« Le seul objet qui s’use si l’on ne s’en sert pas »

Nous en avons tous un plus ou moins gros, mais son efficacité n’est pas du tout liée à sa taille. Ce pourrait être une définition, un peu légère j’en conviens, de cet élément central de notre personne, j’ai nommé : le cerveau.

Le mien, pessimiste à l’envie, me fait considérer aux trois quarts vide ce verre à moitié plein, et ce malgré mes injonctions à l’orienter vers un peu d’optimisme. Un mal français paraît-il.

Comme disent les matheux, ma chronique suppose un postulat de départ qui est un environnement dans lequel on ne se bat pas pour sa survie, où manger, se laver, être à l’abri, n’est pas remis en question chaque jour. Cet axiome établi, notre cerveau devient un véritable trésor que l’on sous-estime parfois.

Je rappelle que le cerveau de l’être humain le moins performant ne sera jamais égalé en termes de complexité par le plus puissant des ordinateurs passés ou à venir. Et toc, pour tous les pessimistes qui pensent que Terminator et l’intelligence artificielle vont nous supplanter. En outre, c’est à ma connaissance le seul objet qui s’use si l’on ne s’en sert pas : j’ai pris cette réplique à une de mes enseignantes de lettres de lycée et j’avoue que j’adore l’utiliser devant mes élèves toujours aussi surpris de l’entendre. J’ai d’autres expressions fétiches mais je vous les réserve pour d’autres chroniques…

Alors, certes, pour faire quelques calculs, usiner une pièce, gérer le trafic aérien, envoyer mes mails au Petit Journal des profs, j’aime autant la rigidité des protocoles informatiques que la technique dite du « doigt mouillé », beaucoup plus hasardeuse (Pour info, cette technique consiste à mouiller son doigt avec de la salive, puis à le tendre en l’air pour savoir d’où vient le vent à partir des capteurs sensoriel de notre doigt décuplés par cette opération. Une manche à air, puisque c’est son nom, fait le job beaucoup mieux, mais bon faute de grives, on mange des merles.). Mais pour tout le reste, notre cerveau offre des terrains de jeux incroyables.

L’académisme, nécessaire pour plus de liberté

Pour moi, un des enjeux de l’école est d’ouvrir ces univers. Quand j’avais dix ans, je pensais que mon instituteur savait tout, que la connaissance était finie, accessible, circonscrite. Objectivement, j’avançais chaque année et j’en savais de plus en plus. Je rêvais du jour où, enseignant, je saurais tout. Vous vous en doutez, cela ne s’est pas produit (comprenez l’omniscience) car j’ai compris, en avançant dans l’âge, que mon savoir s’accroissait de façon absolue mais diminuait de manière relative. Étrange paradoxe qui est en fait une évidence. Découvrir ainsi l’infinitude de l’univers confrontant la finitude humaine est, au minimum, perturbant, Pascal en a parlé avant moi et de manière beaucoup plus limpide.

Pour autant, la liberté dont nous jouissons en France pour laisser vagabonder notre imagination, nos esprits, nos colères, nos désirs, nos envies, cette liberté est un trésor et une richesse que nos cerveaux doivent exploiter. Former de jeunes écoliers à obéir à des règles de grammaire, des consignes de mathématiques, un règlement intérieur, ce n’est pas les asservir, bien au contraire. Cet académisme est la condition sine qua non de l’émancipation, de l’honnêteté intellectuelle, de l’accès au sens critique, toutes ses valeurs auxquelles nous, enseignants, adhérons.

J’adore revoir ce reportage filmé où l’on voit Picasso reproduire une scène, un dessin, on le croirait élève en arts plastiques en train de peindre une nature morte. Et d’un coup, il rompt avec ce formalisme et laisse parler le Picasso que l’on connaît et auquel la postérité rend un hommage mérité. J’ai l’impression que notre cerveau fonctionne à l’identique et que, de fait, la formation initiale est fondamentale. D’où l’enjeu crucial de l’école, vecteur de liberté et non d’anarchie, de tolérance et non de résignation, de bienveillance et non de naïveté, pour offrir cet espace d’évolution. Et je ne parle pas ici de la richesse de l’imaginaire opposée à la frustration de ce monde matériel qui nous submerge… je vous l’avais dit, je veux être optimiste !

 

Une chronique d’Octave

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