boîte à chaussures

Professeur de français depuis 7 ans (argh !), mon objectif premier a toujours été d’avoir des élèves contents de venir à mon cours (et non en soufflant ou en traînant la patte). Faire entrer toute la classe dans ma salle C203 est un défi quotidien, parce que D. est à l’infirmerie, S. est aux toilettes, R. s’est fait larguer, L. s’est pris la tête avec le prof du cours précédent… Quand ils sont tous là, il faut détourner leur attention du téléphone portable (fléau du manque de concentration des élèves : « OMG M.a répondu à mon SMS, faut que je réponde tout de suiiiiite »). Ceci étant fait, comment faire en sorte que nos chères têtes blondes (brunes, rousses, couleur violette étrange ou rasées à la Beckham) soient captivées par notre cours ?

Imaginez la détresse du prof qui aimerait que tous ses élèves soient des lecteurs passionnés et qui se retrouve dès la rentrée avec 27 fiches personnelles sur 29 disant « J’aime aucune sorte de livre parce que j’aime pas lire. » Donc objectif n° 2 : que mes élèves AIMENT lire ou, du moins, qu’ils lisent plus de la moitié d’un livre. Quel professeur de français ne s’est jamais exaspéré devant un « J’prends c’ui-là, c’est le plus petit ! Ok, tu es en 5e, et tu veux prendre un livre pour les CE1… ? »

Depuis toujours, j’essaie d’innover et de tester différents moyens de rendre leur lecture personnelle cursive. Après avoir testé le carnet de bord (comme un journal intime de lecture, mais pour ceux qui n’aiment pas écrire, ça reste peu efficace), la chronique radio ou télé (mais pour les timides, c’est compliqué de passer devant tous les camarades), le contrôle de lecture (sous toutes ses formes, mais quel intérêt de mettre un 3/20 à un élève qui va être conforté dans son idée que la lecture, c’est de la m…., puisqu’il se récolte une sale note)…

Alors, l’année dernière, un collègue de musique m’a parlé de ses boîtes à chaussures. Mais qu’est-ce donc que cela ? Eh bien une boîte à chaussures est, pour moi, le meilleur support que j’ai trouvé jusqu’à maintenant pour leur faire rendre compte d’une lecture. En plus, comme je suis une fan d’escarpins l’idée m’a tout de suite plu…

L’année dernière, il m’a parlé de ses boîtes à chaussures. Mais qu’est-ce donc que cela ? Eh bien une boîte à chaussures c’est, pour moi, le meilleur support que j’ai trouvé jusqu’à maintenant pour leur faire rendre compte d’une lecture.

Donc, chers collègues de français ou de langues, ou instit’, voici l’idée principale : les élèves lisent un livre et doivent représenter dans une boîte à chaussures l’histoire ou un épisode qui les a marqués. Ensuite, ils doivent présenter leur création à la classe, expliquer leur boîte à chaussures. Ils doivent donc non seulement faire preuve de créativité (et mon dieu que de bonnes surprises !) mais aussi être capables de parler de l’œuvre et de justifier leurs choix en donnant des arguments.

Du coup, même les “cancres” se prennent au jeu et rendent un travail qui leur apporte la fierté et la joie d’être allés au bout de quelque chose. Évidemment, certains ne jouent pas le jeu, mais bon, tant pis pour eux, ils passent à côté d’un 20/20… Honnêtement, il y en a peut-être 2-3 dans la classe qui ne présenteront pas de boîte. Même si au début certains ne sont pas très chauds, ils changent d’avis en voyant le travail de leurs camarades et espèrent présenter une boîte encore plus ingénieuse ! Évidemment, certaines boîtes sont moins belles que d’autres, moins esthétiques, moins travaillées, mais on s’en fiche, car si un élève qui n’a pas lu depuis x temps se donne la peine de faire quelque chose, on est content, non ?

Et pour nous, professeurs, c’est tout bénef’ :
1. On passe tous un bon moment.
2. On est stupéfait de l’inventivité de certaines boîtes qui deviennent de vraies petites œuvres d’art (une boîte à chaussures transformée en pianocktail pour L’Écume des jours, une autre décorée de quatre petites saynètes synthétisant le roman Jane Eyre).
3. On n’a pas de correction à faire à la maison ! La note est mise en direct live depuis la salle de classe.
4. On aide un ado, qui manque de confiance en lui, à retrouver un peu d’estime lorsqu’il est applaudi par ses camarades et son professeur. Et ça, ça n’a pas de prix ! Quant aux meilleurs élèves, ils ne sont pas lésés, car ils veulent prouver leur excellence et font des réalisations exceptionnelles.

Et comme les images en disent plus qu’une longue chronique, voici quelques créations.

boîtes à chaussures

Vous l’aurez compris, la boîte à chaussures est à tester d’urgence !

 

26 réponses

  1. J’habite en Allemagne, et mon fils qui était en 2ème classe (Ce1), devait présenter son livre avec une boite à chaussures décorée. Les présentations orales ont beaucoup d’importance ici, et cette boite aide l’enfant à être plus à l’aise lors de la présentation. L’enfant aime préparé sa boite, et de voir les autres boîtes leur donne envie de lire d’autres livres (il y a eut beaucoup d’échanges de livres suite aux présentations).

  2. Encore quelques idées dans ce genre : faire une affiche de film expliquée à la classe ; une sorte de bande-annonce ; une bande-dessinée sur une partie du livre (j’ai eu des manga fantastiques !) ; une mise en scène théâtrale…
    Cela dit, malheureusement ce type de retour ne nous garantit pas que le livre a vraiment été lu (la 4° de couverture ou un résumé pouvant souvent suffire…) Alors on préfère fermer les yeux et les encourager dans leur début d’investissement ?

  3. Curieux, toute la citation de Winnicott a sauté ! la voici :
    « L’adolescent est essentiellement un isolé. […]
    Les jeunes adolescents sont des isolés rassemblés, qui s’efforcent par divers moyens de former un agrégat en adoptant une identité de goûts. Ils peuvent se grouper s’ils sont attaqués en tant que groupe, mais c’est là une organisation paranoïde en réaction à l’attaque ; si la persécution cesse, les individus redeviennent un agrégat d’isolés. « 

  4. Mais non, surtout ne pas faire de scolaire, ne pas faire d’interdisciplinarité, ne pas donner de consignes trop rigides, ne pas… et puis, si vous la faîtes à deux cette boite, tant mieux, et tant pis pour celui qui profite de l’autre, au fond de lui, il saura qu’il aurait pu la faire seule… Quant à l’aversion de la lecture, ma chère Amélie qui me manque tant, elle est normale, et non agressive si on y pense bien. Il y a d’autres sujets qu’ils abandonnent en quittant l’école primaire : le cirque par exemple. Ils ne sont plus que 1% à y aller adolescents. En revanche, la musique, ils en usent et abusent, pour la bonne raison que c’est une pratique sociale ! la lecture isole l’adolescent qui est déjà suffisamment isolé en lui-même :

    <>. C’est d’un génie, Winnicott, dans « agressivité, culpabilité et réparation ». Pour la plupart, lire les renvoie à eux-mêmes, qu’ils ne comprennent pas beaucoup. Tu as donc raison, il faut leur laisser le temps, et faire en sorte qu’ils ne soient pas écœurés de la lecture car on a essayé de leur en faire lire au mauvais moment. En leur faisant faire des boites à chaussure, tu leur permets de sublimer… Surtout, ne pas en faire de matière scolaire, ça exclurait ceux qui en ont peur.

  5. J’ai aussi essayé les « boîtes à poèmes » : une boite pour un poète : une courte biographie du poète dessus et à l’intérieur, des extraits de poème associés à des objets évoqués dans le poème. Une séance est consacrée à faire tourner et évaluer les boîtes, dans une sorte de « concours » : les groupes attribuent une « note aux boîtes et celle qui obtient le plus de bonnes notes a gagné ! Là aussi, ils sont amenés à lire les poèmes, à choisir leurs préférés, à trouver un objet, une image auxquels les associer. Un chouette projet, présenté au CDI également.
    Geneviève

  6. Idée superbe… piquée au cours d’arts plastiques. 😉

    Vous trouverez aussi plein d’idées superbes du côté des sciences et des techniques : c’est bourré de rêve et de créativité là aussi (les scientifiques SONT des poètes et le langage scientifique est magnifique de précision), sans parler des petites installations à réaliser, décrire et présenter à l’oral et des modes d’emploi à rédiger.

    Libérer les émotions, donner de la place au rêve et à la créativité de l’élève… :
    Vous avez d’autres exemples d’activités de langue dans les cours de FLE (français langue étrangère). Vous y trouverez plein d’idées ludiques pour libérer la créativité de vos élèves et les faire écrire et lire dans la joie et la bonne humeur voire une franche hilarité en employant un lexique ou des structures grammaticales précis.

    D’autres concepteurs se sont penchés sur les dyslexiques et leurs idées sont excellentes aussi : lecture piégée (faire lire à l’envers, faire lire un mot sur deux, une ligne sur deux, remplacer telle lettre par telle autre et organiser des concours dans la classe), reconstituer des textes lacunaires, créer une histoire en mélangeant trois autres (articles de presse, contes)… Cela peut paraître très éloigné du cours de français, en réalité c’est juste un détour qui permet de mobiliser les neurones mais aussi (et surtout?) d’éloigner l’angoisse et l’ennui : ce que vous appelez « le manque de confiance en soi. » (notion bien pratique pour ne surtout pas regarder l’ENNUI du cours de français en face.)

    J’aide à l’occasion mes petits voisins à faire leurs devoirs et je suis atterrée par l’ennui des phrases de leurs exercices de grammaire, des phrases ennuyeuses ou négatives qui présentent la vie comme une horreur… Jamais un truc marrant, parfois des jeux d’enfants mais jamais de rires d’enfants (verbe rire mis au ban) : l’élève de 6 ans doit comprendre et bien assimiler le fait que l’école va l’emmerder et que la vie va lui peser. Lourd, très lourd.

    Lisez donc les manuels de lecture et de grammaire du Primaire, faites 3 colonnes : colonne « La vie est chiante » (royaume des devoirs pénibles et des punitions), colonne « On va bien se marrer » (royaume des arts et des sciences, de la fête et des amis) et au milieu, une colonne neutre : « Calme plat, ennui » (royaume des morts vivants).
    Si après ça vous ne comprenez toujours pas les commentaires de vos élèves de 5e à la bibliothèque… :
    « Je n’aime aucun livre car je n’aime pas lire. »

  7. J’utilise le principe de la boîte à lecture depuis quelques années (une ou deux fois par an, car c’est un travail très long pour les élèves, si l’on veut que la boîte soit réussie) et il est très porteur (notamment en 6ème sur les contes et les mythes: j’ai un souvenir ému de boîtes interactives dans lesquelles il fallait représenter l’avant et l’après de la métamorphose dans une « Métamorphose » d’Ovide au choix). Il permet à des élèves peu à l’aise avec l’écrit de se révéler et en a réconcilié certains avec la lecture et carrément le français (j’ai des dyslexiques qui ont réussi à s’exprimer de manière bluffante et ça leur a donné confiance pour le reste de l’année). Cela leur permet de s’approprier vraiment l’œuvre.

    Je leur demande que la boîte soit comme une porte ouverte sur leur cerveau : représenter une image qu’ils ont en tête et choisir les matériaux (j’encourage la récup et permets toutes sortes d’effets visant à stimuler les sens y compris utilisant de l’électricité) et les couleurs de manière à faire ressentir au mieux leurs propres émotions à la personne qui regarde leur boîte (pas forcément à chaussures d’ailleurs). A l’oral, ils devront être capable d’expliquer la construction de leur boîte et leurs choix esthétiques.
    C’est un travail qui peut être un peu flou pour les élèves ou les parents, je leur distribue donc une méthode précise avec des critères de réussite et une photo en exemple.
    Je l’organise l’oral comme un vernissage, pour que ce soit un moment festif. La prestation orale est rendue moins intimidante du fait qu’elle soit médiatisée par l’objet. Les autres ont toujours de nombreuses questions à poser sur la réalisation de la boîte. On constate souvent que les accidents et les impossibilités matérielles ont été fécondes et ont débouché sur des idées très créatives astucieuses: on peut ainsi parler du processus créatif et du travail à partir de l’erreur, transposable aux activités d’écrit.
    Les quelques élèves qui ont moins bien travaillé sur leur boîte sont rapidement frustrés en voyant les merveilles des autres et s’investissent davantage la fois d’après. Quant aux boîtes, elles décorent agréablement la classe, ou le CDI, pendant quelques semaines.

    Pour les grincheux évoqués dans le commentaire précédent par David, je leur répond d’abord que l’interdisciplinarité est plutôt un bienfait : le dialogue entre le français est les arts plastiques est souvent d’une grande richesse. Qu’en français, nous devons travailler de toute façon sur l’image et sa composition, ainsi que sur son rapport avec le texte. Et que cela reste du français tout ce qu’il y a de plus classique puisque nous travaillons sur la lecture, sa compréhension, sur la sélection d’une scène marquante pour en rendre compte, que l’élève s’interroge sur ses émotions et sur comment les faire passer (cela travaille sur l’abstraction), et bien sûr, il y a la pratique de l’oral, avec un vrai partage dans la classe.

    1. Quel magnifique projet !
      Est-ce que,Agathe, cela te dérangerait de partager tes consignes ? Je suis vraiment très intéressée par ce projet.
      J’ai cherché une formation pour cette année en lecture cursive mais il n’y en a pas ;-(

  8. Et en plus, toutes ces boites font de très jolies expos au CDI. Parce que quand c’est beau, ça donne envie. Et l’envie de lire, c’est quelque chose… Passeur de livre, c’est un beau rôle, pour un élève !

  9. Bonjour, je trouve l’idée très bonne! Je suis très enthousiaste à l’idée de tester cette boîte-fiche-de-lecture avec mes élèves de cinquième. Quitte à demander un coup de pouce à l’enseignante d’art plastique! Merci pour cet article.

  10. Sympa!
    En fait…vous faites de l’Arts Plastiques 🙂
    C’est vrai que mettre les élèves en réussite en passant par une pratique créative n’est pas dans l’adn de votre discipline. Vous risquez de vous attirez les foudres de certains grincheux.

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