C’est ici que vous trouverez les astuces que j’ai envie de partager.

Confinement : un dispositif pédagogique 100 % FOAD.

Depuis le 16 mars 2020 que les écoles ont fermé et que les enseignants font cours à distance à l’aide du numérique, j’ai décidé de mettre en place un dispositif correspondant aux critères de la formation à distance (FOAD).

Concrètement cela signifie :

  1. Mise à disposition de contenus disciplinaires didactisés : des cours.

  2. Remise de travaux de la part des élèves : des mises en activité des élèves.

  3. Un accompagnement : permanence ENT du lundi au vendredi de 13 à 14 heures.

  4. Un suivi sur les travaux rendus : des bilans généraux s’adressant à tous, des corrections individuelles, et des exercices en correction automatique.

Pourquoi ces choix ?

  1. Parce qu’ils permettent d’utiliser les outils fournis par l’employeur, de tester leur potentiel mais aussi leurs limites. J’utilise donc l’ENT (environnement numérique de travail) et le gestionnaire de vie scolaire (nom commercial : Pronote / cahier de textes en ligne).

  2. Parce que c’était dans le droit fil des habitudes de travail de mes élèves. Tous mes cours sont sur l’ENT depuis plusieurs années. Je les publie au fur et à mesure de leur déroulement en classe. Il y a aussi des documents qui restent là toute l’année, voire sur les trois années de lycée. Par exemple, certaines fiches de grammaire, de vocabulaire, certains exercices en auto-évaluation. Partir de la base de travail habituelle permet de mieux gérer les adaptations nécessaires à une nouvelle manière d’apprendre. C’est une forme de continuité pédagogique formelle.

Pour quels objectifs ?

  1. Le premier objectif est de maintenir le contact avec les élèves.

  2. Le deuxième objectif est de maintenir des habitudes de travail intellectuel. Penser à l’après. Comment imagine-t-on le retour à la « normale » en septembre avec un certain nombre d’élèves qui n’aura pas fait d’effort d’apprentissage construit depuis le 16 mars ? On perd vite : autant l’habitude de travailler que les connaissances qui ne sont pas réactivées.

  3. Le troisième est d’accompagner et de suivre les élèves. Ceci est toujours plus facile avec des outils déjà utilisés auparavant. Parce que installer un nouveau logiciel, ouvrir un compte sur un / des nouveaux service(s) peut singulièrement compliquer la question de l’organisation du travail à distance de l’élève.

  4. Le quatrième objectif, c’est d’évaluer le potentiel et les limites de l’ENT et du cahier de textes en ligne. A mes yeux, les avantages de l’ENT sont considérables. Les élèves retrouvent leurs cours au fur et à mesure des semaines. Par exemple, les élèves en garde alternée qui se retrouvent une semaine sur deux sans connexion, ont accès aux contenus et aux travaux à faire indépendamment du moment où ceux-ci ont été postés contrairement au cahier de textes en ligne qui défile dans le temps. De mon côté, tous les travaux se retrouvent là ce qui me permet de centraliser mes contacts avec les élèves. Je plains mes collègues qui ont choisi de suivre leurs élèves par mail.

  5. Le cinquième objectif (qui me paraît le plus important) est l’observation.

    1. Observer les manières de travailler des élèves. Comment certains décrochent petit à petit (à cause de la masse de travail) et voir comment on peut les épauler. Comment d’autres construisent une forme d’auto-discipline qui augmente leur confiance en eux. Comment un grand nombre se sert d’autres outils numériques pour se faciliter la tâche : je pense ici au rôle des traducteurs ou des sous-titres des vidéos. Travailler alors la compréhension (écrite ou orale) devient un vrai challenge

    2. Observer la fréquentation et les habitudes de travail générées. Concrètement, au cours de ces quatre dernières semaines, j’ai gardé le contact avec les élèves qui avaient au minimum donné des nouvelles la première semaine. Petit à petit, ils se sont mis au travail, peut-être en « trichant », mais ce n’est pas grave. Ils étaient là et ont appris à mieux utiliser l’internet.

    3. Expérimenter l’accompagnement et le suivi des élèves sur des dispositifs simples et connus. Certains ont eu du mal. À cause d’un manque de littéracie numérique (certains savent juste envoyer des mails mais pas publier sur internet). À cause de problèmes logistiques (rendre des productions écrites quand on dispose uniquement du traitement de textes du téléphone portable n’est pas simple!). À cause de situations familiales complexes (être l’ainé d’une famille dont les deux parents sont réquisitionnés pour le coronavirus et ainsi faire la classe aux plus jeunes n’est pas évident!). Essentiellement à cause de difficultés d’organisation (certains ont voulu suivre l’emploi du temps habituel mais ne s’en sortaient pas. À peine rentrés dans une activité, ils en sortaient et laissaient leur premier travail en jachère).

Bref, j’ai cherché la simplicité numérique. Essentiellement parce que le travail à distance exige des compétences « douces » bien solides. À savoir : l’auto-discipline, le sens de l’organisation et la persévérance : une autre manière d’aborder la question de l’autonomie.

Mes fraises

Mes fraises

Depuis deux semaines maintenant, je cultive des fraises. A distance.

Dans un espace numérique de terrain (ENT) nouvellement configuré. Avec plein de nouvelles pousses qui ont produit des gourmands partout et ainsi saturé mon ENT habituel. Car nous sommes nombreux à cultiver les fraises sur les ENT. Des milliers, des millions d’heures de cours y poussent. Tout ce qui se déroule habituellement dans des salles de classe avec des enseignants et des élèves se retrouve aujourd’hui sur les ENT et ce n’est pas rien. Je connais quelqu’un qui a investi dans un cours payant au CNED et qui, en ce moment, n’a plus accès à ses contenus. Cette culture-là, ce n’est pas de la culture hors-sol, c’est de la culture en bande passante et en zones blanches.

Alors, je me suis mise à la recherche de mes fraises. En tout, j’en ai 121. Vendredi 20 mars 2020, j’en avais retrouvé 59 : 52 m’avait rendu leur mission de fraise, les 7 autres m’avaient juste donné un signe de vie. Le mercredi 25 mars 2020, j’en avais 99, il m’en manquait 22. Pour pouvoir les suivre, je me suis fait un tableau sur mon calculateur : 0 pour celles dont je n’ai pas de nouvelles, 1 pour celles dont j’ai des nouvelles par fraise interposée, 2 pour celles qui m’ont contactée directement, 3 pour celles qui ont effectué partiellement le travail, 4 pour celles qui l’ont fait en entier. En clair, cela veut dire que j’ai récolté 99 productions de petites fraises que j’ai regardées. J’ai fait part de mes fraises manquantes à mon grand jardinier de proximité. Il est allé à leur recherche avec son téléphone et mes petites fraises sont réapparues. Parmi elles, il y en a pour qui ce n’est pas facile. L, par exemple : ses deux parents sont réquisitionnés dans le cadre du covid 19, elle est l’ainée de trois enfants. C’est la grande fraise du lot : la continuité pédagogique dans ce contexte ne sera certainement pas simple. L, est en seconde, travaille, rencontre des difficultés mais fait actuellement la classe à sa petite soeur. Quelle orientation après le covid 19 ? Pour l’instant, c’est sa santé et son moral qui comptent, mais après ? Dommage collatéral ou rebond ?

Sinon, dans le cadre des épreuves communes de contrôle et de confinement (E3C), j’ai revu la configuration de mon grand jardin (ENT). En élaguant, selon le principe d’Umberto Ecco : pratiquer « l’art du filtrage », en pédagogie. Un dépôt par semaine, pour que mes petites fraises puissent s’organiser plus facilement, surtout si leurs parents sont en télétravail, surtout aussi parce que 25 % d’entre elles n’ont pas d’ordinateurs mais seulement un smartphone. Avec des formats facilement téléchargeables pour que les connexions ne s’épuisent pas (la 4G non plus) et que les petites fraises puissent accomplir leur mission de petites fraises tranquillement toutes seules et qu’elles me les renvoient en une seule fois sur l’ENT. Avec des corrections et des corrigés en retour. Et pour celles qui ont de la chance (la chance de pouvoir se connecter) une permanence à l’heure du dessert (de 13 heures à 14 heures) du lundi au vendredi : l’occasion de chatter en temps réel. C’est une façon non contagieuse de les saupoudrer de mots de présence.

Voilà donc comment ces deux dernières semaines, j’ai cultivé mes fraises. J’avais envie de vous les servir sur un plateau. Je vous laisse maintenant déguster.

L’ergonomie des outils numériques : un sujet sensible.

L’ergonomie des outils numériques est un sujet sensible pour deux raisons. D’abord parce qu’il s’agit d’une interface, donc d’une zone de friction qui implique rencontre et résistance . Ensuite parce que cette rencontre se fait entre deux identités qui doivent s’adapter l’une à l’autre : celle de l’usager et celle de l’entreprise qui conçoit l’outil numérique.

Quand l’usager reproche son manque d’ergonomie à un service web, il veut dire qu’il n’arrive pas à l’utiliser ou qu’il n’arrive pas à le faire facilement. Si on lui dit alors qu’il se trompe et qu’en fait, l’objet est ergonomique, cela revient ni plus ni moins à le déclarer, lui, l’usager, incompétent. Et d’ailleurs, c’est ce qu’on lui fait implicitement comprendre quand on lui suggère de faire une formation, d’aller voir un tutoriel ou en osant la phrase assassine « il faut s’habituer ». En terme de sentiment d’auto-efficacité ou de confiance en soi, cela n’est pas la meilleure expérience qui soit.

De l’autre côté, pour l’entreprise qui a conçu l’outil numérique, l’enjeu est important. Une critique argumentée peut avoir des effets ravageurs. Parce qu’elle verse de l’eau au moulin des détracteurs de la solution concernée, qu’elle paralyse les hésitants et détournent les audacieux vers d’autres offres. Or derrière une entreprise, il y a des emplois. Chez certaines, il y a aussi des valeurs et une réelle envie de donner le meilleur.

Comment dès-lors aborder la question de l’ergonomie et surtout de ses manques ?

Personnellement, ne pas aborder les sujets qui fâchent, ne montrer que le bon côté des choses, heurte mon côté pragmatique et surtout mes valeurs. J’ai besoin d’être honnête avec moi-même.

Cette honnêteté, elle me permet aussi de nouer des relations de confiance avec les autres. Or, cette confiance est d’autant plus importante qu’elle libère la parole. Je ne fais pas mystère de ce que j’apprécie dans un outil numérique. Pourquoi devrais-je taire mes difficultés ? D’autant qu’ensuite, dans des cadres informels, des échanges fort intéressants s’instaurent où certains osent « avouer » ce qu’ils ignorent ou tout simplement demander de l’aide, souvent en commençant par «  Toi aussi tu as du mal avec ce truc-là. ».

Par ailleurs, je ne veux pas mettre à mal des entreprises dont j’apprécie la qualité d’écoute, la réflexion professionnelle et l’implication. D’où la double question suivante :

Comment trouver, concernant l’ergonomie des outils numériques, les mots qui respectent les uns et les autres ? Comment évoquer des désagréments qui, une fois discutés et réfléchis ensemble, permettront d’avoir de meilleurs outils avec une ergonomie améliorée profitant à tous ? A l’heure où le numérique pédagogique est en cours d’élaboration et pas encore bien stabilisé, trouver les conditions d’un dialogue optimal entre les différents partenaires me paraît fondamental.

La question des arborescences sur les plateformes de cours en ligne (ENT).

Depuis décembre, je « patine » avec l’ENT. L’une des raisons est la modification des arborescences de cours. En effet, les élèves rencontrent deux types de difficultés. La première est liée à l’usage de la version mobile de l’ENT. Plus l’arborescence est longue, moins elle est immédiatement visible sur l’écran petit format du smartphone et surtout moins on s’y retrouve. L’idéal est donc une arborescence complète qui tient en entier sur un seul écran. Le problème n’est pas mineur quand on sait qu’un quart des élèves n’ont pas d’ordinateur chez eux pour travailler. La seconde difficulté tient à la mauvaise maîtrise des arborescences par certains élèves. Un collègue avait attiré mon attention là-dessus. Cela se confirme et constitue une surcharge cognitive. Un apprentissage que l’on croit acquis ne l’est pas. Ainsi certains élèves ne retrouvent pas le cours sur lequel ils doivent travailler même si le chemin pour y accéder leur a été clairement expliqué et détaillé, même si un lien mène directement du cahier de textes en ligne au dossier.

J’ai donc repensé mes arborescences. J’en ai diminué la longueur. Désormais, elle ne dépasse pas cinq éléments, et si possible, j’essaie de m’en tenir à quatre éléments. Pour y arriver, j’ai créé un dossier archivage en fin de liste. C’est là que les élèves retrouvent leurs anciens cours qu’il m’arrive d’utiliser même en fin d’année. En tête de liste se trouve le dossier consacré au cours du moment. Entre les deux peuvent se trouver des dossiers spécifiques tels que grammaire ou compréhension orale. A l’intérieur du cours du moment, je procède de la même façon : quatre éléments, pas plus.

Cela signifie que sur l’Educ de Normandie, je n’utilise quasiment plus les utilitaires « fichier » ou « remarque », mais que je les ai remplacés par l’utilitaire « page » qui permet de faire des montages. Une première « page » donc accueille tous les documents utiles au cours. Une deuxième intitulée « Wörter » consigne les fiches de vocabulaire sous leurs différentes formes (audio en MP3 ou listes en PDF). Vient ensuite, si besoin, un dossier « exercices » et enfin une « remarque » qui permet de faire le secrétariat de cours.

Depuis deux semaines, je teste. Ce genre de test n’est pas évident car une organisation modifiée du cours et de son arborescence peut gêner les élèves à cause du changement d’habitude que cela génère. Comme par ailleurs, l’accès à nos salles informatiques est compliqué, voire impossible à certaines heures, je ne peux que difficilement voir par moi-même en situation réelle comment les élèves s’en sortent. Je peux encore moins les observer quand ils utilisent leurs portables car ils ne le font que de chez eux ne disposant pas de forfaits illimités. Il va donc falloir encore quelque temps avant d’obtenir un retour et de pouvoir évaluer l’impact de cette modification.

Je suis donc confrontée à trois problèmes. Le premier relève des compétences des élèves que nous croyons acquises et qui ne le sont pas, ici le repérage dans les arborescences. Le deuxième est didactique : il s’agit de trouver des solutions pour permettre aux élèves d’acquérir les compétences en question. Le troisième est purement et bêtement matériel : disposer des équipements permettant l’acquisition des dites compétences. Pour toutes ces raisons, l’expérimentation pédagogique de terrain prend donc souvent plus de temps qu’on ne l’imagine. D’autant que la question de la maîtrise des arborescences par les élèves me paraît encore plus complexe que ce que j’ai pu en percevoir pour l’instant.

Arborescence (à gauche) et « page » (à droite)

Compréhension orale en allemand : améliorer la stratégie d’écoute des élèves avec l’ENT.

L’utilisation de l’ENT pour faire travailler la compréhension orale en allemand présente un double gain : sur le plan du temps et de la méthodologie.

Une compréhension orale se déroule au moins en deux temps. Elle commence obligatoirement par un temps d’écoute et de prise de notes et aboutit à une restitution.

Ce qui caractérise la phase d’écoute, c’est qu’elle est individuelle et solitaire. Elle ne nécessite pas l’apport du collectif ni celui de l’expertise enseignante. Elle peut être réalisée en toute autonomie. L’usage personnel de l’ENT peut alors suppléer le travail en classe en présentiel.

Sur l’Educ de Normandie, j’utilise l’outil « devoir » à cette fin. Car il me permet d’insérer le document audio à écouter et de demander aux élèves de réaliser la prise de notes directement sur l’ENT ainsi qu’éventuellement la restitution de l’audio.

Le premier intérêt est d’économiser du temps de cours. Le deuxième, c’est d’obtenir une trace lisible de la prise de notes… qui s’avère intéressante à exploiter sur le plan méthodologique. Car les élèves qui réussissent dans cette compétence n’ont pas les mêmes stratégies ni les mêmes pratiques que ceux qui rencontrent des difficultés. D’abord, ils reconnaissent plus de lexique avec plus d’exactitude. Ensuite, ils organisent leur prise de notes en parties et sous-parties en laissant des blancs là où il leur manque des éléments. Par contre, les plus à la peine prennent des notes au fil de la plume, alignent les éléments les uns à la suite des autres et notent des « bouillies de sons » qui ne donnent aucun sens. A un niveau intermédiaire, les élèves vont à la ligne à chaque nouvelle idée repérée avec des éléments lexicaux bien reconnus.

Montrer les différentes manières de prendre des notes est alors riche d’enseignement. Car les élèves peuvent s’inspirer de ce qu’ont fait leurs camarades pour progresser et échanger des conseils avec eux. Quant à moi, je peux cibler plus précisément mes exercices de remédiation. Proposer des exercices types « dictée de mots » pour pallier le psittacisme, par exemple.

Techniquement, cet exercice me demande très peu de temps à préparer et ne requiert pas de compétences techniques particulières. Mais il me permet, à moi et aux élèves, de visualiser les tâches intermédiaires qui mènent au résultat attendu. De quoi permettre aux élèves de se donner des objectifs de progression plus clairs. Pour les plus faibles : travailler le lexique et la discrimination auditive. Pour les moyens : réfléchir à la manière d’organiser son écoute. Pour ceux qui n’ont pas de difficultés : se risquer sur les supports plus exigeants.

Améliorer les connaissances lexicales des élèves en allemand grâce à l’ENT.

Depuis qu’en plus des fiches écrites de vocabulaire, j’utilise l’ENT pour faire travailler le lexique, les élèves mémorisent plus rapidement plus de vocabulaire de manière plus durable. Pour ce faire, j’ai recours à deux fonctionnalités présentes dans l’Educ de Normandie, l’ENT de référence de l’ex-région Basse Normandie. A savoir : l’enregistreur et l’outil « pages » qui permet un accès clair, facile et direct à des ressources extérieures variées grâce à des liens.

L’enregistreur me permet de mettre en voix les listes de vocabulaire issues soit du manuel pour les étudiants de classe prépa soit des fiches que j’ai conçues moi-même pour les autres classes. Les élèves peuvent télécharger ces audios sur leurs téléphones portables et certains profitent de leurs longs trajets en car … pour apprendre leur allemand. Associer le son à l’écrit présente plusieurs avantages : le son devient une possibilité supplémentaire d’apprentissage, la prononciation des mots et des expressions est correcte, reconnaître les mots d’un audio lors d’un exercice de compréhension orale devient plus aisé.

Avec l’outil « pages », je peux renvoyer les élèves à des ressources extérieures telles que l’Audiotrainer de la Deutsche Welle qui est très pratique pour homogénéiser les connaissances lexicales des élèves de seconde. Avec un lien vers l’audio, un autre vers le script, les deux étant téléchargeables en toute légalité, les élèves se retrouvent avec des supports d’autant plus exploitables en autonomie qu’ils ont fait l’objet d’une initiation progressive en classe.

Les progrès sont nets. Certains étudiants de CPGE qui, par le passé, peinaient à mémoriser une page entière du manuel de vocabulaire parviennent à en maîtriser deux. Les autres ont réduit le temps consacré à l’apprentissage de ces mêmes listes. Les élèves du secondaire prennent de bonnes habitudes d’apprentissage dans un domaine pas évident, mais fondamental et qui requiert de l’autonomie parce que l’assimilation des mots ne peut être qu’individuelle.

Quant à la dimension technique, elle s’avère réduite. Il suffit d’aller chercher des liens, de les copier et de les intégrer dans une page grâce à un bouton intitulé « liens ». Pour l’audio, le plus long est le temps passé à enregistrer les mots. Quant à la plus-value pour les élèves, elle est si évidente qu’il serait dommage de s’en passer.

De la visibilité des cours publiés en ligne.

Quand on publie ses cours en ligne sur une plateforme destinée à cet usage, ceux-ci deviennent visibles. Concrètement, cela signifie qu’en quelques clics de souris, on peut voir :

  1. la construction générale du cours

  2. sa richesse

  3. son organisation interne

  4. sa cohérence

  5. les interactions avec les élèves.

Bref, la vision pédagogique qui sous-tend l’élaboration du cours, est immédiatement perceptible, ce qui n’est pas le cas dans un cahier de textes, même numérique.

Pour peu qu’à un moment donné, l’enseignant ait eu besoin d’une aide technique, il a été amené à expliquer et expliciter ses choix et ses objectifs, donc à adopter sans le vouloir une démarche réflexive sur ses pratiques et ceci, en présence d’un tiers.

In fine : une plateforme de cours en ligne peut dès-lors s’avérer être un levier d’évolution pédagogique et ceci pour deux raisons. D’abord, parce qu’elle rend visible ce qui ne l’était pas auparavant, à savoir le travail de structuration pédagogique opéré par l’enseignant. Ensuite, parce qu’elle peut le pousser à verbaliser ce qu’il a fait dans le silence et la solitude de son temps de préparation.

Pour ce qui me concerne, je sais que la période de mon « vivons heureux, vivons caché » pédagogique est définitivement révolue.

De « l’outil numérique » dans l’enseignement.

Pour moi, l’expression « l’outil numérique » au singulier et avec l’article défini « l’ » ne veut rien dire alors qu’il est couramment utilisé dans l’Education Nationale. Car le numérique, au singulier, ce sont des octets de 0 et de 1 qui transforment des textes, des sons et des images en suites de nombre.

Par contre, il y a des outils numériques (au pluriel et à l’indéfini) qui portent tous des noms que, la plupart du temps, l’Education Nationale ignore où qu’elle utilise pour le moins de manière maladroite.

Prenons l’exemple de l’ENT, acronyme de « Environnement numérique de Travail ». Selon le dictionnaire « Le Robert », « environnement » signifie : « Ensemble des conditions naturelles dans lesquelles les organismes vivants se développent ». Si j’analyse les conditions, non pas naturelles, mais numériques dans lesquelles moi, organisme vivant, je me développe professionnellement, je constate que l’ENT dont parle l’Education Nationale n’est qu’un élément d’un environnement numérique bien plus vaste. Car ce que l’institution appelle ENT est une plateforme de mise en ligne de cours et d’activités administratives liées à l’enseignement.

Or, mon écosystème de travail, s’il inclut l’ENT version Education Nationale, comporte d’autres éléments tels que :

  1. Un réseau social numérique, Twitter, qui me permet de suivre des personnes qui soit diffusent des informations pertinentes soit relayent celles des autres intelligemment.
  2. Un agrégateur de flux RSS, Feedly, qui me permet de suivre des sites que j’ai soigneusement sélectionnés.
  3. Un outil de partage de signets, Pearltrees, qui me permet de collecter, stocker et classer des pages web selon la taxonomie qui me convient.
  4. Deux outils de curation : un scoop.it, un journal qui compile les articles qui ciblent mon centre d’intérêt et un blog.
  5. La suite bureautique Open Office, indispensable pour créer des documents textes à destination des élèves.
  6. Un éditeur de cartes mentales, Mindomo, afin de structurer ma pensée et d’aider les élèves à structurer la leur.
  7. D’autres logiciels tels que Audacity qui, pour une enseignante de langue vivante, s’avère incontournable.
  8. Le logiciel administratif de traitement de notes et d’absences d’élèves dans lequel je ne vois pas d’intérêt pédagogique, mais une simple feuille de tableur améliorée pour les besoins comptables de l’administration.
  9. Enfin, il y a l’ENT tel que l’entend l’Education Nationale qui me sert à déposer mes cours et mes ressources, que les élèves utilisent pour faire leurs travaux autour desquels nous échangeons.

On constate donc, à partir de cette énumération, que dans un monde de l’outil numérique qui n’existe pas, j’utilise des outils qui constituent, à mes yeux, un environnement numérique de travail qui n’est pas un ENT au sens où l’entend l’Education Nationale.

Salon Educatec-Educatice : mon bilan.

Vendredi 11 mars 2016, je suis allée au salon Educatec-Educatice : bilan en plusieurs points.

La question des ENT (environnement numérique de travail ou plateforme de cours).

Le salon est l’endroit idéal pour découvrir les ENT qu’on n’a pas et pour prendre du recul par rapport à ce que l’on a. Surtout quand on décide de poser une question de prof telle que « Comment fait-on un cours sur l’ENT ? » Je n’imaginais pas à quel point la requête est redoutable. Elle l’est. Soit l’exposant est gêné. Il ne sait pas, par exemple, où est le compte prof de son modèle de démonstration ou comment on accède aux outils. Ou bien il ne connaît que la fonction « cahier de textes », lieu où, comme chacun le sait, l’élève ne fait que retrouver des cours faits. Soit, autre variante, l’exposant est hyper-pointu et c’est le prof qui risque d’être embarassé. Il y a les vendeurs et … « ceux qui bossent » la pédagogie. Je préfère de loin les seconds, même quand je les trouve un peu trop socio-constructivistes.

Les partenariats du Ministère de l’Education Nationale.

Je ne sais pas si le seul numérique éducatif est concerné. Mais les partenariats et/ou les relations entre MEN et acteurs extérieurs au monde de l’éducation augmentent.

Certains sont très controversés tels que le partenariat avec Microsoft. A juste titre.Quand on tente de lire le long chapître consacré à la confidentialité du nouveau Windows 10, on se demande ce qu’on pourra raconter aux élèves en terme de protection de la vie privée. Toutefois, un axe me paraît intéressant : celui de la formation des enseignants par l’entreprise conceptrice du produit. Elle heurte certaines collègues. Moi, elle me paraît logique. Quand les agents d’un établissement scolaire reçoivent un nouveau lave-vaisselle, ce ne sont pas leurs collègues d’un autre établissement qui vont leur en présenter le fonctionnement, mais les commerciaux de l’entreprise marchande.

D’autres relations me paraissent relever du cercle vertueux. Je pense à ce que j’ai compris de l’offre éducation de Pearltrees. Au départ, le ministère constate que le service est utilisé par de nombreux enseignants. Mais il est pleinement ouvert sur le web, ce qui ne correspond pas à des usages scolaires normaux. Le ministère contacte l’entreprise pour qu’elle réfléchisse à une offre sécurisée. L’intérêt, c’est la prise en compte de l’initiative de terrain, ces gisements locaux dont on a si souvent l’impression qu’ils sont oubliés dans les décisions officielles.

Il y a aussi les partenariats habituels et d’autres plus inhabituels, comme celui que j’ai découvert entre le ministère et Maxicours, organisme privé de soutien scolaire. Là il s’agissait de concevoir des graphes de compétences afin de diagnostiquer les besoins des élèves avec plus de précision.

Mettre des noms et des têtes sur les avatars repérés sur les réseaux sociaux.

Le salon, c’est l’occasion de voir Monsieur ENT, Monsieur Pearltrees. De rencontrer aussi ces gens qui se sont abonnés à vos comptes sur les réseaux sociaux sans que vous compreniez pourquoi. C’est aussi l’occasion d’assister à des tables rondes, de comprendre certaines informations que vous avez vu passer sur votre veille informationnelle et dont vous ne voyiez ni les tenants ni les aboutissants. Je sais par exemple ce que veut dire « class-codes » que j’avais vu passer sans imaginer ce que je pourrais en faire.

Mais en creux, il y a aussi deux regrets.

  1. L’objectif principal du salon : l’équipement matériel.

    L’offre purement pédagogique est restreinte sur le salon. Elle est en grande partie assurée par le ministère et les académies de Versailles et Créteil : un peu parisien le truc ! Le stand des éditeurs m’a beaucoup déçue car on en est encore à « Vous enseignez quelle matière ? ». J’aurais préféré entendre : « Vous enseignez comment ? ». Quant aux manuels numérique, on en est encore au stade S du modèle SAMR. Par contre, je regrette d’avoir découvert seulement au moment de partir le seul concepteur de cartes mentales présent « Mindview ». Dommage.

  2. Un salon éducatif sans prof.

    Le point qui m’a le plus gênée, ce sont les allées plutôt vides et le nombre d’exposants supérieur au nombre de visiteurs. A qui s’adresse donc ce salon ? Essentiellement aux acheteurs d’équipements. Car très peu d’enseignants peuvent y être présents : les vrais profs qui ont de vrais élèves à qui ils font de vrais cours dans de vraies salles de classes ne peuvent pas être là. A moins qu’ils ne fassent ce que j’ai fait : demander une autorisation d’absence, rattraper ensuite tout ce qu’il est possible de rattraper, et ce, parce que j’ai la chance d’avoir un chef d’établissement ouvert aux questions pédagogiques. Doit-on comprendre que les enseignants ne sont pas des professionnels de l’éducation et qu’ils le sont encore moins quand il s’agit du numérique ? Ouvrir un jour non ouvrable est peut-être une piste à explorer.

L’ENT : rigueur et effet boomerang.

Après avoir enquiquiné tous azimuts au sujet de l’ENT, j’ai reçu les coups de pied au derrière dont j’avais besoin.

D’abord, « l’engin » nécessite une réelle formation. Savoir construire un scénario de cours et le subdiviser en sous-parties ne suffit pas. Faire le tour des différentes fonctionnalités non plus.

L’ENT est une école de la rigueur car l’algorithme est impitoyable. Si, dans les exercices, je veux utiliser la correction automatique, les éléments de correction que j’indique doivent être parfaitement exacts et en complète cohérence avec le support dont ils sont issus. Si, par exemple, les élèves doivent repérer une date dans un texte et que celle-ci apparaît sous la forme 10/08/14, je dois veiller à faire figurer cette forme de date dans mes éléments de correction et ne pas autoriser comme seule réponse valide le 10 août 2014. Autre point : si je veux faire faire un devoir aux élèves, je dois impérativement préciser les modalités d’évaluation car un devoir sans évaluation critériée n’existe pas sur l’ENT. C’est un exercice à réponse ouverte.

Alors, contrainte nouvelle en sus ? Peut-être, mais pas vraiment. Car l’ENT m’amène surtout à expliciter avec de plus en plus de précision le sens et les modalités de mon action pédagogique. Comme si ma demande envers l’outil me renvoyait un boomerang formateur.