Un entretien avec Marie Soulié

Harry Potter arrive à Poudlard

Le PJP à la rencontre des EPI, c’était inévitable ! Tiphaine, notre grand reporter, est allée au-devant de Marie Soulié elle-même partie Sur les traces de Harry Potter pour créer justement un Enseignement Pratique Interdisciplinaire. Genèse, étapes, échanges et organisation avec les collègues, objectifs identifiés pour le travail avec les élèves, etc., vous ne manquerez rien de cette aventure qui a l’art de délier les langues…

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LePetitJournaldesProfs : Racontez-nous la genèse de l’EPI Sur les traces de Harry Potter. Une fois que vous aviez décidé de travailler sur ce thème, que vous aviez trouvé une idée d’accroche, comment avez-vous croisé les disciplines ?

Marie Soulié : Pour commencer, je dirais que ce n’est pas tout à fait comme cela qu’il faudrait s’y prendre. Justement le risque avec les EPI est qu’il ne faut pas les concevoir comme les IDD, les Itinéraires de Découverte, qui existaient auparavant. On partait de la production finale, de l’idée donc, et on raccrochait les disciplines par la suite. On a constaté – c’est d’ailleurs pour ça que ce projet a été abandonné – que quelquefois les projets étaient inscrits dans les disciplines, alors que d’autres fois, des projets intéressants naissaient, mais dans lesquels on cherchait l’ancrage disciplinaire. Nous avons donc procédé différemment. Avec ma collègue (Aurore Coustalat, ndlr), nous nous sommes d’abord dit qu’il serait intéressant d’arriver à croiser nos deux matières, l’anglais et le français.

La première étape de travail a cependant été individuelle : pendant quelques semaines, nous nous sommes penchées toutes les deux sur nos propres programmes. Nous y avons trouvé des pistes de croisements, qui nous ont quand même été fournies. Cette démarche nous a obligées à entreprendre quelque chose que nous n’avions jamais accompli – du moins, personnellement, c’est quelque chose que je n’avais jamais encore fait – : lire les programmes des autres disciplines.

À partir de cette recherche, nous avons fixé les compétences sur lesquelles nous voulions travailler. Pour résumer, je voulais évidemment me centrer sur l’écriture, et Aurore (Coustalat, ndlr) surtout sur l’oral.

Ensuite seulement, nous avons construit le projet. Nous n’avons pas décidé d’un seul coup de travailler sur Harry Potter, au contraire. Nous avons basculé dans Harry car je voulais créer un EPI avec mes 5e et souhaitais vraiment traiter la description. À partir du concept de description d’un lieu, nous avons eu l’idée d’utiliser Google Street View, puis nous avons pensé qu’immerger les enfants dans un endroit précis à Londres serait bénéfique. Nous avons découvert, sur Google Street View, le Chemin de Traverse recréé dans les studios de la Warner, et c’est comme cela que nous avons trouvé notre accroche.

PJP : Comment avez-vous procédé pour découper le projet en étapes avec votre collègue ? Avez-vous fait un brainstorming commun puis divisé les étapes en fonction des compétences que vous vouliez travailler ?

Marie Soulié : Nous avons réfléchi chacune de notre côté, en construisant un tableau qui regroupait les différents points que nous voulions travailler. À partir de là, nous avons commencé à nous projeter. Comme je vous l’ai dit, nous sommes parties de Google Street View. Puis, tout de suite, nous avons eu le désir d’inventer une simulation globale, c’est-à-dire d’immerger les élèves dans un univers du début à la fin, afin qu’ils aient vraiment un rôle à jouer dans cette aventure, comme des acteurs ou des personnages. Immédiatement, l’idée de parcours, de mission, s’est greffée à cette réflexion.

Nous avons alors joué une sorte de partie de ping-pong : je lançais une idée, elle la récupérait, certaines missions regroupaient des points de croisement, d’autres, au contraires, se centraient sur des points en français ou en en anglais, mais toujours dans une démarche complémentaire. Surtout, nous ne perdions jamais de vue notre projet central.

PJP : Quelle sera l’objectif final de l’EPI Sur les traces de Harry Potter pour vos élèves ?

Marie Soulié : Entre le moment où j’ai posté l’EPI sur PLUS et ce qu’il est devenu aujourd’hui, il a déjà évolué. La professeure d’EPS m’a dit qu’elle adorait le Quidditch et qu’elle souhaitait mettre en pratique dans son cours les règles du jeu que les enfants inventeraient en anglais, en modélisant le terrain, en le mesurant. L’enseignante de mathématiques est aussi intervenue pour rejoindre le projet, parce que le thème des hologrammes lui plaisait beaucoup, afin de faire fabriquer des pyramides inversées aux élèves.

Pour la mission finale de l’EPI, nous avons envie d’organiser une visite de notre Poudlard à nous, au sein du collège. L’idée est de recréer l’épisode de l’intégration des maisons, avec la fameuse cérémonie du chapeau. Toutes les missions qui amènent à cette étape finale seront stockées dans une salle, que nous transformerons en Poudlard. Nous souhaitons faire venir les parents, pour qu’ils puissent voir le résultat de tout ça : il y aura des hologrammes (dont le fameux chapeau, que nous ferons parler), des portraits animés qui, une fois accrochés au mur, vont bouger… Ce jour-là, nous organiserons aussi un grand concours de Quidditch, dans la cours de recréation, avec des balais.

PJP : Tout cela a du vous demander beaucoup de créativité ?

Marie Soulié : Oui, les programmes ont été notre base de travail, mais une fois que nous avons pioché dedans, la créativité de chacune est entrée en jeu. Je crois que les EPI sont des espaces de créativité, cela fait du bien. Ce projet nous a donc amenées à mêler nos imaginaires, qui étaient un peu différents.

Cela s’est avéré très intéressant parce que, tout en restant ancrées dans des objectifs scolaires, nous nous sommes tout de même rendu compte que les EPI étaient des projets complètement ouverts : nous étions complétement libres, nous faisions ce que nous voulions. C’était formidable, de pouvoir s’associer avec n’importe quelle discipline, sans limites.

Le seul frein, peut-être, se trouvait dans la mise en production des élèves. En effet, nous devions tenir compte des contraintes matérielles et financières. Si cela ne tenait qu’à nous, nous aimerions amener les enfants à Londres, dans l’univers d’Harry Potter.

PJP : Pour finir, envisagez-vous de partager ce travail avec d’autres collègues ?

Marie Soulié : J’aimerais que les gens puissent me contacter, me dire ce qu’ils ont fait avec notre point de départ. Ce qui me plaît dans ces projets, c’est la possibilité d’échanger. On s’enrichit des propositions des autres. Cela m’intéresserait de savoir, si notre projet a été repris quelque part, comment nos autres collègues ont fait pour gérer ce travail.

Une interview de Marie Soulié par Tiphaine Carton

… et si vous n’avez pas encore rendu visite à notre plateforme d’EPI, c’est ici !

EPI

4 réponses

  1. Commentaire 2
    Enfin…chacun aura compris qu’après mon Commentaire 1, je ne pouvais pas proposer ce jeu de mots négatif parmi les précédents plus constructifs :

    EPI quoi ? (déformation phonétique de « ET PUIS quoi encore » ?), protestation de lassitude d’enseignants sommés de faire autrement sans avoir été éclairés sur les possibilités, parce que trop habitués à reproduire, selon la formation initiale imparfaite d’une époque qui disparaît et qui se révèle donc aujourd’hui inadaptée pour répondre à l’urgent besoin de sens.

  2. D’abord jouons avec les sigles, voulez-vous ?
    EPI de blé mûr, grains à semer, ou à moudre pour du bon pain ?
    EPI de blé aux grains serrés, solidaires, fraternels, promesse de lendemains paisibles.
    EPI-NE dans nos pieds, nous empêchant d’avancer ?
    EPI-NE dans nos mains, comme un poil, nous empêchant de de participer-contribuer ?
    Car chacun entend dans un sigle l’écho de ce qu’il ressent.

    Puis soyons davantage sérieux, le voulez-vous aussi ?
    Si j’en juge par le souhait et l’appel de Marie Soulié, dans sa communication du projet réalisé et intitulé « Sur les traces de Harry Potter », l’EPI présente l’avantage de l’échange pédagogique pour dégager des critères communs et des idées à refaire fructifier dans des variantes infinies, ou ce qui est maintenant possible (grâce aux TICE) : une banque de données, du travail contributif et collaboratif. Et cela jusqu’à faire le l’Inspection académique l’accompagnateur et le garant supérieur (et non plus un prescripteur-censeur) dans cette dynamique réellement démocratique, puisqu’elle est impulsée depuis le terrain, d’un collège vers d’autres établissements ; dans une dynamique républicaine puisqu’elle part de l’expérimentation pour manifester des compétences acquises par ceux qui deviennent véritablement des Maîtres (qui maîtrisent ! Hé ! Hé !), le tout prouvant l’autorité de l’équipe des enseignants ou la valeur de leur projet.
    Pour soutenir son inventivité, que Marie Soulié sache que j’avais un projet très semblable avec mes 5èmes, projet dont je ne montais pas toujours la séquence dans les mêmes logiques de découverte et d’apprentissage (déduction ou induction ; recherche puis restitution ou imagination puis vérification ; enquête ou interview ; texte ou art…), séquence que je ne segmentais pas toujours sur les mêmes activités (manuelle, d’expérimentation, d’écriture, d’illustration, avec ou sans TICE) ni les mêmes modalités (travail individuel ou de groupe ; chez soi ou en atelier / délais ou étapes dirigées ; résultats : grand oral avec ou sans spectacle , avec ou sans exposition, ou publication dans le journal scolaire, une journée « portes ouvertes », une manifestation culturelle).
    En conséquence cette expérience qui est la mienne m’empêche de confirmer le sens unique que Marie Soulié fixe pour construire une séquence de PPD-IDD. Parce qu’enfin, dans ces dispositifs pédagogiques, il était déjà possible de procéder comme elle l’a fait dans son EPI.
    Relevons au passage ce paradoxe que l’on pardonne à Marie Soulié, en face de l’enthousiasme et du désir de partager qu’elle exprime : cette dernière reconnaît la grande liberté pédagogique ainsi gagnée mais sans avoir compris qu’elle était justement autant encouragée par les trois dispositifs cités dans le paragraphe précédent.
    Donc se demander plutôt pourquoi le Ministère change fréquemment les noms des dispositifs inter- et pluri- disciplinaires et voir que c’est pour faire croire qu’il entend et réoriente la réforme, ce qui signifie qu’il ne lâchera pas la réforme parce qu’elle est nécessaire pour ouvrir les disciplines et les croiser, dans un monde maintenant partout interconnectable et de plus en plus interconnecté.
    Et surtout s’interroger sur soi, en tant qu’enseignant refusant de s’impliquer dans un EPI ou tardant à tester ce qu’il permet de faire, notamment de voir ce qui est transférable parmi les expériences acquises d’une séquence à une autre, d’un dispositif à un autre (des cours à l’EPI ; de l’EPI aux cours). Afin d’acquérir une vision d’ensemble du métier, par celle du travail ainsi fait, au-delà des dogmes et des théories académiques qui paralysent l’imaginaire des enseignants.
    La communication de Marie Soulié soulève indirectement une fois de plus cette question : jusques à quand durera ce dialogue de sourds très destructeur entre d’une part décideurs des réformes et agents audacieux innovants et d’autre part une majorité d’agents passéistes, dénigreurs ou férocement résistants ?

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