… ou l’épopée de la revendeuse de livres d’occasion

Au mois de mai, fais ce qu’il te plaît… Allez ménage de printemps, on vide ses armoires, et on fait des piles de livres qu’on ne lit plus. J’ai vu dans une grande enseigne que les livres d’occasion avaient la côte, la bonne affaire me dis-je, de l’espace ET de l’argent… Ni une ni deux, je remplis mon sac à dos de tous les livres que je trouve et pars en vélo, prête à tout, mais pas à ça…

…11 euros 20 en bons d’achat en échange de 10 livres en très bon état.

Comment en est-on arrivé là ?

Cet échange ne s’est d’ailleurs pas fait sans mal. Outre le poids de ces 30 livres, atlas et autres opuscules il a fallu trouver la bonne personne. C’est celle qui est à l’accueil mais qui aussi répond au téléphone, coache sa stagiaire et doit en en plus scanner un à un les livres ramenés. Et quand le scan ne donne rien, il lui faudra taper le code ISBN

Cette opération va prendre un certain temps…

Du coup, ceux qui attendent derrière, des accrocs du livre d’occas comme moi… me fusillent du regard au point que j’ai  la nuque qui chauffe… et se demandent pourquoi je n’ai pas pris rendez-vous.

Résultat des courses ? Il y a les livres non référencés (beaucoup en Anglais) en surnombre ou passés de mode.

Et voilà, 11 euros 20 pour des livres qui n’avaient pas de valeur en fait car ils ont accompagné ma vie de lectrice, de collégienne, de lycéenne, d’étudiante, de prof.

Ah oui des livres. J’en ai fait acheter pendant des années aux Secondes européennes et quoi qu’en on pense, l’achat de livres crée une fracture…

…pas numérique mais presque.

Y a ceux qui ne connaissent pas de librairie, qui n’ont pas de pieds, se sont cassés la jambe, qui n’ont pas d’ordi qui ne connaissent pas Ama… de vendeurs de livres en ligne, qui l’ont oublié, l’ont fait fondre, le lisent dans le désordre, vous proposent de vous confier leur argent pour aller l’acheter… j’en passe. Les excuses ne manquent pas. De la plus sérieuse à la plus idiote.

On lit plus en fait, mais moins dans les livres. Ils sont devenus hors de prix neufs, et ne valent rien à la revente.

On lit des emails, articles, magazines en ligne,  les posts sur Edmodo, on parcourt des dizaines de sites et on compare, on cogite…

Bien sûr ce n’est pas de la lecture suivie, ce n’est pas le plaisir et l’intensité de la prochaine page.

Les élèves lisent d’eux-mêmes des livres qu’ils choisissent pour leur plaisir chez eux, à leur rythme.

Il me semble que les élèves lisent d’ailleurs plus vite et j’ai plusieurs fois remarqué que des questions projetées posaient moins de problèmes que celles qu’on photocopiait.

J’aime les livres mais qui sait si l’élève aimera le livre que le professeur a choisi pour la classe, qu’il faut  lire en groupes, qui fait partie du programme ? Lire pour le plaisir ? Lire pour se souvenir ?

Ce livre imposé, il faudra coûte que coûte continuer à le lire, au fil des semaines et des mois de cours. Impossible de l’abandonner.

Pêle-mêle on a lu en Anglais :

The curious incident of the Dog in the nightime, Skellig, The absolutely true diary of a part time Indian, The Wave, from the mixed up files of Mrs Basil Frankweiler The N°1 ladies detective agency et Al Capone does my shirts et des tas de pièces de Shakespeare, des chapitres de Divergent, 1984, The Road, into the wild… et autres…

Il faut batailler pour lire en Anglais, car l’effort est certain et demande de la discipline.

Il faut par exemple tenir un journal de lecture.. On sépare le cahier en deux : à gauche pour les notes et à droite pour les dessins et la créativité.

Pendant les contrôles, on a le droit d’utiliser son cahier de lecture, ce qui encourage l’effort sur le long terme.

Lire est une aventure, un voyage, un moment unique. Pendant les séances de lecture en classe, on prend des photos, pour en garder une trace. On choisit un jour de lecture. On varie les exercices, on organise des débats radio, on fait des cafés littéraires.
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On progresse dans les chapitres, on suppose, on s’amuse, on invente.

Tout prend du sens quand on peut enfin rencontrer et s’entretenir avec l’auteur du livre que l’on lit, lui poser des questions, approfondir la réflexion.

Il arrive que des auteurs acceptent, gracieusement, de nous rencontrer et de nous parler. C’est le cas de Todd Strasser, l’auteur de La vague qui nous offre une heure de son temps par an. C’est son best-seller, une histoire de manipulation d’un professeur qui tourne mal. Les élèves persuadés qu’on ne pourrait leur laver le cerveau comme ce fut le cas en Allemagne dans les années 1930 se laissent submerger par un mouvement qui ressemble fort au nazisme.

C’est un moment unique. Les élèves ont préparé leurs questions et demandent, par exemple, d’où vient la magie de la création littéraire. Todd Strasser nous raconte comment il se concentre d’abord sur le milieu et la fin de l’histoire avant d’en écrire le début.

Il partage ses nouveaux projets et rassure les élèves quand il raconte que petit, il n’arrivait pas à lire et que c’est en engloutissant des cookies qu’il a petit à petit surmonté ses angoisses et parvenu à lire et à écrire.

Aujourd’hui il parcourt les lycées en Amérique pour expliquer aux élèves qu’il faut parfois de la patience.

J’adore les livres. Leur odeur, leur vécu. Je les emprunte à la bibliothèque municipale, oublie de les ramener, me surprends à aimer leurs cornes, les marques des lecteurs et leurs surprises.

Je me souviens avoir trouvé une note en Anglais qui mentionnait un nombre de marches et me suis demandée longtemps, sans jamais le découvrir,  le sens de ce petit papier froissé.

Quand, lassés d’essayer de les revendre, vous vous piquez de les libérer – vous le pouvez ! Il suffit d’aller sur ce site: http://www.bookcrossing.com/ et d’attendre d’avoir de leurs nouvelles. Les personnes chanceuses qui les trouvent et les emmènent, peuvent indiquer qu’ils ont trouvé vos livres et noter ce qu’ils en ont pensé.

C’est une forme d’autre vie pour les livres que vous avez assez lus.

Alors, comme il me restait 20 livres dans mon sac à dos dont personne ne voulait, je les ai donné pour 2 euros (le vendeur ambulant a insisté « pour un café ») au bouquiniste de la Vieille Bourse à Lille.

J’aurais dû aller le voir dès le début. Pas de code barre, pas de scanner, pas d’attente et l’impression d’avoir donné utile. Au moins, lui il aime les livres.

(voilà la Vieille Bourse l’été. Exit les joueurs d’échecs et les bouquinistes, place au tango)

Une chronique d’Amélie S

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