Papa à plein temps pendant les vacances, j’ai écumé parcs et piscines m’amusant comme mes mômes, essuyant aussi larmes et caprices… Assis sur un banc ou au bord de l’eau, je me réjouis toujours de la facilité qu’ont les enfants à s’amuser ensemble, aisance qui tranche souvent avec la retenue des parents attentifs à leur progéniture ou plongés dans l’écran de leur smartphone. Réunis par le hasard et le désir de jouer, les enfants qui ne se connaissent ni d’Eve ni d’Adam se courent après, répètent les mêmes jeux frénétiquement, échangent, osent et grandissent avec l’autre. En Italie, un de ce moment estival m’a particulièrement marqué.

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Dans le vieux port de Gênes rénové dans les années 1990 par l’architecte Renzo Piano, une Cité des enfants a pris place dans d’anciens entrepôts à coton. Avec nos deux bambins de 3 et 5 ans, la halte était prévue et attendue. Dans l’esprit du parc de la Villette, la Citta dei Bambini est une structure construite à l’échelle des enfants et dédiée au jeu, à la science et à la technologie. Dans l’espace réservé aux 3-5 ans, une activité appelée « Moi et les autres » a aimanté les minots principalement italiens ou français. L’objectif est de bâtir une maison en briques : apprentis maçons, ingénieurs, inspecteurs des travaux finis, chacun prend place dans ce chantier de jeunesse européenne. Très vite, les enfants comprennent qu’ils ont besoin des autres pour avancer. Pour piloter la grue, décharger la marchandise, positionner les briques, travailler seul devient vite fastidieux et ennuyant. D’eux-mêmes, des enfants se mettent à coopérer, à agir ensemble pour bâtir une maison en commun. Bien sûr, la mayonnaise ne prenait pas entre tous les constructeurs en herbe mais on voyait des petits groupes se former puis se dissoudre aussi rapidement.

Mais coopérer ce n’est pas donné à tout le monde… Dans le lot, il y a avait aussi les solitaires qui tirent fierté d’un travail accompli dont le mérite ne revient qu’à eux, les destructeurs qui prennent un malin plaisir à rayer de la carte la frêle construction de leurs congénères et les girouettes qui volent d’une activité à une autre sans arriver à se poser vraiment. En observant les enfants (inter)agir, j’ai vite été renvoyé au fonctionnement de ma classe. Depuis plusieurs années, je me tourne vers une pédagogie coopérative et j’ai organisé ma salle pour favoriser la mutualisation et l’échange entre les élèves. J’ai constitué des îlots et pensé mes activités pour un travail collectif à l’écrit comme à l’oral. Dans cette configuration, j’aime accompagner les élèves dans la quête des savoirs mais il y a aussi des limites. En juin, j’ai profité de la fin d’année pour faire le point sur ce dispositif de classe : sur papier, beaucoup m’ont livré le plaisir qu’ils avaient eu à trouver de l’aide dans leur groupe. A contrario, d’autres regrettaient une disposition traditionnelle plus propice à la concentration et au travail individuel. De mon côté, si je sentais des élèves en difficulté plus à l’aise dans les îlots, j’ai aussi vu des groupes complétement inopérants.

Coopérer ce n’est pas donné à tout le monde parce qu’il faut apprendre à écouter pour laisser une place à l’autre, apprendre à s’affirmer pour faire passer ses idées. Surtout, les élèves doivent comprendre qu’atteindre l’objectif ne se résume pas à écrire sur un bout de cahier les bonnes réponses. La vraie réussite, c’est être capable de huiler la mécanique du groupe pour valoriser les compétences de chacun pour atteindre le but fixé par le professeur. Reconfigurer sa classe, penser les activités autrement permettent de différencier et de donner du sens aux apprentissages mais la mécanique de groupe n’est pas simple à mettre en place. Faut-il définir les groupes d’avance ? Laisser les élèves les constituer ? Chaque possibilité offre son lot d’avantages et d’inconvénients. Classe coopérative ou pas, le professeur se doit de ramener l’ordre dans un groupe comme le ferait un parent tirant l’oreille à son Attila de fils ravageant une fragile bicoque à la Cité des enfants. Et si des groupes dysfonctionnent, c’est que les individualités n’arrivent pas à s’unir pour réaliser la tâche collective qui a été confiée.

En y pensant bien, je n’ai jamais laissé de temps en début d’année pour que les élèves du groupe apprennent à se connaître et à identifier leurs forces et faiblesses. Je le ferai en septembre autour d’exercices simples et répétitifs (les repères spatiaux, des time-line, des quiz) pour souder le groupe tout en créant une émulation saine et positive dans la classe. Des exercices à faire et refaire parce que la répétition rassure et stimule : on y arrive mieux au fil du temps et une fois la confiance installée dans le groupe il sera plus simple de se frotter aux tâches complexes. Donner une identité au groupe (avec un personnage au programme par exemple) peut aussi être une piste pour créer de la cohésion et un sentiment d’appartenance.

Arrivederci et bonne rentrée à tous !

Une chronique d’EG

 

 

 

 

2 réponses

  1. Pour toutes vos questions, je vous annonce qu’un Memento sur les pratiques coopératives, s’inspirant grandement des ouvrages de SYLVAIN CONNAC (à acheter/faire acheter ; lire/faire lire), a été commandé par la DGESCO et devrait bientôt être consultable par tous les enseignants.

    Pour les francilien(ne)s des rencontres coopératives pour le 2nd degré seront organisées de manière informelles tous les 6 mois environ. Les premières (complètes) auront lieu le 14 novembre.

    Bien à vous

    MKF

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