Incendies, une tragédie contemporaine

Transcription du cours

Incendies, une tragédie moderne?

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Incendies, Wajdi Mouawad

I Rédigée par Irène: Incendies n’est pas une tragédie au sens « classique » du terme

Quand bien même Incendies a des raisons d’être identifié comme une tragédie, il ne s’agit pas d’une tragédie classique. Nous n’avons plus affaire ni au même public ni aux mêmes personnages. Durant l’époque classique, en France, le public n’était pas le même qu’aujourd’hui, il était principalement composé par l’aristocratie et la haute bourgeoisie. En effet, la tragédie classique était pensée pour les « honnêtes gens », supposés partager des valeurs, consolidées par la tragédie. Aujourd’hui  le public est bien plus diversifié, que ce soit par l’âge ou la classe sociale, à l’image des personnages d’Incendies. Car les personnages principaux de la pièce sont bien différents: Nawal vient d’un village au Liban, tout comme Wahab. Jeanne et Simon, bien que d’origine libanaise, sont Canadiens. Aucun de ces personnages n’est noble, ce qui devrait être une caractéristique principale d’une tragédie classique où le spectateur devant être conforté dans ses valeurs par l’identification, les personnages se doivent d’être nobles (comme Oedipe, Phèdre ou Rodrigue).

De plus, la règle des trois unités n’est pas respectée : l’histoire se passe sur plusieurs jours et le spectateur vagabonde du présent au passé tandis que l’on passe du Canada au Liban. On connaît Nawal adolescente et adulte. On découvre une salle de classe de Jeanne, un ring de Simon et le jardin d’Ermile Lebel. Lorsque la tragédie classique se passait la plupart du temps dans une antichambre, en un seul jour, nous découvrons ici de nombreux lieux et époques. L’unité d’action est quant à elle plutôt respectée même si certaines actions, ne sont pas absolument nécessaires à la découverte de l’origine des personnages. La règle de bienséance, consistant à ne pas choquer le spectateur par la vue du sang ou de la mort empêchait les combats et les morts d’être  montrés sur scène et étaient rapportés. Ici, Sawda tue un milicien sur scène (scène 23. « La vie est autour du couteau. ») Dans « 19. Les pelouses de banlieue », les arrosoirs sont supposés cracher du sang.

Enfin, Incendies utilise des formes nouvelles, inspirées du cinéma, ce qui ne peut pas être caractéristique d’une tragédie classique : Par exemple l’utilisation d’équivalents du « flashback » pour conter le passé de Nawal, Sawda ou Nihad, qui se lie au présent sans réelles démarcations. Dans « 19. Les pelouses de banlieue. », le récit d’Ermile Lebel se mélange à celui de Nawal, alors que le passé remonterait presque dans le présent. Dans « 3. Théorie des graphes et vision périphérique. », nous assistons en parallèle au combat de Simon et au cours de Jeanne, comme devant un écran qui se scinderait en deux dans un film. Voilà des procédés inspirés du cinéma et totalement nouveaux au théâtre qui empêchent à leur tour Incendies d’être une tragédie classique. Mais le tragique ne se réserve pas forcément dans la seule tragédie classique…

II Rédigée par Kristina: incendies fait appel à des références tragiques, la pièce insiste dur la fatalité et la puissance de la parole

C’est une pièce tragique

– espèce de coïncidence entre l’Histoire et la vie privée des personnages

?L’histoire influe sur la vie privée

-référence à Œdipe Roi:

Œdipe Roi inspire Incendies avec le thème de la quête de la vérité. Œdipe (= 1. pieds percés 2.je sais : il a su pour le Sphinx) est respecté par tous, il a tous les pouvoirs de Thèbes. Or, la ville est atteinte par la peste et donc la population se tourne vers lui. Dans l’enquête, Œdipe apprend de Tirésias qu’il a tué son père et épousé sa mère sauf qu’Œdipe ne comprend rien alors que le lecteur lui a tout compris dès la 2ème scène. C’est un esclave qui révèle tout à Œdipe.  La question de la culpabilité et de la responsabilité d’Œdipe se pose alors.

?le devin Tirésias = Chamseddine

?le messager = le gardien de la prison, le guide

?le berger (l’esclave)= le berger (Malak)

-W.M a énormément travaillé sur Sophocle:

?il connaît toutes les pièces par cœur et les a monté par thème

?la référence est évidente

?on est dans la tragédie grecque

Autre référence mythique: référence à Romulus et Rémus

?enfants Mars et Rhéa Silvia qui sont recueillis pas une louve puis un berger

?ils sont à l’origine de Rome: histoire de Rome  inscrite dans un fratricide

?référence au fait que R et R auraient dû mourir à leur naissance qui est maudite (car Rhéa Silvia étant une prêtresse du culte de Vesta, devait rester vierge) mais ils ont survécu.

-notion de fatalité qui va être évoqué dans l’idée d’un cycle permanent: il n’y a pas moyen d’y échapper aussi bien au niveau de l’Histoire qu’au niveau familial

? à l’échelle de tout un pays, il y a un enchainement de haine et de violence qui ne pourrait être arrêté par un effort (cf: scène 25, tirade de Nawal) ?fatalité

? Haine/colère de fille envers mère fait répéter le malheur ? fatalité familiale: les 2 fils (Simon et Nihad) dans l’ignorance sont toujours dans la violence

      ?qqch de violent se produit quand on est dans l’ignorance

-tragédie comme parole

? genre de la parole: que des mots, pas d’action

      ? mots remplacent tout

? ici, que des aveux: révélation de choses dont la connaissance détruit, fait mal, est ravageuse (cf: Œdipe Roi mais aussi Phèdre)

? problème de la parole et de la connaissance= enjeux tragiques

III/ rédigé par Valentin: Incendies refuse le pessimisme de la tragédie

Normalement une tragédie s’achève par la mort (réelle ou figurée) de tous les personnages, aucun avenir n’est possible. Au contraire Incendies pose la question du futur : « Comment vivre après la révélation de l’horreur ? »

  • La pièce se termine avec la présence des enfants de Nawal, écoutant un silence qui a désormais changé de sens.
  • Les didascalies évoquent une « pluie torrentielle », ce qui permet finalement à l’incendie de s’éteindre.  Cette mention de l’eau a également une valeur purificatrice: elle lave les protagonistes, leur laissant désormais la possibilité d’inventer eux-mêmes leur avenir.
  • De fait, l’itinéraire de Simon et de Jeanne les a conduits dans un pays où ne règne plus la violence: symboliquement la prison de Kfar Rayat est devenue une école et le gardien de prison est devenu le concierge de cette école.

Chez Wajdi Mouawad, la connaissance est le moyen d’échapper au cycle de la violence, il faut savoir même ce qui est inavouable, car la vérité finit toujours par éclater et le silence est destructeur. Dans la scène 12 « Le nom sur la pierre », Nawal frappe quelqu’un avec un livre : la connaissance est donc une arme et la pièce montre que seule elle peut permettre d’échapper à l’horreur et à la violence.

Elle se fait en deux temps:

  • L’apprentissage:

Savoir lire, écrire, compter, parler: première étape (la relation entre Nazira et Nawal, celle entre Sawda et Nawal): la connaissance permet de rompre la fatalité de la haine: « il faut casser le fil », « Apprends à lire, à compter, à parler: apprends à penser, Nawal, apprends ».

A mettre en relation avec les références mathématiques omniprésentes (la théorie des graphes, la conjecture de Syracuse). Même des connaissances aussi abstraites que les mathématiques peuvent avoir des résonances concrètes sur l’existence humaine.

A mettre en relation aussi avec l’importance de l’écrit: les lettres sur la tombe de Nazira, le journal que Nawal publie (scène 21, la guerre de Cent ans: « ils ont détruit le journal, on en fera un autre. Il s’appelait la lumière du jour, on l’appellera le Chant du Levant »), ou même les textes qu’elle écrit tout au long de l’oeuvre: son testament, son témoignage devant la tribunal international, les lettres à ses enfants.

  • La recherche de la vérité: curieusement, ce sont les femmes qui recherchent cette vérité avant tout: Sawda (elle refuse ce que lui disent ces parents: « Oublie, Sawda, oublie ».) ou Jeanne (Simon ne veut pas savoir). Autre personnage qui cherche à élucider le passé dans un domaine privé: Hermine Lebel. Au delà de son côté comique, sa recherche et son obstination se révèlent efficaces, d’autant qu’il est aidé par « un collègue, notaire Digdan, fort sympathique ». La solidarité professionnelle joue au delà des frontières, le même goût des archives, des traces, des registres, de ce qui témoigne d’une présence humaine qui a disparu.

A terme, la connaissance permet d’enterrer le passé (enterrement de Nazira, enterrement de Nawal), non pas de l’ignorer, mais de lui assigner une place déterminée et claire. Auteur contemporain, Wajdi Mouawad ne croit pas en une fatalité toute puissante, la tragédie peut se déployer dans certaines circonstances, quand l’ignorance, la violence et la haine se mêlent, mais il n’est pas impossible de sortir de cet engrenage.

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