Ce qui a pu m’arriver avec mes élèves, autant en termes de réussite que d’échec.

Un blog… pour les élèves.

C’est récurrent. Le cahier de textes en ligne est un bon outil pour rattraper une absence ponctuelle. Mais pas pour retrouver les documents travaillés en début d’année, trop annotés pour être utilisés au bac, voire perdus.

J’ai donc décidé de mettre mon cours en ligne, sur un blog du web pédagogique. En effet, ce support est aisément accessible à tout moment de l’année. Il comporte aussi des fonctionnalités permettant un travail collaboratif (commentaires, possibilités de contributions de la part des élèves…). En outre, on peut limiter l’accès de certains articles à un public restreint.

Sur ce blog qui s’appelle « germanistes leverriens », on trouvera essentiellement :

  1. Des documents de base. Protégés par un mot de passe. En effet, si, en classe, je peux dupliquer des documents au titre de l’exception pédagogique, je n’ai pas le droit de les diffuser à la planète entière via internet. Or la plupart de mes cours s’appuie sur des documents authentiques, souvent retravaillés par mes soins.

  2. Les documents accompagnant les premiers. Je les ai conçus moi-même. Je décide, pour l’instant, de les laisser accessibles à tous. D’avance, j’exprime ma reconnaissance à ceux et celles qui prendront la peine de me citer si jamais ils utilisent ces supports.

Il y aura aussi :

  1. des sujets de bac (pas nécessairement corrigés!)

  2. des fiches de vocabulaire

  3. des fiches de grammaire

  4. des fiches méthodologiques

  5. … et tout ce que les élèves me suggéreront d’y mettre.

Pour ce qui est de la dimension collaborative :

  1. Tous pourront rédiger des commentaires. Mais ceux-ci seront publiés uniquement après modération. (Je suis responsable de TOUT ce qui est publié sur le blog)

  2. Mes élèves pourront envoyer des contributions, mais elles-aussi seront publiées uniquement après lecture et approbation.

Tout cela avec l’espoir de créer un outil de collaboration agréable, utile, efficace et respectueux de la parole de tous.

La question de l’outil.

Les cartes heuristiques sont un outil numérique pédagogiquement intéressant. Elles gagnent d’autant plus en efficacité que les élèves les élaborent eux-mêmes.

Sauf que, techniquement et dans le cadre de l’institution, les choses ne sont pas aussi simples.

  • D’abord parce que, si les ordinateurs personnels des lycéens sont tous équipés d’une plateforme de téléchargement musical, il n’y a jamais dessus de logiciels de carte heuristique par défaut. Dans ce domaine, l’enseignant est prescripteur. Et comme chacun, en pédagogie, a ses habitudes de travail, le risque de prescriptions multiples n’est pas négligeable.

  • Ensuite parce que les postes du réseau de l’établissement où j’enseigne sont équipés d’une version de Freemind compatible avec Windows XP. Or je viens d’installer ce logiciel sur mon Windows 7. Il s’avère que le Freemind installé sur mon poste ne lit pas la version du lycée et vice-versa. Le travail des élèves risque alors d’être réduit à néant.

  • L’interopérabilité ne fonctionnant pas, il devient nécessaire de surmonter les difficultés techniques avant toute mise en oeuvre pédagogique.

Selon quels critères, dès-lors, choisir les outils ?

  • Ils doivent être premièrement faciles à utiliser et disposer d’une ergonomie conviviale et intuitive.

  • Ils doivent deuxièmement être aisément accessibles, sans installation fastidieuse.

  • Car nous devons être réalistes. Les compétences techniques de la majorité de nos élèves ne sont pas si importantes que cela, surtout depuis que les ordinateurs sont vendus pré-installés et que l’informatique dans le nuage permet d’accéder à de nombreux services uniquement sur la base d’un compte gmail.

Il est donc grand temps que nous, enseignants, investissions l’Accompagnement personnalisé afin de réellement former nos élèves au numérique. Ce ne serait pas non plus un luxe si, au moins à l’échelle de l’établissement,

  • nous engagions une réflexion et une mise en pratique collectives et cohérentes,

  • nous nous mettions d’accord, par exemple, sur UN logiciel de carte heuristique commun.

Car il y a des jours où j’ai le sentiment de piétiner et de passer à côté d’expériences intéressantes et constructives. Des jours avec trop d’obstacles ! Des jours aussi où l’on constate que l’enseignant doit aussi penser technique.

Arrêtons se surestimer les compétences numériques de nos élèves !

Nicolas Roland, dans le webinaire ITyPA, et Perine Brotcorne, dans un article publié sur Educavox ont un point commun : ils ont observé les étudiants utiliser les outils numériques lors de leurs apprentissages.

Sur un certain nombre d’éléments, leurs observations convergent. On imagine nos élèves nés avec une souris à la main. On croit leur maîtrise des technologies innée. Or, selon Nicolas Roland, ils ne sont pas nécessairement compétents en technologie et pas nécessairement détenteurs de stratégies. Créer une page Facebook pour travailler de manière collective n’est pas nécessairement un signe de compétence. On peut y voir l’expression de leurs limites technologiques en terme de gestion de contenus. Quant à Perine Brotcorne, elle estime que les jeunes ne savent pas utiliser internet comme outil de travail. C’est en particulier la compétence informationnelle qui leur manque. Ce n’est pas parce qu’on sait ACCEDER à un contenu qu’on sait l’ORGANISER et l’EXPLOITER. Ce n’est pas parce qu’on manipule vite les touches d’un clavier qu’on gère le fond des choses de manière complexe.

Ces constats coïncident avec les expériences que je fais en classe. Par exemple, je complète le cahier de textes en ligne en mettant à la disposition des élèves les supports que j’utilise que ce soit sous forme de textes, de documents sonores ou de liens vers des sites. La plupart rencontre des difficultés à télécharger les documents audio parce qu’ils ne disposent pas de leur plateforme de téléchargement habituelle. De plus, ils n’ont pas le réflexe de classer les supports ainsi mis en ligne. Et il suffit que plusieurs enseignants procèdent d’une manière analogue à la mienne pour que leur stockage d’informations devienne illisible.

Je pense qu’il y a des risques réels à vivre dans l’illusion que les élèves maîtrisent mieux que nous les technologies.

  1. Nous risquons de ne pas leur apprendre ce dont ils auront besoin dans le monde du travail, à savoir gérer des contenus complexes avec les outils spécialisés dans leur domaine.

  2. Nous risquons de les amener à considérer l’adulte comme systématiquement incompétent et à se voir eux-mêmes comme nullement dans l’obligation d’apprendre. Danger réel ou imaginaire ? En tout cas, quand, récemment, un de mes élèves de seconde a bloqué sa session sur le réseau (justement en téléchargeant un fichier son) et que je suis venue le voir, il m’a très bien fait comprendre que les manipulations que je testais, ils les avait déjà mises en oeuvre, mieux que moi (puisqu’il me disait au fur et à mesure comment faire). Ayant toujours un plan B, je l’ai renvoyé à sa place travailler sur un lecteur MP3. Heureusement pour moi, j’ai réussi à remettre sa session en place. Dernièrement, ce même élève a rencontré des difficultés pour accéder à un site dans ma discipline. Pas ses camarades (ouf!). En tout cas, en voilà un qui est convaincu de savoir, de savoir mieux que l’autre (surtout quand l’autre est un adulte). Ne risque-t-il pas d’oublier d’apprendre ?

De la nécessité d’un guidage rigoureux pour construire l’autonomie des élèves dans l’usage des TIC.

Utiliser les Tice en langue étrangère améliore le niveau des élèves, en particulier pour ce qui est des compétences relevant de la réception. Le net a révolutionné la pratique de la compréhension orale grâce aux ressources audio et vidéo.

Cependant, il ne faut pas croire que, parce que nos élèves sont nés avec le support, la navigation sur des sites en langue étrangère soit intuitive ou évidente. Ils acceptent de surmonter l’obstacle linguistique que dans deux cas : soit parce qu’une passion dévorante pour un sujet leur permet de dépasser leur inhibition linguistique. Soit parce que l’enseignant les y a contraints.

La fréquentation des sites en langue étrangère par les élèves nécessite donc un guidage rigoureux. Ils doivent en effet apprendre :

  1. d’abord à se poser sur une page sans se limiter à en regarder les images mais en en consultant les données textuelles
  2. ensuite à utiliser ces sites en en connaissant les modalités de fonctionnement, en particulier pour ce qui relève du téléchargement. J’ai vu des élèves à qui je demandais de travailler sur les « Nachrichten in 100 Sekunden de l’ARD » (les nouvelles en 100 secondes) se retouvés coincés. Ils n’avaient pas su télécharger l’édition (téléchargeable en toute légalité) et quand ils avaient voulu retravailler dessus, elle avait été remplacée par une nouvelle mouture.
  3. enfin à utiliser les bons moteurs de recherche (pas trop généralistes) car la profusion d’informations couplée à un défi linguistique conduit à la noyade.

Cela suppose en amont l’élaboration par le professeur de scénarios de guidage et d’une progression dans ces scénarios. Mais auparavant, il lui aura encore fallu :

  1. débroussailler le champ des ressources disponibles, donc naviguer lui-même et procéder à un tri
  2. bien connaître le fonctionnement des sites et leur ergonomie afin d’y mener les élèves, ce qui implique un travail d’appropriation
  3. avoir les connaissances techniques pour cela.

On peut donc conclure de cette analyse :

  1. que même si les élèves sont nés dans un environnement informatique, il y a des outils pour lesquels ces « digital natives » ont besoin d’aide
  2. que ce guidage relève de celui qui a la maîtrise du contenu
  3. mais que celui qui a la maîtrise du contenu a besoin d’une formation aux outils.

Cet article aurait donc tout aussi bien pu s’intituler : de la nécessité de former les enseignants aux TIC.

Un an plus tard : TIC et langues vivantes : donner une recherche aux élèves.

Oui, j’ai renouvelé cette année l’expérience que j’avais faite l’an dernier et qui avait à moitié réussi. Réussi parce que les élèves en étaient sortis motivés et avaient appris beaucoup de choses sur la région qu’ils allaient visiter. Echoué parce que l’objectif linguistique visé n’avait pas été atteint.

La tâche à effectuer n’a pas beaucoup évolué et consiste à :

  1. choisir un lieu éloigné d’au plus 150 km de notre ville jumelle
  2. imaginer pour ce lieu une visite de musée et une activité
  3. préparer une présentation assistée par ordinateur et un exposé oral en allemand afin de convaincre leurs camarades que ce programme est génial.

Les différences concernent l’approche pédagogique et se concentrent sur deux points :

  1. la préparation en amont : elle a consisté à familiariser les élèves avec l’utilisation de sites en allemand et à rendre systématique cette utilisation
  2. l’accompagnement des élèves pendant la réalisation du travail et qui a comporté quatre aspects :
    1. définir les différentes étapes à parcourir pour réaliser le produit final
    2. formaliser ces étapes sur une fiche indiquant à quel stade les élèves étaient parvenus (sous forme de cases à cocher : fait, en cours, non fait)
    3. organiser le planning des séances où les élèves peuvent se retrouver pour travailler en groupe
    4. élaborer des fiches de travail individuel où l’élève explique ce qu’il a fait lui dans le cadre du travail de groupe.

Les points positifs du bilan sont les suivants :

  1. les élèves n’ont utilisé que très rarement des sites qui n’étaient pas en allemand. Ils ont donc réellement travaillé la compréhension écrite et la recherche d’informations en allemand
  2. ils ont utilisé le dictionnaire en ligne leo.de : c’est devenu automatique
  3. ils ont tous travaillé (sans doute dans l’objectif de compléter la fiche « parcours individuel »)
  4. ils étaient concentrés sur leur travail et enthousiastes (ils n’entendaient pas la sonnerie)
  5. ils ont beaucoup apprécié d’avoir la liste de sous-tâches à accomplir et de pouvoir cocher les cases au fur et à mesure de l’avancement de leurs travaux.

Les points à améliorer :

  1. la plupart des élèves ont rencontré des difficultés à travailler en groupe en dehors des séances prévues parce qu’ils habitent loin les uns des autres. Un groupe a contourné la difficulté en se créant une page sur Facebook
  2. certains élèves, bien qu’ayant le B2I n’ont jamais réalisé de présentation assistée par ordinateur. Si le travail de groupe a compensé ce manque, on observe sur ce genre de travaux une inégale maîtrise de l’outil
  3. je pense ne pas les avoir assez préparés à l’argumentation non pas d’un point de vue linguistique mais du point de vue de ce que signifie « argumenter ». Certains ont semblé découvrir à l’occasion qu’argumenter servait à convaincre l’autre. J’envisage donc de réfléchir à une meilleure manière de présenter l’argumentation en situation de communication.

Voilà donc trois points qui me permettent de prendre rendez-vous avec vous l’an prochain, pour une nouvelle mouture de cette tâche complexe.

En tout cas, pour ceux qui souhaitent connaître la première version de l’expérience, je les renvoie à mon premier article sur le sujet.

TIC, langues vivantes et nouveaux champs pédagogiques : donner une recherche aux élèves.

Il y a quinze ans, il ne m’était pas possible de donner à mes élèves germanistes une recherche à faire. Faute de ressources accessibles.

Aujourd’hui, grâce à internet, il en va autrement. On peut aisément leur demander d’aller chercher des informations sur une ville, sur les monuments à visiter et les activités possibles.

Sauf que l’objectif linguistique qui est le fondement du cours de langue risque de passer à la trappe.

En effet, dans ce type de démarche, deux objectifs coexistent. Le premier consiste à trouver les informations demandées. Le second à travailler dans la langue cible. Or si le premier objectif qui est à la portée de l’élève éveille sa curiosité et le motive, le second suscite des obstacles qu’il va tenter de contourner. Peut donc alors se mettre en place le scénario de cours suivant.

L’élève :

  1. traduit les consignes
  2. mène sa recherche en français
  3. si celle-ci n’aboutit pas, la poursuit en anglais
  4. copie et colle le texte anglais dans un traducteur
  5. rend le texte ainsi produit en allemand
  6. sans avoir travaillé son allemand.

L’objectif linguistique, essentiel, est donc manqué.

Une conclusion s’impose : la nécessité de baliser, dans ce projet de recherche, un parcours qui oblige l’élève à la confrontation linguistique. Cela veut dire être directif, ou pour utiliser une version plus soft élaborer des scénarios de guidage.

Le cahier de textes en ligne : le parcours du combattant d’un outil simple d’utilisation.

Depuis la rentrée 2011, le cahier de textes en ligne est obligatoire. Et c’est un bon outil dont on voit vite l’intérêt. Il permet aux élèves de suivre le fil directeur du cours, de récupérer les documents perdus de cliquer directement sur des liens pour trouver les documents en ligne avec lesquels l’enseignant a travaillé.

Pourtant peu d’élèves s’en servent. D’abord, parce qu’à l’instar de son homologue en papier, il est référencé de manière incomplète et aléatoire. Ensuite, parce que bon nombre d’élèves sont réticents à l’utiliser. Il les oblige, en effet, à fréquenter des supports différents de ceux auxquels ils sont habitués. Les espaces numériques de travail utilisés dans l’enseignement présentent deux caractéristiques : ils sont sécurisés et multifonctions. Qui dit sécurisé dit usage de mots de passe plus complexes comportant lettres majuscules et minuscules ainsi que des chiffres : cette exigence ne va pas de soi pour certains élèves. Qui dit multifonctions, dit interface plus complexe, moins ergonomique, mais aussi plus riche.

D’où la question qui me travaille depuis quelque temps : ils sont nés avec des écrans, mais que savent-ils vraiment faire avec ? En savent-ils tant que ça, de plus que nous ?