureuse pour une jeune femme Béatrice. Le couple Dante et Béatrice est ainsi devenu l’exemple même d’un amour pur et idéal.

 

Références théâtrales Nombreuses références à Shakespeare et surtout à Hamlet. (La scène 1, et la scène 14 avec les deux gardiens ou les deux policiers; la scène 13, intitulée Ophélie, où l’on voit la soeur ainée, perdue dans la gare, cherchant la gamine. Un long monologue, dans lequel elle oppose la pureté de sa soeur, à la puanteur et à la corruption des « mâles ».

John Everett Millais, Ophélie (1829-1896)

Vocabulaire du théâtre

dimanche, novembre 13th, 2011

Vocabulaire du théâtre: QUESTIONS-REPONSES

 Quel verbe pourrait, selon vous, être à l’origine du mot « théâtre » ? le verbe grec théaomai, qui signifie voir, regarder. Le théâtre se définit avant tout comme un spectacle, et non seulement comme un texte.

 1)      L’organisation du texte théâtral :

 Autrefois, chaque acte durait le temps qu’il fallait aux chandelles pour se consumer. Cinq ou trois à l’époque classique.

La scène est le lieu où se joue la pièce et dans l’acte, un passage délimité par l’entrée et/ou la sortie d’un ou plusieurs personnages.

Dans certaines pièces, il n’est plus question de ces deux termes, mais on parle de  TABLEAU. On retrouve là l’aspect visuel essentiel à la représentation.

2)      L’organisation de l’intrigue

Que signifie ce terme « d’intrigue » ? « ensemble des événements qui forment le noeud d’une pièce de théâtre, d’un roman, d’un film » (dictionnaire Le petit Robert).

(Quel sens donne-t-on aujourd’hui  à l’adjectif « intrigant » ? Qu’est-ce qu’un intrigant ou une intrigante ? Quelqu’un qui cherche à réussir par le biais d’intrigues, de machinations, de » combines » plus ou moins secrètes.

La première scène de la pièce est une scène d’exposition, qui explique la crise en cours, présente les personnages, les lieux, le contexte, l’époque.

Le coup de théâtre introduit un retournement de situation : placé tout au long d’une pièce de théâtre, souvent au milieu d’une scène, il accélère l’action.

Le dénouement résout le problème majeur de la pièce et ceux des personnages les plus importants. Dans la scène finale, la plupart des personnages sont rassemblés.

Les personnages en conflit sont les protagonistes  de la pièce.

 3)      Les caractéristiques du texte théâtral

 Indications hors dialogue donnée par l’auteur, les didascalies concernent les gestes, les déplacements de l’acteur, les destinataires d’un propos, les sentiments, les costumes…

Un personnage s’adressant à un autre lui réplique. On parle aussi d’une « réplique« .

Qu’est-ce qu’une tirade ?Il s’agit d’une longue réplique.

Les paroles d’un personnage seul en scène qui monologue permettent de connaître ses pensées, ses sentiments.

En aparté , un personnage tient des propos à part des autres qui, par convention, sont censés ne pas l’entendre.

Pour raconter des événements qui se sont déroulés hors de la scène, les personnages ont recours au récit.C’est souvent le moyen de faire connaître aux spectateurs les actions violentes que l’on ne peut représenter sur scène.

 4)      Le vocabulaire du spectacle théâtral

 L’écrivain de théâtre est un dramaturge

Le metteur en scène dirige le jeu des acteurs en fonction de sa propre interprétation de la pièce.

Le personnage, être fictif créé par l’auteur doit avoir un caractère, une identité, une appartenance sociale, mais il n’est généralement pas doté de caractéristiques physiques précises.
Le comédien est chargé d’incarner le personnage.

Faux paysage (intérieur, extérieur) implanté sur et au fond de la scène, le décor indique l’appartenance sociale, le genre de la pièce, donne des indications sur le lieu et le temps. L’aménagement des décors (Choix et significations) est également appelé la scénographie.

5) Principes de la représentation théâtrale

Deux principes essentiels à connaître concernant le fonctionnement du texte théâtral:

  • le principe de la double-énonciation: le personnage sur scène s’adresse au personnage avec lequel il dialogue, MAIS AUSSI au spectateur. Le texte fait ainsi en sorte que le spectateur soit à même de comprendre ce qui se passe.
  • la majeure partie du théâtre occidental se fonde sur « l’illusion théâtrale » et l’idée du « quatrième mur ». Ainsi le spectateur n’est pas censé être assis dans un fauteuil de théâtre, mais il regarde ce qui se passe dans la vraie vie, dans une vraie maison, dans une vraie pièce où l’on a seulement ôté « le quatrième mur ». Ce principe, qui s’est imposé au théâtre, en France, à partir de l’âge classique (le XVIIème siècle) a été remis en cause au XXème siècle. Voilà par exemple ce qu’écrit Bertolt Brecht (dramaturge allemand, 1898-1956).

L’Achat du cuivre, deuxième nuit, destruction de l’illusion et de l’identification

« LE DRAMATURGE : Qu’en est-il du quatrième mur ?

LE PHILOSOPHE : Qu’est-ce que c’est ?

LE DRAMATURGE : Habituellement, on joue comme si la scène avait non trois murs, mais quatre ; le quatrième du côté du public. On suscite et on entretient l’idée que ce qui se passe sur scène est un authentique processus événementiel de la vie ; or, dans la vie, il n’y a évidemment pas de public. Jouer avec le quatrième mur signifie donc jouer comme s’il n’y avait pas de public.

LE COMÉDIEN : Tu comprends, le public voit sans être vu des événements tout à fait intimes. C’est exactement comme si quel­qu’un, par un trou de serrure, épiait une scène dont les prota­gonistes seraient à mille lieues de soupçonner qu’ils ne sont pas seuls. En réalité, nous nous arrangeons évidemment pour que tout soit vu sans difficulté. Simplement, l’arrangement est camouflé.

LE PHILOSOPHE : Ah bon ! Le public admet tacitement qu’il ne se trouve pas dans un théâtre, puisque sa présence n’est apparem­ment pas remarquée. Il a l’illusion de se trouver devant un trou de serrure. Mais alors il devrait attendre d’être aux vestiaires pour applaudir.

LE COMÉDIEN : Mais ses applaudissements confirment justement que les comédiens ont réussi à jouer comme s’il n’avait pas été présent ! »

 

Grec: Le Banquet, Platon

samedi, novembre 12th, 2011

Eloge de Socrate par Alcibiade

Commentaire du texte:

Platon, Le banquet

A la fin du Banquet, alors que chacun des convives a proposé son éloge de l’amour, arrive Alcibiade:

« Un instant après, nous entendîmes, dans la cour, la voix d’Alcibiade, à moitié ivre, et qui faisait grand bruit en criant, Où est Agathon? qu’on me mène auprès d’Agathon. Alors la joueuse de flûte, et quelques autres de ses suivant, le prenant sous le bras, l’amenèrent vers la porte de la salle où nous étions. Alcibiade s’y arrêta, [212e] la tête ornée d’une épaisse couronne de violettes et de lierre, et de nombreuses bande- 320 lettes. Amis, je vous salue, dit-il. Voulez-vous admettre à boire avec vous un buveur déjà passablement ivre? « 

(http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/cousin/banquet.htm

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A propos d’Hamlet

dimanche, novembre 6th, 2011

1) Le lieu de l’action:

Elseneur

Le château de Kronborg qui se situe près de la ville d’Elseneur au Danemark est considéré comme étant le lieu où se déroule l’action de Hamlet.

Voici une image satellite du château, qui met en relief les fortifications de celui-ci:

Image satellite du château

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Premières S: documents pour une dissertation

mardi, novembre 1st, 2011

A propos de Bernard Marie Koltès :

Stanislas Nordey, metteur en scène :

« J’ai mieux compris Koltès, qui m’a longtemps paru un peu hermétique, un peu inaccessible, en montant Tabataba . Au fond, ses personnages sont toujours dévorés de l’intérieur, alors que ce sont, par exemple, des flambeurs chez Genet. Son théâtre est toujours un peu de l’ordre de l’intime, ce n’est jamais épique. Koltès écrit « très proche » des personnages. Cela a beaucoup de conséquences : par exemple, il faut monter Koltès dans de petits lieux, ou avec de petits moyens.

Je l’ai monté dans les quartiers de Saint-Denis. Et avec Tabataba , qui est un texte simple à jouer et efficace, le résultat fut impressionnant : Koltès parle immédiatement aux jeunes, aux beurs, aux filles – ce qui est très rare. Surtout, il est un des seuls auteurs d’aujourd’hui à avoir intégré le fait que l’on vit dans une société multiculturelle et que sur un plateau de théâtre, il est normal qu’il y ait désormais des acteurs noirs et beurs. Du coup, Koltès dans un quartier, avec ce « besoin d’Afrique » si présent chez lui, ça a un effet miroir immédiat. »

Article paru dans le Magazine littéraire, Fevrier 2001

Zucco: le meurtre de la mère, m.e.s Christophe Perton

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