1STG: La mort de Gavroche, commentaire

Victor Hugo: La mort de Gavroche

Notes de cours mises en ordre par Céline

Note

Les Misérables (1862)

La publication du roman est pour Hugo une défense de ceux que l’on appelle « les Misérables »: au XIX ème siècle, ce mot signifie : pauvre, malheureux mais aussi malhonnête, criminel, voleur. Avec cet ouvrage, l’écrivain entreprend de réhabiliter les classes sociales pauvres, trop souvent jugées immorales et délinquantes.

 Personnage principal : Jean Valjean, c’est un ancien forçat, condamné au bagne pour avoir volé un pain afin de nourrir sa famille.  Il prend Cosette en charge.  Sa mère (Fantine) est une ouvrière abandonnée alors qu’elle était enceinte, elle finit prostituée et meurt. Fantine confie sa fille à la famille Thénardier, ils réduisent Cosette à l’esclavage. Ils ont un fils nommé Gavroche, il ne vit plus avec ses parents, il est indépendant.

 Gavroche est devenu un nom commun, qui signifie  « gamin de Paris », frondeur et gouailleur  (qui n’hésite pas  à se moquer et à contester).

= un poulbot, un titi.

Gavroche appartient au peuple, c’est un enfant, il est lié à Paris.

 Problématique: Comment Victor Hugo réussit-il à faire de Gavroche un personnage mythique représentatif du peuple de Paris et du désir de liberté?

 

Dessin de Victor Hugo

       I.            Un récit qui fait naitre le suspense

Suspense: l’attente angoissante  de ce qui va arriver à un personnage auquel on s’identifie. Il implique avant tout la dilatation du temps:

 Dans le premier paragraphe, Victor Hugo utilise tous les usages de l’imparfait pour retarder l’action:

L’imparfait

1)      La répétition, l’habitude : « il répondait à chaque décharge par un couplet », « on le visait sans cesse », « les gardes nationaux et les soldats riaient en ajustant », « chaque fois que la face camarade du spectre s’approchait », « la gamin lui donnait une pichenette ».

2)      La longueur des actions : « Gavroche, fusillé, taquinait la fusillade », « les insurgés haletants d’anxiété, le suivaient des yeux », «la barricade tremblait », « lui, il chantait », « les balles couraient après lui, il était plus leste qu’elles ».

3)      Commentaires descriptifs : « le spectacle était épouvantable et charmant » (antithèse) , « il avait l’air de s’amuser beaucoup », « c’était le moineau becquetant les chasseurs », « ce n’était pas un enfant », « ce n’était pas un homme », « c’était un étrange gamin fée », « il jouait on se sait quel effrayant jeu de cache-cache avec la mort ».

 Il amène le lecteur à se ranger du côte de Gavroche et des insurgés, en accentuant les réactions de peur:

    Vocabulaire de l’angoisse :

« Épouvantable », « haletants d’anxiété », « la barricade tremblait » (métonymie), « effrayant jeu ».

 Dans le second paragraphe, le récit reprend avec l’emploi du passé simple, mais l’action est là encore ralentie et la mort se fait en deux temps:

1ère balle: l’action est détaillée au ralenti: « On vit Gavroche chanceler, puis il s’affaissa. Toute la barricade poussa un cri ». Le commentaire qui suit  » mais il y avait de l’Antée dans ce pygmée ; pour le gamin toucher le pavé, c’est comme pour le géant toucher la terre » retarde l’action et appuie le suspens, en laissant le lecteur dans l’incertitude de ce qui va se passer. On revient alors à un récit très lent: « il resta assis sur son séant, un long filet de sang rayait son visage, il éleva ses deux bras en l’air, regarda du côté d’où était venu le coup, et se mit à chanter ».

La chanson elle- même fait coïncider le temps du récit et le temps de l’action (comme une scène au théâtre). La rupture avec la deuxième balle n’en est que plus brutale.

2ème balle: à l’inverse, tout va très vite alors. 4 phrases courtes évoquent une mort presque instantanée: « Il n’acheva point. Une seconde balle du même tireur l’arrêta court. Cette fois il s’abattit la face contre le pavé, et ne remua plus. Cette petite grande âme venait de s’envoler ».

    II.            L’héroïsme de Gavroche

  1.      Un rôle essentiel

Gavroche n’agit pas ici par jeu ou inconscience: son action est au service des insurgés, et il utilise son agilité et sa petite taille pour réussir là où d’autres ne pourraient agir

La nécessité de récupérer les munitions à 3 verbes : » pillait, vidait, remplissait » à ANTITHESE des deux derniers termes, qui montre que Gavroche agit de manière méthodique et efficace.

 2.      Le mouvement

Agilité de Gavroche lui donne un aspect invulnérable:

  • exemple : accumulation des verbes + sonorité en « ait »: « Il se couchait, puis se redressait, s’effaçait dans un coin de porte, puis bondissait, disparaissait, reparaissait, se sauvait, revenait, ripostait à la mitraille par des pieds de nez ».
  • antithèse et parallélisme:  » On le visait sans cesse, on le manquait toujours« 

 3.      Le jeu avec la mort

 Mélange des champs lexicaux :

Taquinait à// fusillé/fusillade

S’amuser beaucoup à// décharge

Pieds de nez //visaient

Chantait // ajustant

Jouait // garde nationaux

Cache-cache //soldats

Pichenette //mitraille

                     Cartouche

                     Mort « face camarade du spectre » (vocabulaire de la guerre)

4.      Commentaires dans la narration  

La multiplication des commentaires (métaphores et comparaisons) appuient l’héroïsme du personnage:

Métaphores :

  • « c’était le moineau becquetant les chasseurs » à insistance sur sa petitesse, moineau signe de légèreté, libre, agile…
  • « gamin fée », « l’enfant feu follet  » (+allitérations en f )?Métaphores surnaturelles
  • « le nain invulnérable de la mêlée » à fait penser à un conte comme Blanche neige
  • « les balles lui couraient après » à forme de dessin animé.
  •  » il y avait de l’Antée dans ce pygmée »? références mythologiques

   III.            Une mort pathétique

= qui suscite l’émotion, qui cherche à faire pleurer

 1)      Un enfant

Mise en évidence du personnage comme un enfant (= faiblesse, fragilité), « gamin » (répétitions 3 fois), « l’enfant ».

Comparaisons : « moineau », « nain », « pygmée »:  rapport de force.

Déséquilibre : un enfant contre des adultes, un enfant contre un grand nombre (Gardes nationaux, soldats entraînés: « Une balle pourtant, mieux ajustée… que les autres »)

 2)      Une mort en 2 temps

1° balle : image de Gavroche : « assis », « filet de sang »: la présence du sang inscrit le texte dans la réalité. En même temps, l’image reste « belle », si l’on peut dire, car il ne s’agit que d’une trace encore légère: « un filet de sang ».

 « il éleva ses bras »: interprétation difficile du geste: un  appel, une prière ?

2° balle : brutalité  mise en évidence par les phrases courtes.

L’interruption de la chanson a valeur de symbole, c’est la vie même de Gavroche interrompue avant sa fin normale.

Euphémisme pour évoquer la mort: « il n’acheva point », « l’arrêta », « s’abattit », « ne remua plus » : sobriété de l’expression qui crée l’émotion.

 Oxymore final : « cette petite grande âme venait de s’envoler »:  Apothéose de Gavroche (montée au ciel, transformation en divinité) Envol/Ame (toujours dans l’image du personnage « oiseau »).

 Conclusion

 Réussite évidente de Victor Hugo dans cette page: le personnage de Gavroche avec ce mélange de fragilité et de courage gagne une dimension mythique: il représente le peuple de Paris luttant pour sa liberté, abattu par une force supérieure, alors même qu’il chante et célèbre la Révolution. Si l’insurrection républicaine de 1832 s’est soldée par un échec, le romancier lui offre ici une revanche éclatante.

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