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Depuis ce matin, je m’interroge. Pas sur mes objectifs, pas sur ma pédagogie, quoi que ! Mais non, pas depuis ce matin car quelque chose prend déjà toute la place dans ma tête. Alors, la pédagogie, ce sera pour demain. Que s’est-il donc passé ? Qui ou qu’est-ce qui peut bien me préoccuper, voire me perturber autant ?

Non, ce n’est pas Jules, un de mes 4°B. Eh oui, ça aurait largement pu être lui. Mais ce n’est pas le cas. C’est un garçon charmant tant qu’on lui apporte ou qu’on lui donne ce qu’il souhaite, ce qu’il veut. Ben oui, « Les cours avec vous, Madame, c’est nul ! Moi, je veux aller avec M. Smith. Ou alors, je veux faire autre chose. Je sais pas moi… Inventer une histoire. »

« Eh bien alors, vas-y. Invente une histoire ! »

Il a donc pondu un truc en trois lignes, en français parce qu’il le voulait, avec tous les temps parce qu’il en avait envie. Et écrit en 5 minutes parce qu’il en avait décidé ainsi. Pendant ce temps-là, les autres terminaient de rédiger le PowerPoint sur une invention qui révolutionnerait la vie sur Terre tout en respectant ou améliorant la protection de l’environnement. Car c’est notre thème depuis quelques semaines dans cette classe de 4° anglais. Mais ça non plus, il n’aime pas.
Je l’ai mis à travailler tout seul car il a été absent à plusieurs reprises. Je ne voulais pas qu’il se greffe sur un groupe. Il était donc plus libre de faire ce qu’il voulait. Il a dû faire un truc super me direz-vous ! Eh bien non ! Même des élèves au niveau plutôt juste, ont trouvé cela très médiocre.

Étape suivante : il me fallait l’évaluer. Eh oui, il est très peu présent (stage, intégration en enseignement adapté, il a aussi été malade ce trimestre). Je voulais au départ l’évaluer comme les autres mais je n’allais tout de même pas le mettre en échec. Il fallait donc que je modifie mes critères, sauf qu’une fois que j’eus enlevé la correction grammaticale, la richesse du vocabulaire, le respect des consignes (fonctions grammaticales, thème respecté), l’attractivité du support, l’originalité et l’intelligence de l’invention (parce que là aussi, c’était médiocre), il ne restait plus rien. J’ai donc décidé d’adapter ma pédagogie à un individu parce que c’est mon rôle en tant que professeur du XXIe siècle. Sauf que là, ce fut pire : je n’avais pas de critères… Ou si, des critères où les notes ou mêmes les couleurs seraient les mêmes que dans la 1re version !

Nouveau réajustement : je décide de ne pas l’évaluer. Je ne veux pas que ce soit une évaluation sanction. Il sera donc N.N. (pour non noté) car je me dis que de toute façon, il partira en fin de 4e vers une autre filière, plus adaptée pour lui, comme la prépa pro. Sauf que non ! Avec le dossier qu’il a… comme on dit. Sachant qu’il n’est pas en mesure de suivre une 3e générale ! Ah ! Ça se complique. Puis, ce midi, il est pris entre 4 yeux avec le professeur principal et moi-même car j’ai fait un rapport, long comme le bras, soit dit en passant. Il se fait sermonner, remonter les bretelles. 13 h 57 : ça sonne. Chacun doit reprendre son rôle. On a l’impression de ne pas avoir fini la tâche commencée. Mais on ne peut pas laisser les autres élèves (sous la pluie, de surcroît) pour un seul.

Pourquoi suis-je si chamboulée ? Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à me concentrer sur ce cours de cet après-midi ? Oui, super, j’ai fait mon boulot avec Jules : cours, rapport d’incident. Mais il y a comme un goût amer dans cette journée.
À la fois, je me dis que j’ai fait tout mon possible pour lui aujourd’hui. Et en même temps, j’ai délaissé tout le reste de la classe pour lui. Mon questionnement va au-delà du cas de cet élève. Certains diraient : pourquoi ne le laisses-tu pas au fond s’il te fiche la paix ? Eh bien oui pourquoi est-ce que je ne ferais pas cela demain ? Pourquoi est-ce que je n’achèterais pas la paix sociale demain, tiens ? Pour mon confort ? D’autant que quand je ne lui dis rien, il ne dérange personne, ne perturbe pas le cours et le travail des autres !.. Oui mais non !..

La paix sociale, ce n’est pas mon truc. Il faudra juste que je trouve une solution pour que cela empiète moins sur le cours, sur ma disponibilité aux autres élèves, sur mon self-control pour le reste de la journée.
Parce que je veux garder la force d’y croire encore pour lui aujourd’hui, et pour d’autres comme lui demain…

Une chronique de Kristen

6 réponses

  1. Bonjour,
    je suis prof de Lettre en lycée professionnel et ce genre de profil élève est mon quotidien…
    élève décrocheur, en perte de repère et de confiance en lui… et donc, qui met en place de nombreuses stratégies d’évitement.
    Nous avons dans nos référentielles, pour les élève de CAP, ce qu’on appelle une « épreuve d’écriture longue ». Il s’agit de redonner confiance en les capacités de l’élèves et lui montrer qu’un texte doit être retravailler pour s’améliorer, et surtout qu’ils sont loin d’être bête… le seul problème et qu’ils manques de clefs et que les questions syntaxiques et grammaticales sont de véritables inhibiteurs !

    Voilà comment ça se déroule :
    1er temps : sujet d’écriture et travail de l’élève.
    le sujet est relevé et l’enseignant lui donne des consignes de remédiation. ça peut-être des consignes purement grammatical, même si c’est pas le plus pertinent pour stimuler l’imagination de l’élève… ou encore des listes de suggestion de mot, adjectifs, émotion… Le problème avec ses élèves est qu’ils n’arrivent pas à créer d’images mentales indispensable pour nourrir un texte…

    2ème temps : réécriture du texte par l’élève en suivant les consignes de réécriture de l’enseignant…

    3ème temps : écriture du texte de l’élève sur traitement de texte, ce qui lui permet de voir plus facilement où sont ces fautes d’orthographe, etc…

    le travail est noté à la fin de cette troisième étape et la note tiens compte de l’évolution du travail de l’élève.
    Vous pouvez retrouver toute les explication sur le lien suivant :
    http://pedagogie.ac-montpellier.fr/disciplines/lp_ensgen/lplettreshistoire/lettres/examsfr/defeprfr/index.htm
    ou éduscol…
    Voilà, j’espère vous avoir aidé un peu !

    Bon courage !

    1. Non, je n’ai pas trouvé de solution. Le problème est en fait très complexe. Il faudrait aussi pouvoir faire adhérer les parents à l’avenir de leur enfant.

    1. Non, je n’ai pas de solution. Même la classe ne l’apprécie plus ! Il faut réfléchir encore.

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