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Une vie sans examen ne vaut pas la peine d'être vécue

La conscience de soi = première vérité, Pascal, Locke

Dans le Discours de la méthode IV partie, Descartes commence par faire la distinction entre le domaine des mœurs et celui de la vérité en constatant que chacun possède une méthode propre.

En effet, d’une part, pour les mœurs, il s’agit de suivre des opinions qu’on sait être fort incertaines comme si elles étaient indubitables. L’incertitude de futur (contingence) et des actions d’autrui rendent toute délibération et décision incertaines. On ne peut donc que se baser sur du probable. L’urgence de l’action me pousse à trancher (Cf. libre-arbitre Troisième méditation) et donc à faire comme si l’incertain était certain.

D’autre part, pour rechercher la vérité, je dois me défaire de toute opinion qui comporte le moindre doute afin de m’assurer que j’ai bien à faire à une vérité absolument certaine, indubitable. Ainsi, Descartes décide de passer au crible ( au tamis) tout ce qu’il sait afin de savoir s’il resterait quelque chose de parfaitement certain (la pépite d’or).

Trois domaines d’application seront vérifiés :

1- les sens : je constate que mes sens parfois me trompent, je suis victime d’illusions sensorielles (ex: bâton rompu dans l’eau; La Terre tourne et nous ne le sentons pas) = je les rejette.

2-les raisonnements (même en mathématiques qui pourtant est la science exacte par excellence) : je constate que des erreurs de calcul sont possibles = je les rejette

3-toutes pensées : je constate que tout ce que je pense actuellement pourrait très bien me venir dans mes songes (lien avec Inception) = je les rejette.

On peut dès lors constater que le doute utilisé ici est exagéré, hyperbolique puisqu’il suffit qu’il y ait le moindre doute (même infime pour que tout soit rejeté; même les mathématiques qui sont pourtant le paradigme de la certitude).

Peut-on dire pour autant que Descartes est un sceptique ? Non pas. Le texte nous fournit déjà une réponse puisqu’à la fin il s’oppose à eux. De plus, Descartes était un grand physicien et mathématicien; rejeter les sens et les raisonnements rendrait impossibles tous ses travaux. Le doute est donc temporaire (le temps de la méditation, l’expérience de pensée) et par conséquent méthodique.

Au terme de cette expérience, que reste-t-il ? Y a-t-il quelque chose qui résiste à ce doute radical (à la racine) ?

C’est à ce moment qu’apparaît le fameux cogito cartésien (cogito en latin je pense=> et oui ! cogiter ça vient de là !; cartésien = adjectif de Descartes => qui a donné être cartésien, logique, rigoureux). On dit cogito car il existe une formulation latine du « je pense donc je suis » qui se trouve dans les Méditations métaphysiques (cogito ergo sum) dans lesquelles il fait intervenir un malin génie pour supposer qu’il est dupé et donc que toute connaissance est incertaine. (Cf. réviser en vidéo)

« Je pense donc je suis » serait donc la pépite d’or que Descartes cherchait. Mais pourquoi est-ce donc indubitable ?

Commençons par le « je pense » :

Pendant que je pense que tout est faux, incertain, il faut bien que moi qui le pensai fusse quelque chose. (laissons pour le moment de côté ce « quelque chose »). Quand je pense, je ne peux pas penser que je ne pense pas. Si je doute que je doute, je doute encore = le doute ne peut porter sur lui-même.

Ainsi, la conscience (même si l’usage de ce mot est anachronique ici car il n’apparaitra en français qu’en …….) est la première vérité indubitable. Cette vérité ne porte pas sur le monde extérieur ni sur même sur mon propre corps car j’ai douté de cela juste avant. C’est une vérité logique, évidente, intuitive et absolue. Logique car ma raison seule suffit pour l’appréhender; Intuitive et évidente car non démonstrative car une démonstration se fonde toujours sur des vérités antérieures elles-mêmes à démontrer; Absolue car elle ne dépend que d’elle-même, n’est pas relative à autre chose.

« je suis » :

Je suis quoi ? Qui ? Je suis Descartes; Je suis un homme; Je suis vivant; Je suis Mme Renard; Je suis Arnold Schwarzenegger…

Je suis (juste) un être pensant, Descartes dira « une chose pensante ». Ainsi ce « je » est impersonnel, anonyme.

« donc » :

Ce donc n’est pas déductif mais simultané. En même temps que je pense, j’existe. Ma pensée révèle mon existence en tant qu’être pensant, conscient. Ainsi même si tout autour de moi est illusoire, je ne peux douter du fait que je pense. Je sais que je suis mais pas (encore) qui je suis. 

Maigre consolation me direz-vous ? Descartes affirme ici la condition de toute connaissance, le pivot, « le principe (origine et fondement) de la philosophie (au sens large connaissance) qu’il cherchait ».

Pourquoi Descartes ressent-il le besoin de trouver cette vérité indubitable ?

Bien plus qu’une lubie de philosophe dans son bureau, cette démarche s’inscrit dans un contexte scientifique en crise. En effet, Descartes a différé la publication de son Discours de la méthode (qui est une préface à un traité scientifique) en apprenant les déboires de Galilée avec l’Inquisition. La science de l’époque subit une véritable révolution et notamment dans ses méthodes. En effet, dans de nombreux domaines, on constate une remise cause de tout ce qui était enseigné et étudié depuis des siècles. Descartes a suivi les enseignements de la philosophie de l’Ecole ou Scolastique inspirée des théories aristotéliciennes (Aristote). Il constate alors que la science de l’époque est comparable à une maison sur pilotis sur terrain meuble, c’est-à-dire, qu’elle s’effondre n’étant pas construite sur des fondations, des bases solides.

Texte de Pascal Pensées

Pascal met en évidence la double nature paradoxale de l’homme : grand et misérable

misérable (pas au sens social) = malheureux, mortel (finitude)

grand : on sait qu’on va mourir (conscience de notre finitude).

Cette grandeur est une différence de nature et non de degré car « l’arbre ne se connait pas misérable » et « l’univers n’en sait rien ».

La pensée (ou conscience ici) est une qualité essentielle à l’homme (et non accidentelle) car « on ne peut concevoir un homme sans pensée », elle le définit en propre.

L’homme est alors comparé à un roseau (métaphore filée de la végétation) ce qui met en évidence sa vulnérabilité. Une seule goutte suffirait à le détruire. Ici Pascal utilise l’hyperbole pour accentuer le paradoxe. Ce roseau est qualifié de faible (misérable) et pensant (grandeur). Faible vient étymologiquement de « digne d’être pleuré ». Malgré sa faiblesse, l’homme est grand, noble et digne. Ces trois termes ne désignent pas ici le domaine social mais bien moral. Pascal utilise sciemment ces termes afin de critiquer ceux qui cherchent à exister par « l’espace et le temps » autrement dit en « possédant des terres » et en laissant leur trace dans l’histoire. Pascal dénonce ici la vanité de ceux qui cherchent à « relever de l’espace et de la durée ». En plus d’être vain, puisque nous ne sommes qu’un « point » dans l’univers infini ( passage du monde clos à l’univers infini révélé par la science de l’époque), c’est présomptueux. Pascal nous invite donc à faire voeu d’humilité et à se considérer comme  « Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout. » notez le jeu de mot avec « comprend ».

De plus, cette prise de conscience de notre finitude est le principe (origine et fondement) de la morale. Pourquoi ? Parce que savoir que le temps est compté nous pousse à s’occuper de l’essentiel, du vrai, du bon et non du superflu. Vivre comme si chaque jour était le dernier nous fait agir différemment. (il suffit de voir l’immoralité des divinités mythologiques, seul moyen d’occuper cette interminable éternité).

Mais n’aurions-nous pas plutôt envie de profiter de la vie, de jouir des plaisirs si on peut mourrir demain ? Aurions-nous réellement envie d’être bons, moraux ? et non, tels des hédonistes, nous divertir ?

C’est justement ce dont Pascal nous met en garde. L’homme a tendance à se duper lui-même, à se mentir à lui-même pour fuir sa condition (sa finitude). Plutôt que de penser à cela, il s’occupe l’esprit à d’autres activités (travail, guerre, jeux…). Il se divertit ( et non se convertit), se détourne de son essence, de ce pour quoi il est fait.

Texte de Locke

Dans cet extrait de l’Essai sur l’entendement humain, Locke soutient que le même homme peut constituer plusieurs personnes. Thèse paradoxale, car d’ordinaire on serait plutôt porté à croire que l’homme, à savoir l’individu membre de l’espèce humaine, et la personne, le sujet qui pense et qui dit « je », sont indissociables. Locke,  « Mais s’il est possible à un même homme d’avoir en différents temps une conscience distincte et incommunicable, il est hors de doute que le même homme doit constituer différentes personnes en différents temps(…) »

Comment comprendre cette affirmation ?

Locke commence par une hypothèse : imaginons un amnésique, incapable de souvenir et ne sachant pas qu’il a oublié. Pourrait-on dire qu’il s’agit du même homme ? Le problème ainsi posé est celui de l’identité personnelle. Qui sommes-nous ? La tendance habituelle est d’identifier le sujet et l’individu physique, l’homme. Cet homme vit des expériences diverses dont il se souvient, du moins est-ce le cas la plupart du temps. Mais s’il ne s’en souvient plus ? Que nous nous en souvenions ou pas, ces expériences ont eu lieu, elles font partie de notre identité, dira-t-on. Mais est-ce vraiment le cas ? L’individu, autrui, la société, le considèrent-ils comme la même personne ?

Car comment pourrais-je être la même « personne » si je n’ai plus la possibilité d’unifier les différentes expériences que j’ai vécues ? Ce qui fait l’unité de la personne, n’est-ce pas justement cette faculté de se rapporter à soi, à ce que l’on a vécu ?

Locke souligne l’ambiguité dans l’usage du mot « Je » :

Distinguons mieux les deux sens : quand nous disons « Je », nous pensons soit à notre existence en tant qu’individu membre de l’espèce humaine, c’est-à-dire à notre constitution physique, soit nous pensons à notre existence en tant que personne psychologique, c’est-à-dire à l’ensemble de nos états intérieurs, pensées, sensations, émotions, sentiments, souvenirs. Si nous croyons que c’est la même personne, alors qu’il y a eu une rupture dans le cours de la vie consciente, c’est que nous nous référons à la permanence de l’individu. Certes celui-ci change, il grandit, il vieillit, il se modifie, mais il reste le même. Il y a une stabilité globale de l’individualité physique. Mais si on prend la notion de personne, on voit bien que son unité dépend de la continuité entre les différentes expériences vécues. Je me souviens de ce que j’ai vécu, et c’est ainsi, et seulement ainsi, que je peux légitimement dire et croire que « je suis le même ».

S’il y a rupture dans la continuité de la vie consciente, si le même homme, l’individu physique tel qu’on le connaît et l’observe, ne se souvient plus de ce qu’il a été , de ce qu’il a pensé, voulu, et fait, alors il faut conclure que cet homme n’est pas la même personne. L’amnésie montre qu’il est possible d’avoir en même temps une continuité physique et une discontinuité psychologique. Le même individu peut avoir des consciences « incommunicables » : il a été conscient de certaines choses mais il ne l’est plus. Sa personne est faite de l’ensemble des souvenirs qu’il a vécus. Or il peut arriver, c’est possible, qu’il ne se souvienne pas de ce qu’il a vécu. Ce qui prouve bien que tout en étant le même « homme », c’’est-à-dire le même individu, il n’est pas la même personne. C’est donc à tort que l’on disait que c’était le « même ». Car il n’y a pas de continuité, il n’y a pas d’identité. Je ne sais plus ce que j’ai fait, voulu, pensé, donc celui qui a fait cela, qui a voulu cela, qui a pensé cela, ce n’est pas moi. Et Locke va suggérer que ce n’est pas là seulement une conséquence logique mais c’est aussi un « sentiment du genre humain ».

Que veut-il dire par là ? Y aurait-il consensus à propos de cette distinction étrange ?

Locke propose deux arguments pour justifier ce consensus ?

Le premier argument fait appel aux lois humaines. On ne punit pas le fou pour les actes qu’aurait commis l’homme de bon sens, ni l’homme de bon sens pour les actes qu’aurait commis le fou. C’est le même homme, au sens physique, et pourtant on fait une distinction. Car la loi s’applique à des personnes. Or, puisqu’elle s’applique différemment selon l’état psychologique de l’individu, c’est que l’on présuppose qu’il s’agit de personnes différentes. Notons au passage que la première éventualité est plus rare : l’homme fou n’est pas puni pour les actes de l’homme sain d’esprit. En général, c’est plutôt la seconde situation qui se présente : on ne punit pas l’homme sain d’esprit pour ce qu’il a fait sous l’emprise de la folie. Notons aussi au passage que la condition qui était d’abord supposée n’est plus ici aussi évidente : car l’homme qui a recouvré la santé mentale, ou du moins qui a suffisamment de santé  mentale pour être accessible à un jugement, se souvient parfois de ce qu’il a fait quand il était sous l’emprise de la folie. Mais comme on juge qu’il n’était pas alors maître de lui-même, on estime qu’on ne doit pas le punir. La punition n’a en effet de sens que si elle s’adresse à la même personne. Or cette condition a ici disparu. Ce n’est plus la même personne alors que c’est le même homme. Locke s’en tient là : il y voit la confirmation, par l’accord des consciences sur un plan juridique, de la thèse qu’il soutient : la personne suppose une continuité psychologique, alors que la notion d’individu ne s’arrête qu’à l’unité physique. Il peut donc y avoir, et le droit le reconnaît, plusieurs personnes pour un même individu.

Le second argument est d’ordre linguistique. Comment parle-t-on communément ? Ne dit-on pas parfois du même individu qu’il n’est plus lui-même ? Qu’il peut être « hors de lui » ? Ces façons de parler sont des façons de penser qui rejoignent la thèse de l’auteur. Car si un même « je » peut être « hors de lui », c’est qu’il n’est pas la même personne. Il est « hors » de sa personne habituelle, puisqu’il est toujours « dans » le même corps. Le « soi », qu’il faut comprendre ici comme le « je » (l’acte de se rapporter à soi)  a changé alors que l’individu physique s’est maintenu. Certes ceux qui se servent présentement de ces expressions ne pensent pas forcément jusqu’au bout ce que ces expressions signifient. Mais lorsque ces expressions ont été instituées, c’est bien ce qu’elles signifiaient. Et elles signifient bien que le même homme peut être habité par des personnes différentes. Ce qui résume la thèse de Locke.

Pour plus d’informations voir cet article 

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