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 Gaz de schiste : une bouffée de bonheur dans un monde de brut

Les énergies fossiles non conventionnelles sont un exemple très actuel et transversal pour aborder différents chapitres de manière un peu plus originale et montrer les liens qui unissent les sciences, leurs applications technologiques et leurs conséquences que ce soit environnementales ou sociétales. Bref, une entrée dans tous les thèmes du socle commun, rien que ça…

Ce que je vous propose, c’est une réflexion qui peut servir d’entrée en matière sur un chapitre (en situation déclenchante par exemple) ou bien dans un travail davantage axé sur la recherche, ou encore en ouverture à la fin d’un thème que l’on pourrait prolonger par un débat. Vous pouvez aussi simplement grappiller quelques idées ça et là.

Au collège, cela peut par exemple s’intégrer, en Physique-Chimie pour les 4èmes,  dans la partie sur « Les combustions : qu’est-ce que brûler ? », ou venir en développement de la partie sur les « énergies mises en œuvre » en technologie (lorsqu’il s’agira de parler de véhicules à essence).

En SVT, on pourra bien sûr l’utiliser dans la partie sur la responsabilité humaine en termes d’environnement traitée en 3ème, mais aussi dans les parties « La question de l’énergie » ainsi que « La sécurité et les risques majeurs » en 5ème. En histoire-géographie, on pourra s’en servir pour évoquer « Les territoires dans la mondialisation » en 4ème.

Au lycée, que ce soit en seconde ou bien en 1eS en SVT il y a de multiples utilisations possibles et elles peuvent faire l’objet d’un travail transversal avec l’histoire-géographie en 2nde, sans compter l’ECJS (en débat) ou les MPS (sur la partie gestion des risques liés aux activités humaines).

 

Une ressource énergétique : L’exemple du gaz de schiste  

Il n’est pas question ici de reprendre à mon compte le mauvais jeu de mots qu’un député a pu faire par inadvertance il y a quelque temps (il est vrai que l’expression est périlleuse).

Non, il s’agit plutôt de s’intéresser au poids que peut avoir le gaz de schiste dans les relations internationales.

En effet, on observe aujourd’hui quelques changements notables dans les équilibres mondiaux :

Les USA renouent le dialogue avec l’Iran, et commencent à prendre leurs distances avec l’Arabie Saoudite (réputée il est vrai pour ses financements aux djihadistes de tout poil).

La Russie se voit par ailleurs obligée de prendre part aux négociations de paix en Ukraine (avec certes une bonne dose de mauvaise foi).

Oui, la face du monde semble changer… Mais quel est le rapport avec le gaz de schiste ?

Le site Planète Énergies , une source d’information intéressante sur le sujet, en donne cette définition : « Les gaz de schiste (ou shale gas) sont situés dans des roches sédimentaires argileuses enfouies à de grandes profondeurs, qui constituent à la fois la roche mère et le réservoir de ces gaz. La très faible perméabilité de ces roches nécessite l’adaptation des techniques d’extraction pétrolière : fracturation, puits horizontaux… »

Pour faire simple, imaginez une éponge dont vous voudriez récupérer l’eau sans pouvoir la presser. Vous pouvez y planter un couteau (c’est l’équivalent d’un puits de pétrole classique), vous ne récolterez pas grand-chose… Il faudrait donc des centaines de coup de couteau et on pourrait ajouter des produits pour dissoudre l’éponge : c’est l’idée de la fracturation

On fracture les roches grâce à un liquide injecté à forte pression. Ce dernier contient de plus des adjuvants spécifiques pour dissoudre la roche (comme des acides) ou d’autres pour empêcher que les cassures ne se referment (comme du sable ou des billes). Mais ce n’est pas tout, comme les couches qui renferment ces gaz sont souvent horizontales, il faudrait que votre couteau se torde arrivé au milieu de l’éponge pour continuer son trajet à plat. Impossible ? Pas avec les nouvelles techniques d’extraction : les forages horizontaux permettent de changer la direction de l’exploration en profondeur (jusqu’à un angle de 90°).

Le schéma ci-dessous illustre bien ce procédé :

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Ce gaz a permis aux États-Unis de diminuer de manière importante leur consommation de pétrole dans leurs centrales électriques en les convertissant au gaz de schiste… Ainsi ils sont devenus les premiers producteurs mondiaux de gaz  et ça change tout…

L’augmentation de la consommation de gaz observable aux USA se retrouve d’ailleurs à l’échelle mondiale. Jetez un œil sur cette infographie pour en savoir plus.

Bref vous l’avez compris, même si les gaz de schiste sont très rentables pour les USA, il n’est pas simple de les extraire. C’est pour cela qu’ils sont considérés comme des gisements non conventionnels. Mais ils ne sont pas seuls en cause dans les bouleversements énergétiques actuels, d’autres gisements non conventionnels sont impliqués : les sables bitumineux (ou bitumeux, ça marche aussi, pour ceux qui ont du mal pour la prononciation).

Imaginez que vous ayez effectué la vidange de votre voiture au-dessus d’un bac à sable. Pour avoir à nouveau de quoi amuser les enfants, il n’y a pas grand-chose à faire d’autre que de changer le sable. Ici, l’idée n’est pas d’avoir un sable propre, mais de récupérer le plus possible de bitume (un corps noir et visqueux) dans les sables.

C’est au Venezuela et en Alberta (Canada) que se trouvent les plus grandes réserves connues. Les bitumes canadiens étant très épais, il faut soit extraire les sables (si la couche est peu profonde ; c’est alors une mine à ciel ouvert) soit creuser des puits et injecter de la vapeur pour liquéfier le bitume.

Pour un peu plus d’infos, vous pouvez lire cet article.

Mais c’est du bitume, pas du pétrole ! Pour les Indiens de l’Athabasca, c’est très pratique pour étanchéifier les canoës, mais pas pour faire rouler une voiture…

Il faut donc effectuer un raffinage plus complexeet donc bien plus coûteux – que pour le pétrole. Avec une petite animation, c’est peut-être plus clair.

Finalement, le Canada est devenu le premier fournisseur de pétrole des USA (devant l’Arabie Saoudite) ET ça change tout…

Car l’économie américaine est construite sur un modèle d’hyperconsommation (plus courtois que le terme « gaspillage ») : ce sont ainsi les plus gros consommateurs de pétrole (presque 20 % du pétrole dans le monde), alors qu’ils n’en produisent pas la moitié (seulement 10 %).

Pour voir la consommation des différents pays dans le monde, cliquez ici . Concernant sa production, c’est par .

 Résumons : Un pays très dépendant au pétrole (un « oil addict »), découvre de grosses réserves de gaz chez lui et d’importantes réserves de pétrole chez son voisin. Dans la réalité, on a donc des États-Unis beaucoup moins dépendants des pays du Golfe, pas celui où l’on parcourt de belles pelouses bien tondues à la recherche de sa petite balle blanche. Non, il s’agit bien des pays de l’O.P.E.P (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole).

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Et tout cela est en train de donner naissance à un nouvel équilibre mondial…

 

Eh bien, cela ne vous a sûrement pas échappé, comme le montre l’infographie ci-dessous, le prix du pétrole est en train de chuter :

Le divorce avec les pays de l’O.P.E.P s’est passé en douceur, ces derniers ne sont plus en position de force avec l’Amérique, ils ont donc (pour faire bonne figure) consenti une baisse importante du prix du baril de pétrole pour mettre à genoux la Russie dont les principales exportations sont le pétrole et le gaz (et ça marche !).

Pendant ce temps, l’Ukraine tente de diminuer sa dépendance énergétique avec la Russie en diminuant sa consommation de gaz.

Oui vraiment, Poutine peut voir l’avenir en noir (un noir épais et visqueux comme le bitume du Canada).

Bon, c’est vrai que le prix du pétrole s’avère un peu plus complexe que ça (c’est bien expliqué dans ce décryptage), mais pour simplifier, il a suffi aux pays producteurs de pétrole d’en fournir plus que d’habitude.

Si les USA ne sont plus dépendants de l’Arabie Saoudite, ils ne sont plus obligés d’isoler politiquement l’ennemi héréditaire de ces derniers, l’Iran. Ils peuvent à nouveau renouer un vrai dialogue. De là à s’entendre ? On verra ce que l’avenir nous réserve.

Je passe sur la montée de certains pays émergents (comme le Venezuela), mais on comprend bien que le changement est en route et qu’il se construit sur ces nouvelles énergies fossiles dites non conventionnelles.

Elles ont pu émerger pour deux raisons : des progrès technologiques évidemment, mais aussi un prix du pétrole si fort qu’elles sont devenues rentables à extraire (un paradoxe qui me fait dire que, quelque part, l’O.P.E.P s’est tiré une balle dans le pied en maintenant élevés les prix du baril.)

Mais tout n’est pas rose (ou devrais-je dire noir ?) au pays du gaz de schiste.

Tout d’abord, comme le postulent certains géologues américains (Pazek et ses collègues), la fin d’une telle ressource serait plus précoce que prévue avec un maximum de production atteint en 2020 avant de chuter sévèrement…

Ensuite, il ne faut pas nier que les technologies actuellement mises en œuvre aux États-Unis sont très néfastes pour l’environnement et pour les habitants de ces régions.

L’extraction du gaz de schiste n’est pas très bien contrôlée et une partie du méthane et des adjuvants de fracturation s’échappent dans les nappes phréatiques, rendant l’eau impropre à la consommation (au moins, on peut divertir ses amis en enflammant son verre d’eau…).

Des puits doivent être creusés à intervalles très (trop) réguliers. Un joli quadrillage qui défigure (un peu) le paysage.

De nouvelles technologies moins polluantes (car n’utilisant pas de produits de fracturation) sont en train de voir le jour, mais il reste un problème majeur à surmonter : contrôler la fracturation afin que du méthane ne s’échappe.

Et pour les sables bitumeux, c’est pas mieux :

Les mines à ciel ouvert qui s’étendent sur de grandes surfaces défigurent un temps le paysage (la terre superficielle dégagée en premier sera par la suite réentendue à la surface) et la forêt boréale… ce qui perturbe la faune et la flore.

Cela nécessite aussi de grandes quantités d’eau et d’électricité pour produire la vapeur dans les puits d’extraction.

Sans parler du raffinage, plus complexe et qui nécessite aussi plus d’énergie.

Oui, si la paix gagne le monde grâce (entre autres) au développement de nouvelles sources d’énergie, cela se fait aux dépens de l’environnement L’avenir semble plus radieux si l’on arrive à s’extraire des énergies fossiles, mais cela reste un vaste chantier…

Damien THOMAS (éternel optimiste, même s’il voit l’avenir en noir pour le pétrole).

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