« Les cours d’histoire, ça sert à rien, c’est du passé, et le passé on s’en fiche car ce qui compte c’est le présent, et puis de toute façon les gens du passé sont morts, alors bon, voilà ! ».

De deux choses l’une. Soit vous vous la jouez Ken le Survivant (Kenshiro, le héros de Hokuto no Ken pour les puristes) et vous envoyez le poing de la Grande Ourse, Watatatatatata ! Soit vous prenez sur vous et vous déployez la réplique traditionnelle : « Vois-tu Henri-Kévin, l’histoire sert à comprendre le présent et à éviter de reproduire les erreurs du passé. » Le choix est difficile, hein ? Je vous conseille la première seconde solution quand même ! Oui mais pas n’importe comment.

On s’est tous rendu compte que cette réponse a peu de chance de faire sens. Les élèves, très souvent, ne voient pas le lien que l’on peut faire avec le présent. Ils pensent que le passé est figé et qu’il n’y a pas cinquante façons de voir les choses. En somme, ils adhéreraient à cent pour cent à la célèbre citation du Macbeth de Shakespeare : L’Histoire « est un récit conté par un idiot, plein de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien ». Mais bon, ils ne la connaissent pas (encore).

Un moyen simple de créer ce sens qui leur fait tant défaut est d’utiliser par exemple l’actualité. Comment comprendre le déboulonnage des statues des généraux sudistes aux États-Unis, le monument des Découvertes de Lisbonne tagué ou les tensions entre la Chine et Taïwan si on ne fait pas référence à l’Histoire ? Faire une accroche avec un document d’actualité conduit aisément à une problématique qui pour le coup aura du sens ! Enfin, nul besoin d’être exhaustif mais l’archéologie demeure toujours un bon moyen de montrer aux élèves que l’histoire est loin d’être fossilisée, et que dans chaque chantier de fouille il y a la possibilité de trouver des vestiges qui confirment ou infirment nos connaissances du moment. Ce qui, d’ailleurs, n’est pas sans poser des problèmes, comme à Thessalonique en Grèce où la construction d’un métro est à l’arrêt depuis 2008 après la mise au jour de vestiges byzantins… Si vous voulez creuser le sujet, en juillet 2019, Le Monde a publié une série d’articles intitulée « Le passé éclaire-t-il le présent ? ».

J’ai commencé la chronique en rapportant une ritournelle classique chez les élèves. Mais il en existe une plus pernicieuse, qui ne rôde jamais bien loin et qui se tient en embuscade :

« En fait si ! les cours d’histoire ça sert à regarder des films ! ».

Pas faux. MAIS attention aux raccourcis trop simplistes !

C’est vrai que nous, profs d’histoire-géo, entretenons une relation intime avec les films en particulier et les vidéos en général. Une vraie histoire d’amour ! Nous cherchons les meilleurs extraits afin d’en restituer la substantifique moelle aux élèves. Le JT, le Dessous des cartes (RIP Jean-Christophe Victor), L’effet papillon, les vidéos du monde.fr, et la liste est loin d’être exhaustive ! Nous connaissons des passages par cœur à force de les passer parce qu’ils s’intègrent parfaitement dans notre cours.

Petit florilège pour les connaisseurs ? :

« Citoyens ! J’arrive de Versailles ! Citoyens ! Le roi a renvoyé Necker ! C’est le signe d’une Saint-Barthélemy pour les patriotes !1 »,

« Il faut faire des économies ma bonne, comme nos paysans. Il ne faut pas tout boire.»,

« This is Sparta !3 »,

« Ils nous faudrait des canons sciés pour ces affaires-là !4 ».

Outre l’attractivité indéniable pour l’élève – même si ce n’est pas du TikTok -, un film est un excellent révélateur de l’opinion du réalisateur. La mise en scène, le jeu des acteurs, le cadrage sont autant d’éléments qu’il est possible d’analyser. Que l’on songe par exemple à la prise des Tuileries le 10 août 1792 dans Un peuple et son roi de Pierre Schoeller ou encore à la formidable campagne de recrutement de l’armée américaine avec Top Gun. Et lorsque l’on montre la bande originale de Wolf Warrior 2, ce n’est pas pour la qualité des effets spéciaux – bons au demeurant – mais parce qu’elle est révélatrice du soft power chinois. De même, utiliser Troie en 6e est intéressant, non pas pour voir le beau Brad Pitt torse nu – quoi que – mais dans l’optique d’une mise en miroir avec le texte d’Homère. Tout en travaillant ce document de référence – L’Iliade, hein ! – on comprend mieux les impératifs hollywoodiens. Le but n’est pas d’être fidèle à l’œuvre de l’Antiquité mais d’avoir une base sur laquelle le réalisateur vient greffer des effets spéciaux, des combats en veux-tu en voilà et des sentiments puissants. Et miracle ! les élèves les comprennent aussi !

Nous avons la chance de faire une matière où il est possible d’utiliser des documents attractifs pour les élèves et, qui plus est, porteurs de sens, on aurait tort de s’en priver. Et vous, quelles vidéos utilisez-vous en cours ?

 

NB : les références des citations filmiques pour vérifier si vous aviez bon !

1 : La Révolution française – Les années lumières de Robert Enrico (1989)

2 : Germinal de Claude Berri (1993)

3 : 300 de Zack Snyder (2007)

4 : Pulp Fiction de Quentin Tarantino (1994)

 

Une chronique de Boris Bettarel

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