Adapter pour les enfants à haut potentiel ?

C’est une question qui peut agacer. Nous aimerions croire que tous les élèves intellectuellement précoces (EIP) sont forcément doués, épanouis, et « s’en sortiront toujours car ils sont intelligents » : dans ce cas-là, la question ne se poserait pas en effet. Les enfants qui vont bien et qui souvent d’ailleurs ne sont pas « diagnostiqués précoces », n’ont vraisemblablement pas besoin de prise en compte particulière. Ils existent bien sûr, heureusement !

haut-potentiel
Mais parfois, l’EIP n’est pas scolairement doué et/ou personnellement épanoui. Penser qu’un QI élevé garantit le bien-être et la réussite scolaire serait comme imaginer qu’une personne de haute taille est forcément douée pour le basket. Aussi, les EIP peuvent faire partie des élèves à besoins éducatifs particuliers.
Il y a 40 ans, Jean-Charles TERRASSIER, psychologue et fondateur de l’ANPEIP  a mis en valeur les possibles « dyssynchronies » des enfants intellectuellement précoces. Depuis le rapport Delaubier en 2002, nous avons beaucoup progressé dans la prise en compte des EIP : en 2013, le ministère de l’Éducation Nationale a élaboré un livret : scolariser les enfants intellectuellement précoces.
Petit à petit, le cliché du surdoué obligatoirement « petit génie » a laissé place à des images plus diversifiées, à une pléiade de possibilités, et la prise en compte des EIP devient envisageable. Elle ne doit pas être systématique et il n’est pas question qu’elle soit une réponse à la seule demande des parents qui réclament parfois sans raison une différenciation en tendant le WISC de leur enfant : « Voilà le test, maintenant que va faire l’école pour mon enfant ? » Non ! Il ne s’agit pas non plus d’écouter tous les parents qui justifient les difficultés de leur enfant en affirmant un haut potentiel qui n’a jamais été décelé… Il est question de répondre à un besoin quand celui-ci se présente et d’y répondre avant que la situation ne se dégrade trop.

Quand proposer des aménagements ou adaptations à l’élève intellectuellement précoce ?

Quand l’enfant perd sa curiosité, qu’il ne parvient pas à s’adapter aux « normes » scolaires, quand il régresse, ou qu’il est très en avance, quand « il s’éteint » (phrase si souvent prononcée par les parents), quand il souffre de l’Ennui, qu’il ne travaille pas du tout, qu’il est malheureux avec les autres, quand il se rend malade (oui, ça existe !), alors il est nécessaire de chercher ce qui pourra l’aider à aller mieux.

Pourquoi une prise en compte singulière ?

Il arrive que l’enseignant ne puisse percevoir le malaise et il aura la sensation que tout va pour le mieux pour cet enfant, car celui-ci se sur-adapte. C’est plus fréquent chez les filles. (La femme doit être idéalement conforme, l’homme beaucoup moins !)  C’est à la maison que les signes d’alerte se manifesteront : réveil très difficile les jours d’école, mal au ventre, vomissements, pleurs, crises d’angoisse… pouvant aller jusqu’au refus scolaire anxieux. L’enfant à haut potentiel sera plus susceptible de développer une phobie scolaire qu’un autre enfant.

Dans les situations extrêmes, il est complexe de déterminer les causes du problème : l’école ou l’extérieur ? le haut potentiel ou un autre facteur ? Les raisons du malaise s’imbriquent et s’entremêlent. D’où la nécessité d’observer l’enfant de façon globale et de travailler ensemble pour mieux comprendre : parents, enseignants et accompagnants. Si les parents accusent l’école et que l’école accuse les parents, c’est l’impasse. En revanche, si tous tentent de comprendre l’enfant, si chacun appuie sur le bon levier, la situation s’améliore rapidement.

À l’inverse, il peut arriver que le souci se développe à l’école et pas à la maison. Ce qui ne signifie pas que l’école doit être seule à prendre en charge la difficulté : là-aussi, tous les acteurs qui entourent l’enfant sont concernés.

Hors normes

Il ne s’agit pas ici de victimiser les EIP : ils ont des capacités hors normes qui font leur force mais il arrive aussi qu’ils puissent manifester des faiblesses hors normes, même de façon temporaire, mais qui ne peuvent être niées. Reconnaître un problème, c’est déjà avancer vers une solution. Nous n’en sommes qu’à l’aube des recherches sur les fonctionnements du cerveau. Il reste beaucoup à apprendre sur les caractéristiques particulières des HP, DYS, TDAH… Mais en attendant, nous observons bien une proportion de troubles (de nombreux TDA/H notamment) chez les enfants diagnostiqués à Haut Potentiel qui semble paradoxale. Si la plupart des enfant à haut potentiel écrivent très bien, par exemple, ce sont les plus nombreux à consulter pour une difficulté d’écriture.

L’apprentissage des enfants à haut potentiel est souvent atypique, avec une dimension magique car ils ne passent pas par les étapes habituelles : comment expliquer qu’ils apprennent en majorité à lire avant le CP ? D’après le rapport Lire et Ecrire, à l’entrée au CP, 10 % des élèves savent quasiment déchiffrer alors que la moitié ne reconnaît pas plus de 2 mots familiers sur 35. L’écart est énorme. Par conséquent, la question du saut de classe si peu fréquent pose vraiment question. Comment conserver le goût d’apprendre quand on doit subir un apprentissage que l’on maîtrise déjà ?

Peu d’aménagements

Comme pour tous les enfants particuliers, trouver la juste dose d’aménagements ou d’adaptations est un défi. Le besoin évolue. Chaque élève est différent et une même caractéristique n’implique pas une prise en compte identique. Enfin, un excès d’aménagements peut nuire à l’élève comme à l’enseignant ! Pour les EIP, la différenciation ne dure en général que le temps du passage difficile. Juste le temps de remettre le pied à l’étrier. Même parfois quand un trouble des apprentissages est associé ! Car le haut potentiel apporte aussi une force pour s’adapter, pour compenser et pour contourner la difficulté. Pas dans tous les cas, pas tout le temps. Les efforts d’adaptation, de compensation peuvent devenir épuisants pour l’élève. Certains aménagements, comme l’utilisation de l’ordinateur, sont aussi destinés à être maintenus en général. Mais les adolescents qui ont besoin de s’identifier au groupe, ont plus de mal à accepter une différenciation qui les distingue. Surtout quand ils se sentent déjà en décalage ! N’est-il pas plus facile d’être « comme tout le monde » ?

Beaucoup de compréhension

Comprendre le fonctionnement unique d’un enfant, au-delà même de son potentiel ou de ses troubles, aide à porter un regard adapté et constructif.  Les possibilités d’aménagements et d’adaptations sont nombreuses et variées : du droit de lire quand l’enfant a terminé son travail à l’accélération du cursus, de la véritable différenciation qui permet d’enrichir et d’approfondir sans pour autant donner davantage de travail au simple regard compréhensif et bienveillant, si simple mais essentiel…  Si l’adulte ne comprend pas l’hypersensibilité par exemple, il pourra s’agacer. Comment accepter qu’un détail puisse provoquer un drame ? « Aïe ! J’ai un épine dans mon tee-shirt, ça fait mal ! » Alors on cherche l’épine et finalement, ce n’est qu’une étiquette ! C’est comme ça, la relation de cause à effet peut paraître démesurée, mais il est utile de le savoir : les étiquettes peuvent blesser !

 

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Pour en savoir plus :

Association ANPEIP

Association Phobie Scolaire

Que sais-je ? Les enfants intellectuellement précoces, Gabriel Walh

Accompagner l’enfant surdoué, Tessa Kieboom

Je suis précoce, mes profs vont bien, Elsa Autain-Pléros

100 idées pour accompagner les enfants à haut potentiel, Olivier Revol et Roberta Poulin

L’Enfant surdoué, Jeanne Siaud-Facchin

Les Tribulations d’un Petit Zèbre,  Alexandra Reynaud

Une chronique de Claire Nunn

12 réponses

  1. Que faire quand l’enseignant s’obstine à ignorer le mal être de mon enfant le perçoit comme un psychopathe « qui se pose en victime  » le rabaisse et met en place un PPRE sans médecin scolaire ni RASED, PPRE qui consiste à le mettre avec les CP pour l’acquisition de la lecture…bref j’ai tenté différentes approches il ne veut rien entendre et parle même d’un redoublement.mon fils ne fait plus rien à l’école (ce1) nous travaillons à la maison sur des cahiers de vacances CE2. Il ne dort plus le soir et traîne pour aller à l’école.

    1. Vous pouvez demander de l’aide au référent EIP du département ou de l’académie. En allant sur le site de l’académie, vous devriez pouvoir trouver son adresse mail et parfois son numéro de téléphone. N’hésitez pas à faire appel aux associations qui vous conseilleront au mieux. Le PPRE ne nécessite pas l’intervention du médecin scolaire ou du Rased. Est-ce que votre enfant a des difficultés de lecture ? Dans ce cas, un bilan orthophonique serait utile et vous permettra de savoir si la décision de l’enseignant est justifiée. Vous pouvez aussi demander à rencontrer le psychologue scolaire pour expliquer la situation mais sans avoir l’assurance d’être entendue. Bon courage.

  2. Mon fils à 15 ans, HP, en seconde où il s’effondre. Depuis la 6ième j’insiste parce que moi je constate que ma jolie bougie s’éteint et cette année elle est éteinte. Au lycée, les HP ne sont pas accompagnés si ils ne suivent pas ou si ils posent problème. Ils sont 32 par classe. Il pose des questions on ne lui répond pas, on dit qu’il est insolent et à côté on me dit qu’il fait ce qu’on lui dit, il me dit se contrôler chaque jour pour ne pas bouger et ne pas parler ( est ce une vie pour un ado?) il m’est répondu qu’il doit changer d’orientation, lui ce n’est pas son « rêve ». Alors ils se réfugie dans sa passion actuelle l’informatique, les jeux. Il ne dit plus rien et acquiesce à tout. alors je réfléchit sérieusement au cours à domicile. pourtant à 3 ans il ne comprenait pas les autres qui pleuraient en entrant à l’école. il leur a dit «  »nous allons apprendre plein de choses », maintenant il a des céphalées, mal au ventre…

  3. Bonjour je me permets de faire de la pub pour l’établissement dans lequel j’enseigne.
    Vous cherchez un établissement dans lequel votre enfant pourra s’épanouir tout en apprenant avec plaisir…
    Venez découvrir le seul établissement (école et collège) qui utilise la théorie des Intelligences Multiples pour les Enfants Intellectuellement Précoces (EIP).
    TIME 4 School ouvre ses portes ce samedi 25 mars de 14 heures à 18 heures.
    Cette journée est l’occasion de connaître la théorie des Intelligences Multiples lors d’une mini-conférence à 14 heures 30 puis de dialoguer avec les enseignants, les parents et les élèves pour mieux connaître notre fonctionnement.
    Ces échanges seront l’occasion de vérifier que notre établissement est l’école ou le collège qui convient le mieux à votre enfant.

    L’établissement se situe à

    Centre Saint-Exupéry
    18 rue Gabriel Peri
    91300 MASSY

    RER C et B : station Massy-Verrière
    Nos élèves ont pour la plupart connus la phobie scolaire.

  4. Mon mari et moi pensons que notre fille est EIP. Beaucoup de critères le montrent, et nous avons voulu en avoir le coeur net. Elle a refusé de répondre aux questions lorsque nous avons voulu la faire tester et ne veut pas que nous la fassions tester. Elle refuse sa différence et estime que la norme c’est elle, et que les autres n’ont pas reçu les clés, les codes pour penser et bien se comporter en société. Cependant elle est en souffrance car elle se fait moquer d’elle au collège à cause de sa culture. Elle est d’une timidité maladive que les enseignants ne prennent pas en compte malgré ce que je leur dis.

  5. Bonjour et merci pour ce regard… Nous avons un enfant HP âgé de 18 ans. Son parcours scolaire n a pas été simple… Une grande insatisfaction l a toujours tourmenté; en maternelle, il aspirait à lire; en primaire, il aspirait à son autonomie; en secondaire, il aspirait à sa passion qu était la physique… Arrivé à l université, il se voyait déjà chercheur avant même de réussir sa 1ère année. Il avait des étoiles dans les yeux, son rêve se réalisait enfin, il était comme un poisson dans l eau… Il réussit son 1er quadri, il était confiant, heureux… Au 2ème quadri, il se voit recaler à un examen, on ne lui laisse pas le temps de répondre… Il éprouve une grande déception qui mettra à néant tous ses rêves. Il remet tout notre système en question et refuse de se conformer. Aujourd’hui, il se prépare à partir, partir à la quête d un monde meilleur, d un monde plus équitable… En espérant de tout coeur qu’ il s épanouisse dans son projet, nous resterons toujours à ses côtés…

  6. Que de belles paroles ! Le HP de ma fille a été « ignoré » par certains enseignants, n’a pas été détecté par 2 psy sco. L’ignorance de certains pro de l’EN est flagrant… et nuisible. Le comportement de ma fille s’est dégradé au fil des années jusqu’à atteindre un niveau insupportable pour l’équipe éducative, qui n’a rien trouvé de mieux que de la déscolariser en interne les après-midis. C’était alors tellement plus simple de voir les « causes » dans la sphère privée (faites-la soigner votre fille !). Aucune remise en question, peu d’ouverture d’esprit. La seule formation demandée par une enseignante (après bilan neuropsy THQI) a été annulée faute de participants. La première démarche, avant toute chose, c’est de s’informer, et de faire un minimum confiance aux parents. Ensuite, il faut vraiment que l’EN bouge au niveau de la formation (des enseignants, et des psy sco).

  7. Connaissez-vous les recherches menées par Vincent Daronnat à ce sujet ? Il mène actuellement un projet de recherche en Sciences de l’Éducation dans le cadre d’une thèse de doctorat commencée en septembre 2016 intitulé « Classes laborieuses » et est actuellement à la recherche de financement pour continuer sa thèse et fournir ainsi des outils aux enseignants pour mieux comprendre ces élèves et intervenir au plus vite pour favoriser la réussite mais aussi le bien être de ces élèves dans les classes.
    Pour plus d’infos, vous pouvez découvrir son travail à l’adresse suivante : http://daronnatvincent.wixsite.com/classeslaborieuses et grâce à l’association ALFRED (http://alfredasso.wixsite.com/alfredasso/association-actions)

  8. Merci pour cet article. Personnellement, j’ai à la maison un EIP que je retrouve absolument dans tout ce qui est dit. Il a été testé mais a négligé le test parce que cela l’ennuyait et du coup, il n’est pas recevable. A la maison, ce n’est pas toujours très rose car en plus, se superpose la pré-adolescence. Depuis cette découverte, je ne regarde plus les enfants que j’ai en classe de la même manière. Et même s’il est vrai que certains diagnostiqués sautent des classes et le vivent plutôt bien, d’autres ont beaucoup plus de mal à trouver une place dans cette société où tout le monde doit être rangé dans une case et ne doit pas faire de vagues. Car à l’école d’aujourd’hui, où tout un chacun suit le même cursus, il est difficile pour ces enfants de trouver leur place. Triste constat qui ne tient pas compte de cela !

  9. Je ne suis pas d’accord avec le fait qu’il faille attendre que l’enfant « s’éteigne » avant d’intervenir ! Que de dégâts déjà causés à réparer à force de psy, quel mal à retrouver confiance en soi et en l’école quand on a souffert. C’est comme si on disait »j’attends que ma maison tombe en ruine avant de réparer!!! »

    1. Vous avez raison Delphine, il ne faut pas attendre, mais si on doit adapter au moindre signe d’alerte alors l’enseignant devra adapter pour chacun de ses élèves, (car chacun montre des signes de faiblesse à un moment donné,) ce qui n’est pas humainement possible. Et je n’ai pas écrit qu’il fallait attendre qu’il s’éteigne, ma liste n’est pas exhaustive mais j’ai cité de nombreux autres cas… La découverte du haut potentiel est souvent faite quand l’enfant va mal, « qu’il s’éteint ». Il est rare qu’on fasse un test quand tout va bien. Difficile d’intervenir avant de savoir donc, quand on n’a aucune idée de ce qui va mal. Savoir quand il faut s’inquiéter n’est pas évident. Parfois, il s’agit juste d’un coup de fatigue, d’un moment difficile mais passager. Ne rien faire peut être nuisible mais trop en faire aussi…

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