Les petits ruisseaux font-ils les grandes rivières ?

     Les agents économiques les plus aisés, en s’enrichissant davantage, engendreraient simultanément des effets externes positifs sur l’économie du pays grâce à leur consommation, mais surtout aux investissements qu’ils engagent, si l’on croit en la théorie du “ruissellement”. Samuel Rosenman, conseiller juridique à la Maison Blanche durant la présidence de Franklin D. Roosevelt aux Etats-Unis, est à l’origine de cette théorie qui fait aujourd’hui partie du débat public en France.

Les plus riches sont-ils utiles à l’activité économique de la société ? 89% des français estiment qu’en effet, les plus riches sont des agents déterminants pour l’activité économique du pays selon un sondage d’Enjeu-Ifop. Néanmoins, les études ne peuvent en rien affirmer que la concentration des richesses serait bénéfique à l’économie nationale, car le rapport entre les inégalités de revenus et la croissance est très différent selon les pays, mais aussi parce que ce sont des calculs qui se réalisent grâce à une analyse économique structurelle (c’est-à-dire, sur le long terme) et non sur une durée de cinq ans comme les instituts de sondage le font pour mesurer les inégalités. En bref, lorsque les riches deviennent plus riches, les pauvres, pas forcément.

Depuis les années 1970, les experts soutiennent plusieurs points de vue à propos de cette théorie. Cette thèse controversée est d’autant plus présente aujourd’hui en France, suite à la suppression de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (fiscalité proposée aux plus riches, que le chef de l’Etat français refuse pourtant d’associer à la théorie du “ruissellement”).

En effet, d’une part, ceux qui soutiennent la théorie défendent l’idée qu’imposer faiblement les plus riches les conduirait à investir, donc ceci entraînerait une hausse du capital des entreprises, suivie naturellement d’une augmentation de la demande d’emplois. Cette demande engendrerait directement une baisse du chômage. Et donc, donc, les entreprises en bonne santé paieraient davantage d’impôts (puisqu’ils sont relatifs à la situation économique de l’agent) à l’Etat Providence qui les redistribuerait de manière équitable à l’issue. Les pauvres eux aussi bénéficieraient donc, indirectement, de l’abaissement de l’ISF.

Mais, face à cette vision des choses, ceux qui réfutent la théorie du ruissellement admettent deux types de critique.

Tout d’abord, la critique de l’efficacité. Selon cette première idée, les plus riches ont beau s’enrichir de manière croissante, cela n’aura aucun impact sur l’activité économique s’ils investissent à l’étranger. Cela semble prouvé par le comportement de ces individus pendant les périodes de récession économique ; lorsque sévit la crise, les agents économiques supposés déterminants  réduisent en effet leurs prises de risques. Quand il s’agit d’actions par exemple, puisque les bourses s’effondrent ; ils vont se tourner vers des économies plus apaisées ou bien cesser leurs investissements.

Le second type de critique, lié plutôt à la justice sociale rejette la première théorie. En fait, selon ce positionnement, le principe d’équité n’est pas respecté. Pourquoi les plus riches verraient-ils leurs impôts baisser, tandis que ceux qui ont des revenus plus modestes doivent contribuer fiscalement à l’effort national ?

Ces deux thèses sont défendues aujourd’hui, en concluez-vous que les petits ruisseaux font les grandes rivières?

SANCHEZ Jules