« Les élèves étaient bien meilleurs il y a 10 ans » ; « Quand j’étais élève, on travaillait plus » ; « C’était bien plus facile pour les profs avant »

Qui un jour n’a pas entendu ou prononcé ses paroles en réunion ou en salle des profs ? C’est assez sournois, mais petit à petit, à force d’entendre ce genre de chose, cela devient comme une vérité. Alors qu’en est-il vraiment ? Il faudrait comparer. Pour ma part je connais trois générations : mes parents, moi-même et mes enfants.

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1953 : mes parents terminent leur scolarité obligatoire et maîtrisent, plus ou moins bien, les bases du français, des maths et d’histoire-géographie avec quelques rudiments de sciences. Pas de langue étrangère et Thalès ou Pythagore sont plutôt placés en Histoire qu’en maths. Un instituteur pour 30 élèves de plusieurs niveaux : pas un bruit ; quelques doigts se souviennent des coups règles, quelques oreilles se souviennent des engueulades du paternel. Une enquête de 1953 montre que le palier important pour l’orientation est à 11 ans : certains vont dans le secondaire (une minorité) et accéderont aux études supérieures alors que d’autres (la majorité) continuent à l’école jusqu’à 14 ans… Mais qu’importe : lire, écrire, compter, cela est bien suffisant pour trouver du travail. Plus de 75 % des élèves sont ensuite mis au travail. L’enquête révèle une inégalité socio-économique : 1 enfant sur 10 d’ouvrier agricole accède au second degré contre plus de 8 sur 10 enfants de milieux favorisés. Pas vraiment le bon vieux temps.

1983 : je finis ma 3e ; un prof pour une ou deux matières. Quatre années de collège plutôt agréables. Il me reste en mémoire un prof d’anglais que la classe a fait craquer, cette prof d’allemand qui débutait et que certains 4e ont fait douter ; cette colle de toute la classe pour le chahut en musique… Mais la plupart du temps les cours étaient assez calmes, même si quelques élèves ne travaillaient vraiment pas. Une partie du collège était réservée aux élèves de SES et de CPPN : pas encore de collège unique ! Certains de mes camarades sont partis en apprentissage en fin de 5e. Même si l’on était parfois nombreux par classe, nous étions donc déjà le résultat d’un tri : 30 élèves triés cela fait une classe calme et sérieuse. Je n’arrive pas à me souvenir d’un livre lu et étudié en français ; à la maison je passais de bons moments de lecture avec Tintin, Astérix et Picsou ; et que d’heures passées devant l’écran de télé… Avec le temps notre mémoire ne sélectionne que certains moments.

2014 : ma fille va finir sa 3e. Bien sûr, elle est moins forte en orthographe et en calcul mental que son grand-père, mais pour la semaine prochaine, elle a un gros travail de français sur un texte, un paragraphe argumenté à faire en histoire, un contrôle sur les chromosomes, une œuvre pour l’histoire des arts à préparer, un dialogue d’anglais à enregistrer, des recherches en espagnol, un DM de maths sur Thalès. Elle vient de finir de lire Le Grand Maulnes et est assez fière de son projet de portail électrique télécommandé de technologie… Dans sa classe se côtoient des élèves de 14 ans qui ne se côtoyaient pas de mon temps ou du temps de mon père ; apprentissage, seconde professionnelle ou seconde générale, l’orientation est aussi différente que le sont nos élèves.

Je n’ai « que » 20 ans de carrière et en prenant le temps de la réflexion et du souvenir, je ne suis pas atteint par le syndrome du « bon vieux temps »… ou pas encore. En tout cas, il faudra que j’essaie de comparer ce qui est comparable. Pas si simple tant la perception de notre scolarité est personnelle. En quelque sorte, nous nous fabriquons chacun notre « bon vieux temps ».

Hervé, prof de SVT. Il y a tout ce qu’il faut dans le jardin pour faire cours.

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