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Une vie sans examen ne vaut pas la peine d'être vécue

Citoyenneté aux robots ?

http://www.rfi.fr/moyen-orient/20171028-arabie-saoudite-intelligence-artificielle-robot-sophia-nationalite-citoyenne 

https://www.village-justice.com/articles/citoyennete-controversee-attribuee-humanoide-sophia-par-arabie-saoudite,26391.html

(…) La créature de Frankenstein imaginée par Mary Shelley au mythe antique de Pygmalion, en passant par le golem de Prague et le robot de Karel ?apek (inventeur du terme), les humains ont, de tous temps, rêvé de construire des machines intelligentes, le plus souvent des androïdes à figure humaine », [1] l’Arabie Saoudite est allée au delà avec Sophia.

En effet, le 26 octobre 2017 à l’occasion de la conférence Future Investment Ininiative, l’Arabie Saoudite provoque un tollé et devient le premier État au monde à attribuer la citoyenneté à un robot.

Sophia est un robot humanoïde, développé par Hanson Robotics une société basée à Hong Kong. Celle-ci dotée d’une intelligence artificielle a été activée le 19 avril 2015. 
Ce robot a été conçue précisément pour apprendre et s’adapter au comportement de l’homme et le travail avec les humains.

Dès lors que les robots et l’intelligence artificielle s’emparent de tous les domaines d’activités, l’octroi de la citoyenneté à un humanoïde suscite de nombreuses interrogations, notamment d’un point de vue juridique.
Ainsi, la crainte de voir émerger se multiplier de telles situations, est-elle fondée, envisageable, ou bien impossible ?

L’Europe, serait-elle elle aussi, sur le point d’attribuer la citoyenneté à des robots dotés d’une intelligence artificielle, capables de prendre des décisions autonomes en dehors de tout contrôle extérieur ?

Le présent article a vocation, à rappeler les fondamentaux relatifs à la citoyenneté et à la personnalité juridique rattachée (I). Mais aussi, renseigner sur le droit positif applicable aux robots (II).

I. Délimitation des notions en jeu

  • 1.1 La personnalité juridique et la citoyenneté

L’acquisition de la personnalité juridique s’acquière à la naissance, ou dès la conception, dès qu’il en va de l’intérêt de la personne à naître.

La personnalité juridique est traditionnellement caractérisée, comme étant l’ « aptitude à être titulaire de droits et assujetti à des obligations qui appartient à toutes les personnes physiques, et dans des conditions différentes aux personnes morales ». [2]

La citoyenneté est quant à elle définie et attribuée à une « personne qui dans un État démocratique, participe à l’exercice de la souveraineté, soit dans la démocratie indirecte par l’élection des représentants , soit dans la démocratie directe par l’assistance à l’assemblée du peuple ». [3]

Ainsi, la personnalité juridique et en particulier la citoyenneté, sembleraient difficilement être admises en matière de robot. Pourtant, les juristes devraient à l’avenir composer avec.

  • 1.2 La difficulté de telles définitions à l’égard des machines

Ces définitions appellent une observation évidente, la personnalité juridique et la citoyenneté sont de fait, conférées à des « personnes ». Dès lors, les robots autonomes et dotés d’intelligence artificielle, deviendraient-ils des personnes ou devrait-on créer une nouvelle catégorie de titulaires de droit ?

Par ailleurs, le citoyen est un individu qui appartient à un État, un territoire, une nation, une identité. Ainsi, la citoyenneté est en premier lieu un statut juridique, puisque le citoyen est titulaire de droits.

En effet, ce statut comprend avant tout, le droit de vote et le droit d’éligibilité, mais aussi un ensemble de droits et libertés dont les citoyens doivent pouvoir jouir, sans d’autres entraves que celles fondées sur l’intérêt général.

A cet égard, le citoyen jouit également de droits naturels, les droits de l’Homme.

Il paraît difficile à croire que des robots telle que Sophia, puissent participer à l’exercice de la souveraineté, à la « chose publique ».

Par conséquent, au regard de ces considérations, conférer la citoyenneté à une machine, contreviendrait à tous les fondamentaux établis en matière de droits de la personnalité et des personnes.

Ainsi, face à la nouvelle ère fondée sur l’intelligence artificielle, de nouvelles règles de droit doivent être instaurées afin d’appréhender les contentieux liés à ces nouvelles technologies. 
Dès lors, il convient d’évoquer l’état du droit applicable en matière de droit des robots, dont le Parlement européen s’est emparé de la problématique.

II. L’état du droit positif en matière de droit des robots

  • 2.1 Les recommandations du Parlement européen

Le Parlement européen est à l’origine d’un corpus des règles de droit civil européen de l’intelligence artificielle et de la robotique.

A cet égard, celui-ci a adopté le 16 février 2017, une proposition de résolution contenant des recommandations à la Commission concernant des règles de droit civil sur la robotique (2015/2103 (INL) ) [4].

En effet selon le Parlement européen, l’autonomie du robot pose la question de leur nature et de leur appartenance à l’une des catégories juridiques existantes ou de la nécessité de créer de nouvelle catégorie dotée de ses propres caractéristiques et effets spécifiques [5].

Celui-ci considère que :

« grâce aux impressionnants progrès de la technique au cours des dix dernières années, non seulement les robots contemporains sont capables de mener à bien des tâches qui relevaient autrefois exclusivement de la compétence humaine, mais encore que la mise au point de certaines fonctionnalités autonomes et cognitives (comme la capacité de tirer des leçons de l’expérience ou de prendre des décisions quasi-indépendantes) rapprochent davantage ces robots du statut d’acteurs interagissant avec leur environnement et pouvant le modifier de manière significative.

(…) Dans un tel contexte, la question de la responsabilité juridique en cas d’action dommageable d’un robot devient une question cruciale » ; [6]

Ainsi, l’intelligence artificielle étant définie comme la « capacité d’une unité fonctionnelle à exécuter des fonctions généralement associées à l’intelligence humaine, telles que le raisonnement et l’apprentissage » dans la norme ISO 2382-28 [7], celle-ci ne bénéficie pas d’un régime juridique qui lui est propre.

De ce fait, le Parlement européen recommande dans ses résolutions à la Commission, d’établir :

  • une définition européenne commune des catégories de robots autonomes et intelligents ;
  • un système d’immatriculation des robots avancés ;
  • un instrument en matière de responsabilité des robots et de l’intelligence artificielle dans les cas autres que les dommages matériels ;
  • une assurance robotique ;
  • un fond de garantie ;
  • l’interopérabilité des robots autonomes ;
  • l’accès au code source, données d’entrées et aux détails de construction, notamment pour les enquêtes de responsabilité ;
  • une charte sur la robotique.

La charte robotique devrait établir les principes éthiques fondamentaux devant être respectés dès la phase de conception et de développement, dans le domaine de la robotique et l’intelligence artificielle.

Ainsi, la charte robotique est composée des éléments suivants :

  • le code de conduite éthique pour les ingénieurs en robotique ;
  • le code de déontologie pour les comités d’éthique de la recherche ;
  • la licence pour les concepteurs ;
  • la licence pour les utilisateurs.

Le Parlement européen formule également une demande à la Commission relative à la possibilité, à long terme, de créer un statut juridique spécial pour les robots, afin de clarifier la responsabilité en cas de dommages. La responsabilité est, en effet, l’objet principal des recommandations.
Et pour cause, le point 31 f) de la résolution demande la création d’une personnalité juridique spécifique aux robots.

Cependant, les institutions européennes doivent encore déterminer quels acteurs devront répondre de la responsabilité du fait des robots et de la réparation des préjudices causés par ces derniers.
La résolution du Parlement européen, outre d’évoquer les nouveaux enjeux relatifs à l’intelligence artificielle et de l’autonomie des robots, ne répond pas pour autant aux questions pratiques de responsabilité civile.

La résolution semble faire peser la responsabilité sur l’utilisateur responsable de l’éducation du robot ou de l’enseignant. Des points importants restent encore en suspend et doivent être déterminés.

En tout état de cause, il est nécessaire de prendre en compte l’irrémédiable évolution technologique, dont les avocats doivent assurément prendre part.

  • 2.2 Les enjeux à venir et à surmonter

Dès lors, face à l’arrivée inéluctable des robots, il est impératif et nécessaire que tout dommage causé par un robot puisse être réparé.

Le Parlement européen, propose la mise en œuvre de la responsabilité (personnelle) du robot au travers d’une personnalité juridique qui lui serait attribuée. Ainsi, la personnalité juridique serait de nature à engager la responsabilité des robots.

Toutefois, octroyer la personnalité juridique aux robots dotés d’intelligence artificielle, tel que développé dans la première partie, impliquerait corrélativement l’octroi de droits de la personnalité à ces machines.
Il semblerait difficile à croire pour l’heure, qu’un humanoïde serait un sujet de droit et pour cause, un sujet de droit, est à ce jour, une personne.

Dès lors, en attribuant la citoyenneté à une machine, se pose la question de la personne. Doit-on reconnaitre les mêmes droits à une machine, que ceux reconnus à un être humain et par voie de conséquence, lui reconnaitre les droits de l’Homme ?

Cette citoyenneté très contestée à travers le monde, pose l’enjeu des décennies à venir : la place de l’Homme dans un monde où la machine le substituerait peu à peu.

Enfin, l’Arabie Saoudite qui prépare l’après-pétrole notamment avec son projet Neom, a pour objectif de créer en moins de 20 ans une ville high-tech robotisée.

La citoyenneté accordée à Sophia ne serait en fait un coup de communication réussi nous confirmant que la fiction dépasse aujourd’hui la réalité.

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