Toujours en vacances

Rien de tel qu’un titre lapidaire pour accrocher le lecteur, les grands journaux en raffolent. On savait depuis plusieurs décennies que les enseignants n’avaient pas bonne presse auprès des gens du privé. Il est loin le temps où l’instituteur était un notable respecté. Le professeur, aujourd’hui, incarne aux yeux de ses concitoyens la quintessence de l’inaction, une sangsue, un assisté. Pour beaucoup, l’enseignant est comme un transistor qui n’a que deux états : en vacances ou bientôt en vacances.

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Cela pourrait prêter à sourire si les gens qui tenaient ce discours étaient lointains ; ça l’est moins quand il s’agit de votre voisin, de votre famille, de votre direction. Ne parlons pas ici des gens persuadés que les fonctionnaires enseignants ne paient pas d’impôts dans la mesure où c’est le Trésor public qui les rémunère. Loin de moi l’idée de regretter le temps passé, mais juste le temps d’une chronique de donner mon point de vue. En outre, je précise que cet écrit n’est qu’une fiction, et que toute ressemblance avec des personnages ou des lieux existants ne serait que pure coïncidence ; les situations décrites relèvent de la seule imagination de leur auteur.

Capricieux, fainéant et râleur

Vous l’aurez compris, il en faut beaucoup pour s’étonner de nos jours. Depuis que l’on a la certitude que la Terre est ronde, on peut accepter les avis les plus farfelus de tous ceux qui, un jour, sont passés par l’école. En accueillant toujours plus de monde, cette vénérable institution a aussi généré beaucoup de frustrations, de regards négatifs. Tout le monde a son avis sur l’école en France car tout le monde y est passé un jour. L’école de masse présente sans doute des aspects perfectibles et le contribuable a raison de demander des comptes sur la dépense publique. Le mépris pour tout un corps de métier demeure moins compréhensible à mes yeux. La nouveauté, que l’on constate à regret au quotidien, c’est le rejet de ceux-là même qui évoluent avec les enseignants. Celui qui dispense la connaissance, le savoir, la méthode, ou essaie, se voit affubler de tous les maux par ses propres partenaires. Du proviseur à ses adjoints, en passant par le gestionnaire qui se fait appeler « monsieur le secrétaire général », le professeur est perçu comme un capricieux, fainéant, toujours prompt à se plaindre.

Une scène cocasse se déroule entre le gestionnaire d’un établissement et un jeune stagiaire aux études scientifiques brillantes. Le comptable s’étonne, sans se cacher, du choix fait par ce jeune stagiaire d’embrasser une carrière d’enseignant. Avec de tels diplômes, pourquoi pas le privé et des rémunérations prometteuses ou au moins, dans l’Éducation nationale, les métiers de direction ? Et de conclure « Mais prof !!! » Il y a dans ces mots et cette intonation une gifle incroyable pour toute une profession.

Chacun pour soi

Quand un serviteur du savoir a l’outrecuidance de vouloir autant de chaises que d’élèves dans une salle dans laquelle il officie, on le renvoie de bureau en bureau avec un air de dédain qui cache à peine le mépris : pourquoi cet assisté ne va-t-il pas dépouiller une autre salle pour satisfaire sa demande ? Nous assistons aujourd’hui à une inversion. Dans une école, le cœur du métier n’est plus l’enseignement. L’administration a une vraie mission, elle, qui l’occupe jusque tard dans la nuit, comme n’hésite pas à le signaler cet adjoint en mentionnant l’heure de ses mails à presque minuit. Entendez ici, pendant que l’enseignant bulle en pensant à ses prochaines vacances, la direction se préoccupe du cœur du métier, la préparation des emplois du temps de ces nantis. Que les personnels du privé envient le statut de fonctionnaire, on peut l’apercevoir. Mais que des fonctionnaires entre eux se sabordent et rament dans des directions opposées, c’est plus surprenant.

Quitte à s’inspirer d’un management issu du secteur privé , pourquoi ne pas regarder ce qu’il se passe chez nos voisins allemands ou anglo-saxons : un recrutement interne des enseignants et leur participation à la gestion de l’établissement. Cela permettrait de prendre conscience des responsabilités de chacun, de travailler ensemble et non plus les uns contre les autres.

Une chronique d’Octave

3 réponses

  1. Puisque tout le monde, aujourd’hui, a passé au minimum 10 ans sur les bancs de l’école et souvent plus, tout le monde pourra trouver une bonne raison d’en vouloir à quelqu’un ou quelque chose, un mauvais souvenir, une critique à émettre, une rancune à exprimer… Est-ce la raison pour laquelle un enseignant reçoit tant de mépris? Question à se poser.

    De nos jours, l’école est ouverte à tous, mais elle ne construira pas que des érudits. Heureusement car la diversité est vitale. En France, certains considèrent les métiers intellectuels comme supérieurs et ils ont tort. J’espère que ceux qui n’ont pas brillé dans les études n’en veulent pas aux enseignants… ou bien serait-ce aussi ce mépris que l’enseignant reçoit?

    A moins que ce mépris ne trouve son origine dans la croyance que ce corps de métier profiterait d’un nombre plus important de jours de vacances ?

    Si tel est le cas, une campagne médiatique convaincante basée sur des faits, des témoignages, des observations de terrain rigoureuses et précises, suffirait pour rétablir la vérité.

    Mais rien ne bouge et nous reculons les uns contre les autres.

  2. Pour ma part, si on m’interpelle en me disant : « Alors, bientôt en vacances ? », je réponds:
    -« Je comptais sur toi pour me dire quand elles étaient. »
    -« Je vois que tu comptes plus les jours que moi. »
    -« Entre deux périodes de travail, il y a toujours une période de vacances. »
    -« Il faut bien des gens pour éduquer vos gosses. »
    -« Je te rappelle que nous préparons l’avenir de la nation. » (Dans certaines périodes, il vaut mieux éviter.)
    et bien sûr : « Pourquoi ne tentes-tu pas le concours ? » suivi de « Il y a de la place pour tout le monde. » ou « Si si, je suis sûre qu’ils voudraient bien de toi. »

    En fait, ça dépend des jours et des humeurs. Avec tout cela, on a le choix.
    Bonne soirée de travail, à ceux qui y sont encore !!

  3. Merci Octave pour ton coup de gueule !
    Mais le mot « management » (heureusement en italiques dans ton article), me donne des boutons ! A l’heure où l’on entend maintenant parler dans le privé de bien être et de santé au travail comme facteurs de performances, et où l’on découvre la bienveillance (on peut même prendre des cours ! si, si !!), on en est encore à l’EN effectivement au « management » de type entreprise ! Toujours à la remorque !!!
    Encore quelques années donc pour qu’on aménage dans nos établissement des espaces conviviaux, des espaces de détente, des salles de repas au calme (en dehors du ref ou de la salle des profs, s’entend), pour qu’on nous considère avec un peu plus de bienveillance plutôt que comme des tire au flanc, et qu’on prenne en compte aussi chez nous la réelle pénibilité du travail.
    Chers collègues, j’ai beaucoup d’estime et de respect pour vous et pour le travail que vous faites dans des conditions souvent difficiles, et pourtant j’évite toujours quand je peux de parler de notre métier !

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