Bonjour à tous,

Aujourd’hui je vous propose une chronique un peu plus légère, afin de faire retomber cette chape de plomb qui nous entoure depuis les événements du vendredi 13 novembre.

Cette chronique est un témoignage personnel, après 11 ans d’enseignement à l’école primaire, sur la place d’un homme dans cette belle profession. Vous allez découvrir la réalité d’être un homme dans l’Éducation nationale et en particulier au niveau primaire !

ducobuDans une précédente chronique je vous avais déjà parlé de l’inquiétante féminisation du métier d’enseignant (80 % de femmes dans le public et 93 % dans l’enseignement privé).

Non pas que les femmes puissent représenter un danger pour l’institution ou pour nos enfants, mais la faible mixité du corps professoral chez les tout-petits et moins petits de primaire pose un vrai problème.

Aujourd’hui, c’est sur ma place d’homme enseignant que je vais témoigner. Les difficultés d’appréhender sa place dans un milieu de plus en plus féminin, le rapport aux enfants qui est différent de celui d’une enseignante, la perception des parents, toutes ces choses imperceptibles au regard extérieur si vous ne les avez jamais vécues.

 

Un homme au milieu de 10 femmes en moyenne

Isolement

À première vue, vous vous dites : « Mais de quoi se plaint-il notre homme ? »

Entouré de toutes ses femmes, son « harem », il doit être soigné aux « petits oignons ».

Bon la réalité est, en de rares occasions, celle-ci, mais le plus souvent vous êtes un peu « à part ».

À moins de maîtriser parfaitement la psychologie féminine, certaines choses vous dépassent. Vous avez du mal à vous immiscer dans les discussions de bébé, couche-culotte, cuisine-pâtisserie, layette, poussées dentaires des nourrissons, dernières soldes et compagnie.

Avec mes collègues nous essayons donc de trouver des sujets de discussion plus sexo-compatibles, comme les vacances, les voyages, ou les sorties ciné.

J’ai aussi tendance à avoir un humour « plus gras », plus masculin, diront certains, que mes chères collègues féminines, et parfois ça ne passe pas trop ou plutôt ça ne fait pas mouche ^^

Constat : dans mon école nous sommes 13 enseignants. 10 femmes et 3 hommes, dont le chef d’établissement et un maître E (qui n’est dans l’école que 2 jours par semaine).

À cela, s’ajoutent 4 assistantes maternelle et trois « dames de cantine ». Nous sommes donc au final 2 hommes et demi pour 17 femmes. Non pas que j’envie les métiers quasi-exclusivement masculin, mais un peu plus de mixité ne ferait pas de mal quand même.

Nous avons beau exercer le même métier, nous n’en demeurons pas moins différents, avec de la sensibilité, de la psychologie et des personnalités dissemblables.

 

Le loup dans la bergerie, un homme avec des enfants ?

Concernant les enfants, c’est encore une autre histoire.

Pour beaucoup de mes élèves, je suis leur premier maître. Certains arrivent « terrifiés » d’autres « emballés ». Quoiqu’il en soit, c’est tout de suite différent pour eux aussi. Ils le vivent comme une expérience différente (pourtant enseignant et enseignante ont reçu la même formation, ont réussi le même concours, mais tout cela ne compte plus).

En début de carrière, je me rappelle avoir été plusieurs fois mal à l’aise par les demandes de « bisous » de mes élèves, ou encore les câlins (après chutes ou après grosses disputes avec les camarades) de certaines de mes élèves, même s’il s’agissait de simples étreintes. Encore aujourd’hui je tends à les éviter, car le rapport homme-enfant dans notre société actuelle est toujours teinté de suspicion et de raccourcis hasardeux.

Qui soupçonnerait ou regarderait de biais une maîtresse réconfortant un enfant en le serrant dans ses bras ? Pour un homme la question est tout de suite plus délicate et le terrain est glissant.

Même chose à la piscine où je gère le vestiaire commun des garçons, tandis que ma collègue gère le vestiaire commun des filles. Je reste dans l’encadrement de la porte (pour ne pas être en défaut de surveillance), mais la porte du vestiaire reste grande ouverte pour éviter toute situation problématique. Une maîtresse n’a pas cette nécessité…

Un homme doit donc être plus prudent, plus froid (à contrecoeur), limiter son empathie naturelle et se monter plus économe en gestes d’affection ou de réconfort, car la société véhicule cette image bien ancrée que l’enseignant de primaire est d’abord plus une maîtresse qu’un maître.ecole-maternelle

 

L’appellation même d’école maternelle est d’ailleurs un non-sens que je dénonce depuis mes débuts.Un homme ne peut-il pas se montrer maternel ? La garde et l’éducation des tout-petits n’est pourtant pas une exclusivité féminine. Ne pourrait-on pas l’appeler plutôt « école du premier âge » ou « école des débuts » (je suis ouvert à toutes vos propositions).

 

 

Vis à vis des parents, le maître, l’homme, le vrai…

Pour beaucoup de parents, le raccourci est vite trouvé, vous êtes le seul homme enseignant de l’école, donc vous êtes l’autorité. Comme si une femme ne pouvait en être dotée…

Bien malgré vous, vous récupérez donc certains des élèves les plus indisciplinés, car fort de votre autorité masculine vous saurez les « cadrer »et parce qu’ « avoir un homme lui fera du bien ».

Chaque fois que j’entends ce genre de phrase, j’ai envie de rire car je suis tout sauf un sergent-chef. Depuis plusieurs années je m’inscris dans une dynamique bienveillante, de discipline positive et de dialogue avec mes élèves. Je suis d’ailleurs beaucoup moins craint par les élèves que certaines de mes collègues féminines. Mais c’est un fait, les parents pensent qu’un homme tiendra mieux sa classe (à tort, car j’ai vu des professeurs stagiaires masculins dépassés tout autant, voir plus, que de jeunes enseignantes).

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Le constat se confirme d’ailleurs même au sein de l’institution, où l’on vient plus facilement chercher un homme pour être directeur ou chef d’établissement. Certains de mes amis s’étonnent même que je n’aspire pas à le devenir, ou que ce ne soit pas la carrière type d’un homme enseignant. « Après tu vas finir directeur, non ? Tu n’en as pas envie ? »

Je ne reviendrai pas sur le dénigrement de notre métier, ni sur le manque de reconnaissance de celui-ci dans les médias ou la société. Mais le manque cruel de candidats masculins n’est pas sans trouver ses origines dans cet état de fait.

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Bref, j’en appelle à vous jeunes hommes qui vous sentez encore assez motivés pour épouser cette belle profession. Candidatez, bossez et accrochez-vous. Après 11 ans, je crois encore en ce que ce métier peut apporter à la société, aux merveilleux échanges que je peux avoir avec mes élèves, à ces expériences que nous vivrons ensemble.

Mais avant de vous lancer, soyez-en sûrs, vous ne le vivrez pas de la même façon que vos futures collègues féminines

À bon entendeur !

Une chronique de Mathieu Quénée

Professeur des écoles, maître tuteur, auteur, ludologue

Site Blog de monsieur Mathieu NDL, page FB

Pour aller plus loin sur la question:

6 réponses

  1. Bonsoir à tous,
    Je confirme les propos de M. Mathieu, pas facile de bosser en primaire lorsqu’on est un homme. J’ai fini par fuir les conversations de mes collègues féminines sans parler de ces réunions à rallonge où la moindre décision prend un temps infini.
    Heureusement, je suis tombé dans une école à deux classes et j’ai UN collègue. Ca fait du bien…lol
    Cordialement.
    Alain.

  2. Bonjour Mathieu,
    C’est toujours avec un très grand plaisir que je lis tes chroniques.
    Instit, ludologue, tuteur, chroniqueur au PJP et papa d’un super garçon de 7ans . Mais les journées n’ont que 24 heures. Comment fais-tu pour concilier tout cela?
    A propos de la féminisation de notre métier, je prendrais des mesures radicales.
    Autant d’hommes que de femmes.

    Et ceci dans tous les secteurs.
    Dans les grandes surfaces, on ne voyait que des caissières ( pardon, des hôtesses de caisse ) et maintenant de nombreux hommes font ce métier )
    Conseil municipal, parité hommes femmes. Et c’est très bien.
    Pour gérer une commune, les femmes ont autant d’idées que les hommes.
    On rencontre de plus en plus de chauffeurs de cars femmes.
    Il faudrait autant d’hommes que de femmes dans des métiers comme policiers, gendarmes, pompiers…

    Les filles sont plus travailleuses que les garçons à l’école.
    Les garçons ne pensent qu’à jouer ou à faire les c…
    Certains métiers réservés aux hommes se féminisent et inversement.
    La différence tient parfois à l’effort physique et encore.
    Les « forts des halles « , peu de femmes.
    Les mineurs, peu ou pas de femmes.
    Dockers à Marseille, pas de femmes…
    Gynécos, quelques hommes.
    Sage-femmes, infirmiers…plus de femmes que d’homme.
    Généraux, que des hommes.

    Je dis souvent:
    << Si tous les généraux,dans le monde entier, étaient des femmes, il y aurai moins de guerres…

    Dans l'antiquité, les "amazones " étaient des guerrières redoutables.

    Monsieur Mathieu, encore merci pour la pertinence de votre chronique. Ecrivez-nous souvent.

    jacques san.

    1. « Gynécos, quelques hommes ? » Allez donc voir dans les pages jaunes de votre ville : la mienne, proportion de 10 hommes pour 4 femmes. Quand j’avais 20 ans, c’était à peu près 100% d’hommes.

      Quant aux métiers de force, les lois ont changé : en boulangerie les sacs de + de 25kg sont interdits.
      Alors que lorsque j’étais jeune, je soulevais des sacs de 50kg (j’en pesais 45) pour verser des graines dans un récipient (boulot agricole d’été chez un éleveur laitier). Je savais alors que je me bousillais mais heureusement je l’ai fait seulement 2 mois.

      Et puis passez quelques frontières, les voyages forment les instituteurs aussi : dans de nombreux pays on voit des femmes faire les métiers réputés d’hommes chez nous (les tâches agricoles les plus pénibles, faire des routes, graviers, asphalte etc, transporter dans des hottes de 40kg du gravier, du sable, des briques… en haut de montagnes pour des constructions de murs réalisés par des hommes (j’ai vu cela dans 2 pays complètement différents, l’un à l’est, l’autre à l’ouest de l’Asie), dans le 2nd la colonne de femmes minuscules (minorité ethnique) était fermée par un homme un long bâton à la main…

      Et pour d’autres métiers réputés masculins chez nous qui ne demandent pas de force spéciale mais du cran et de la précision, ce sont encore des femmes soit exclusivement (conduite de grues géantes : elles sont réputées plus précises, moins accidentogènes que les hommes en Chine) soit mêlées aux hommes (Les Chinois se fichent bien du sexe de qui travaille, ils visent l’efficacité ce sont des pragmatiques. Les métiers sont donc nettement moins « genrés » qu’ici. (Sauf évidemment comme partout sur cette chère petite planète les fonctions de chefs suprêmes.)

      Bonne journée.

  3. Que vous avez raison! Jeune enseignante,seulement 4 ans d’anciennete et que de femmes rencontrées… J’ai eu la chance d’enseigner dans une école ou la mixité était presque respectée et effectivement les  » conditions » de travail ne sont pas les mêmes. Certes il faut savoir apprécier les blagues grivoises mais les collègues hommes ont cette capacité, tout du moins ceux avec qui j’ai travaillé, à décrocher plus facilement et à zapper. Les pauses ont d’autres sujets que les pratiques pédagogiques ou le X qui a été encore infernal aujourd’hui. Et ça! Ça fait du bien! Merci messieurs!

    1. Je confirme : les conversations de femmes pendant les pauses n’ont pas pour sujet les bébés et leurs couches, mais les pratiques pédagogiques. Les femmes ne savent pas décrocher et c’est usant.
      Question : pourquoi ?
      Parce qu’elles sentent qu’elles doivent sans arrêt justifier leur présence dans les postes auparavant occupés par les hommes ?
      Parce qu’elles doivent sans arrêt prouver leur aptitude ?

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