Giono: Le hussard sur le toit, le personnage de Giuseppe
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Introduction:
Personnage qui n’apparaît qu’au chapitre VIII et dont la présence effective ne dure que l’espace du chapitre IX (Angelo installé auprès de Lavinia et Giuseppe au sein de la petite communauté ouvrière de la colline aux amandiers). Personnage cependant très présent dans le roman:
C’est lui qu’Angelo vient chercher à Manosque, et la plupart des souvenirs d’Italie qu’il évoque mentionnent Giuseppe (C.VI: « Il faut que j’aille tout de suite chez Giuseppe » p.126).
Après le chapitre VIII, lors du voyage avec Pauline, G est présent dans la pensée d’Angelo qui dresse de lui un portrait très flatteur: « Giuseppe est un lion« , p. 341, C.IX.
I Présentation du personnage:
1) Description physique:
Même âge qu’Angelo (25 ans), grand, maigre, cheveux frisés, noirs: « Maigre comme un fagot de bois sec« , p.233; cheveux « comme du persil » p. 231.
Beaux yeux, longs cils noirs, p. 264: « Il est très orgueilleux de ses yeux veloutés« . « Les yeux que Giuseppe avait fort beaux et que de longs cils noirs veloutaient étaient animés d’un feu passionné » p. 268.
2) Situation
Frère de lait d’Angelo (sa mère Theresa était au service de la mère d’Angelo, la duchesse Pardi). Ordonnance de celui-ci, lorsqu’il devient colonel de hussards. Réfugié en France, comme Angelo. Cordonnier à Manosque , également carbonaro. Marié (?) à Lavinia, ex- femme de chambre de la duchesse.
Persil frisé
II Le caractère de Giuseppe: l’anti-Angelo
1) la parole contre l’action
Giuseppe est maître de la parole (cf conversation entre A et G au chapitre IX: véritable discours de G contre brèves répliques d’A). idem: discours p.284, lorsque la jeune femme qui vient de perdre son mari et ses enfants est chassée du campement. Les paroles de G rapportées au style indirect mettent en évidence la manière habile dont G justifie une action indigne.
De même, lorsqu’il raconte comment il a agi à Manosque: « Avec mon talent de raconter au bon moment des choses qui impressionnent les lâches, j’ai fait pendre à des réverbères six ou sept messieurs très huppés et qui avaient le préfet dans leur manche. Avec le système du duel, à peine si tu aurais pu en tuer un » p.265.
2) L’ombre contre la lumière
Giuseppe agit dans l’ombre: cf ses tractations avec Michu. Il le paye pour répandre le bruit que le gouvernement empoisonne les fontaines, et il le dénonce aussi à la police. De même, c’est lui qui dirige la communauté sur la colline, mais de manière très discrète: « ils semblaient tous avoir une grande considération pour G qu’ils saluaient » p.267. « Giuseppe ne parla en personne que pour donner un conseil » p.283.
3) La lâcheté contre le courage
La peur de G devant le choléra est de plus en plus manifeste: p. 281: « Il lui fut difficile de contenir sa peur« , p. 283: « Ils sont fous, ils me forcent à rester« , p.288 « Tu veux que je te dises que j’ai peur? Eh bien, je te le dis« .
A l’inverse, Angelo continue à vouloir soigner les malades.
4) Le bon sens contre la folie
G se considère comme représentant le bon sens (p.266). « Il faut savoir se servir des autres. C’est naturel et tout le monde le comprend, même ceux dont tu te sers en guise de matelas pour boucher tes fenêtres. Les hommes arrêtent mieux les balles que la laine. Tout le monde a ce bon sens dans le sang » p. 288.
D’où un portrait de plus en plus négatif de Giuseppe, considéré avant tout comme un « politique », capable de mensonges et de compromis avec sa propre conscience, en vertu du principe selon lequel la fin justifie les moyens (dimension machiavélique du personnage: il ne faut pas oublier que tous les deux sont carbonari, et veulent le renversement de la royauté, afin que le peuple obtienne le pouvoir. Leur action se veut politique et sociale).
Amandier en fleurs
III Les relations entre Angelo et Giuseppe
1) Affection et jalousie de Giuseppe
« Ils se fricassèrent le museau comme de jeunes chiens » p. 252, « Ils s’embrasèrent très rapidement tous les trois » (après la dispute entre G et A), p. 279. « Giuseppe fit promettre et pleura« , « Ils s’embrassèrent vraiment en frémissant. Angelo trembla de joie en serrant son ami, son frère dans ses bras, et il sentit que, lui à son tour, il allait pleurer » p.293.
Grande attention que G porte à Angelo: il aurait tué Michu, si Angelo avait été pendu à Manosque (p.264). Il lui fait confectionner de beaux vêtements: « Je veux que tu sois beau« , p. 266 et répare aussi ses bottes avec soin.
Mais l’opposition des caractères est telle que G ne se défait pas d’une réelle jalousie: jalousie sociale, mais jalousie aussi devant la supériorité physique d’Angelo. Deux combats sont évoqués dans le roman: en Italie, lorsque les cheveux de G ont été rasés et qu’il en accuse Angelo: « Angelo lui avait fait sauter d’un coup de botte la soupière des mains. Ils avaient tous les deux dépecé la salle à manger à coups de sabre en se battant. Mais dès qu’ils avaient vu leur sang, ils étaient retombés dans les bras l’un de l’autre« . Sur la colline aux amandiers, quand Angelo en a assez des recommandations de G au sujet du choléra (p.279).
2) Agacement et affection dAngelo
Vis-à-vis de Giuseppe, les réactions d’A sont également très passionnelles: il est agacé par ses conseils et son attitude protectrice (peut-être aussi un peu jaloux du succès de G auprès des autres, en particulier de ce « peuple » qu’Angelo veut servir), et il réagit par la violence (il se bat). Mais il regrette aussitôt ses actes, et s’inquiète des conséquences. Il est même prêt à passer la nuit à rassurer G, quand celui-ci est terrifié par la maladie: « à diverses reprises cependant Giuseppe s’adressa en piémontais à Lavinia. Elle ne répondit pas. Il appela Angelo et lui dit: « Parle moi ». Angelo lui parla longuement du Piémont, de châtaigneraies…« p. 285.
Conclusion:
Ambiguïté de cette relation, qui unit deux personnages résolument différent, dont la confrontation reste difficile. Le Hussard sur le toit, comme annonce, prémonition d’un conflit qui deviendra ouvert dans Le Bonheur fou
Références dans l’édition Folio:
