Un vieux serpent de mer remis au goût du jour depuis quelque temps avec les longues réflexions sur la réforme du collège est l’ennui qui expliquerait, selon beaucoup de discours médiatiques peu impliqués dans le quotidien de l’enseignement, l’absence de motivation d’un grand nombre d’élèves et la situation d’échec dans laquelle ils se trouvent parfois… La monotonie due à la répétitivité des tâches, l’absence de nouveauté et d’originalité génèrent une absence de stimulation à l’origine du sentiment d’ennui. Mais alors, qu’en est-il de cette perception chez les élèves ? Absence de diversité des activités pédagogiques ? Monotonie ? Absence d’originalité ?

ennui

 

Petite réflexion en deux temps pour tenter d’expliquer ce ressenti et peut être d’en partager davantage les causes.

L’ennui dû à une répétitivité des tâches s’expliquerait par une absence de diversité pédagogique. Or, depuis quelques décennies, que ce soit dans les formations d’enseignants ou les ressources disponibles, cette diversité est au centre des préoccupations : si l’on regarde les activités que nous réalisons sur l’ensemble d’une année, force est de constater que la diversité est l’une des considérations majeures que nous prenons en compte lorsque nous concevons nos séquences de cours et TP. En sciences, par exemple, domaine dans lequel j’interviens, autour de chaque séance est prévue une activité méthodologique mettant en œuvre des outils, logiciels, méthodes qui n’existaient pas autrefois : des microscopes aux résolutions proches de ceux utilisés dans les labos, dont les observations peuvent être photographiées puis intégrées dans des documents informatiques ; des logiciels permettant de visualiser des molécules en 3D, de comparer des séquences de gènes, de simuler des expériences autrefois seulement décrites ou schématisées dans des livres ; des logiciels de cartographie permettant d’abordes la géographie ou la géologie sous des aspects concrets (Google Earth par ex.) ; des jeux pédagogiques qui reproduisent de façon ludique des situations professionnelles ou de la vie courante (quelques liens à la fin), etc.

Aucune raison de s’ennuyer à priori. Certes, les budgets ne permettent pas toujours d’avoir dans tous les domaines le matériel adapté, mais globalement, on a progressé sur ce point.

La réforme du collège prévoit des activités pédagogiques : les professeurs devront prendre sur leur temps de cours pour mettre en place les EPI, enseignements pratiques interdisciplinaires où deux professeurs de disciplines différentes interviendront en classe pour mener des « projets concrets » sur un thème transversal impliquant au moins deux matières ; à partir de la cinquième, deux EPI par collégien de façon à avoir étudié six thématiques différentes à l’issue de la troisième ! L’occasion de diversifier des pratiques et de motiver davantage les élèves ?

Je sais que les avis sur ce sujet sont très partagés et donc que je ne lirai pas que des avis convergents… mais force est de constater que le cloisonnement des disciplines ne peut constituer seul le contenu de l’enseignement : préparer des élèves à la vie professionnelle implique de leur faire percevoir aussi les interactions entre les différents domaines. Aucun technicien ou ingénieur ne travaille sur un projet sans associer au moins deux domaines (chimie/biologie, maths/physique, langue/histoire, etc.). Travailler des disciplines dans un projet commun, là où elles étaient jusqu’ici entièrement cloisonnées,  me semble une idée intéressante à condition que cela soit mené de façon conjointe par les enseignants concernés et donc que des plages de réunions, mise en commun, etc., inclues dans un service d’enseignant, soient prévues !?!

Cela ne peut se résumer à une rapide discussion à la récré, à la cantine, ou en se croisant dans un couloir le soir avant d’attraper un bus.

Ce type de travail envisagé au collège ressemble fortement aux TPE du lycée, or le recul que l’on a montre la difficulté de leur mise en œuvre avec certains élèves, mais aussi des réussites lorsque les élèves sont réellement motivés par leur sujet interdisciplinaire ; dans ce cas, on ne constate pas un « nivellement par le bas », mais bien un projet pensé et abouti.

Cela me ramène sur le deuxième temps de ma réflexion : la motivation !

Sans motivation, réaliser un TPE ou un EPI, pas plus que travailler dans une discipline cloisonnée n’est efficace. Or, l’un des problèmes majeurs auquel nous sommes confrontés est l’absence de motivation de beaucoup de nos élèves ! Lacunes antérieures, absence de projet d’orientation, difficultés extrascolaires, ennui, etc., font que les résultats et le niveau de certains d’entre eux restent insuffisants. Partir d’un sujet plus général qu’une simple discipline permettra peut être d’éveiller l’intérêt de certains élèves et de les motiver davantage dans leur travail !? Pas tous, bien sûr, mais aucune solution n’est universelle. J’ai eu il y a quelques années un élève de terminale S qui s’ennuyait depuis la seconde : il voulait être… boulanger, mais la pression parentale l’avait fortement poussé vers une voie plus « royale ». Le seul élément de motivation qui semblait l’inciter à aller jusqu’à l’épreuve fatidique du mois de juin était la possibilité de faire une formation de boulanger après le Bac ( !!) sous la forme d’un BTS, sachant que les notions générales qu’il aurait acquises pendant sa scolarité qu’il qualifiait d’inutiles lui permettraient d’être plus performant lorsqu’il s’agirait d’ouvrir sa propre entreprise – ce qu’il avait comme projet. Un argument un peu maigre, mais que dire à ce type d’élève pour lequel une filière Bac pro/BTS aurait été bien plus appropriée. Le seul moment de sa scolarité où il a fait preuve d’une très forte motivation est son TPE de 1°S où il avait choisi de travailler sur deux disciplines, la chimie et la SVT pour étudier,… la fermentation ! Un peu de levure dans de la farine et de l’eau et une question à se poser en lien direct avec son centre d’intérêt, tout en apprenant à travailler de façon scientifiquement rigoureuse pour observer des levures, réaliser une fermentation « in vitro », rédiger un compte-rendu d’expériences, etc., c’est à dire, mettre en œuvre les contenus et méthodes attendus au Bac S. Je pense réellement que la possibilité de travailler sur des projets croisant deux types de contenus et de méthodes peut être à la fois une source de motivation, et, en éveillant davantage l’intérêt, permettre de surmonter l’ennui. Maintenant, soyons vigilants pour que cette évolution de l’enseignement soit effectivement envisagée dans ce sens.

Quelques liens vers des jeux pédagogiques :

Ou encore un lien vers l’article « Le pour et le contre des enseignements pratiques interdisciplinaires » dans  20 Minutes.

Une chronique d’Eric Legrand

Une réponse

  1. Et si l’ennui pouvait être également combattu en créant des dispositifs de tutorat entre élèves ? L’émulation collective initiée par des challenges que se créent les élèves entre eux est souvent un moteur pour surmonter ses difficultés et donc l’ennui généré par une incompréhension des cours… Chez Kappa-bilis, on y croit dur comme fer ! (www.kappa-bilis.com)

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