OUI TOUT À FAIT

fredzarp

– Imaginez la scène. Un restaurant chic. Lumières tamisées. Un petit orchestre qui joue la douce musique de votre amour. Vos mains font trébucher la sauce moutarde alors que vous cherchez les siennes sur la nappe (ou la toile cirée selon votre échelon). Vos regards se croisent. Vos lèvres. Vous les mordillez légèrement. Vous ne savez pas comment lui dire que vous la désirez et là, et là…

« Ah ben voilà, on a la date du conseil de discipline de Jérémy, c’est pas trop tôt ! »

S’en suivra donc une discussion des plus enflammées sur son attitude désinvolte durant l’évaluation sur les pôles de puissance ; et quand il vous a lâché le fameux « c’est bon là oh hein ! » Impudent. Et la directrice qui ne dit rien. Voilà. Vous allez parler boulot de longues heures et finir, essoufflés et transpirants, sur la couette, en parlant du PPCR.

– Car il est toujours ultra choupinou d’avoir, après une journée difficile avec les premières, qui n’ont pas passé une seule seconde de leur temps scolaire à VOUS écouter, une épaule, un bras pour vous réconforter et pour vous accueillir en salle des professeurs à 17 h 38 vendredi soir. Ça évitera à Marco, l’homme d’entretien, de venir vous voir et de souffler son haleine qui ferait une excellente campagne anti-tabagisme sur vous. Comme le dit le poème :

« Et les moiteurs de mon front blême, elle seule les sait rafraîchir en pleurant. »

– Car bien entendu, vous avez déjà tous pensé à ce que ça donnerait. Vous savez bien. Dans la salle de classe, sur votre bureau jonché de carnets de correspondance, que vous pourrez agripper et jeter à travers la pièce durant ce moment. Dans la salle des profs, sur ce même divan où vous avez attendu tant de fois avec fébrilité la sonnette. Pourquoi ne pas ENFIN monter au septième ciel…plutôt qu’au deuxième étage en C203 où votre seul orgasme a été d’observer votre agenda et les prochaines vacances scolaires. Et la photocopieuse. LA PHOTOCOPIEUSE. Je n’en dis pas plus. Mêler votre univers fantasmatique et professionnel, ne serait-ce pas LA bonne idée, à défaut de grimper. Les échelons.

 

NON PAS DU TOUT

– Imaginez la scène. Votre liaison a décidé de porter aujourd’hui le magnifique jean slim que vous lui avez offert. Mais si ! Celui qui était titré «  Ultra Skinny Sexy Booty ». Elle arrive en salle des professeurs et lorsqu’elle se baisse pour atteindre le bac A3 du photocopieur, celui qui touche l’asphalte. Là, vous croiserez sans doute le regard de Lucien, le prof boutonneux et libidineux de techno ou Edwige, la documentaliste vieille fille, qui se lècheront les babines et scruteront non pas la photocopieuse, mais le jean offert par vos soins. Et vous sentirez monter en vous à la fois cette angoisse qui vient du fond des tripes, tandis que leur filet de bave tombe, goutte après goutte sur le sol. Et cette envie d’homicide. C’est décidé, la prochaine fois, vous lui offrirez un kit de scrapbooking.

– Car avoir une liaison au lycée entraîne forcément ces petits moments chagrins, où, n’ayant pas fini de vous écharper sur le ragoût de belle-maman d’hier soir (ça fait dix fois que vous lui rappelez la définition de V.E.G.A.N.), vous vous sentez donc obligée de poursuivre votre inimitié au sein de l’établissement, projetant malencontreusement le massicot sur sa jambe alors que passez près de lui, ou n’hésitant pas à aborder le sujet durant le repas du midi : « la taille ça compte pas, mais un peu quand même » devant une assistance médusée et un compagnon à la limite de l’apoplexie.

– Car vous n’avez pas vraiment envie que votre intense relation, que votre intimité la plus profonde, soit contrariée par une troisième donnée, créant une forme de continuum triangulaire pédagogique dont, à coup sûr, vous ne vous relèverez pas. Soyons honnête, en bossant dans le même établissement, supporterez-vous qu’il vous dise durant la récréation que les élèves pensent que vous avez autant d’autorité qu’une amibe ? Que vos cours donnent lieu à des concours d’avions en papier, dont certains s’écrasent sur les passants, pauvres victimes innocentes, dans la rue en face du lycée ?

« Non, mais si tu veux qu’on bosse ensemble tes séquences, si tu veux que je te conseille sur tes supports péda, ça ne me gêne pas… ». Ta gueule. Connard.

Supporterez-vous derechef, que d’autres bambins, utilisant tous les subterfuges les plus vils pour ne pas faire cours, posent des questions tout à fait anodines, demandant à la chair de votre chair, si c’est normal que vous passiez des heures enfermés dans la salle de la prof d’Espagnol.

« Non, mais juste comme ça M’dame, on est pas des balances, juste on vous aime bien, on aimerait pas qu’il vous fasse souffrir, vous voyez… ».  Quelle prévenance. Quelle bienveillance.

Il convient donc d’y songer. Surtout si vous avez l’intention de procréer. Car bien entendu, vous l’avez tous déjà remarqué. Il n’y a pas plus chiant comme parent d’élève… qu’un enseignant.

Alors deux… (chronique sur ce sujet à suivre prochainement).

 

Une chronique de Frédéric Lapraz (et son double)

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