Zone euro : les conditions pour former une Union monétaire

Dans le numéro de Flash Economie mis en ligne le 27 octobre 2016, l’économiste français Patrick Artus montre sous quelles conditions une zone économique intégrée dotée d’une monnaie unique telle que la zone euro peut devenir une union monétaire à proprement parler, c’est à dire un territoire au sein duquel des taux de change fixes (ou même une monnaie unique) constituent le cadre optimal des ajustements macroéconomiques. L’article est téléchargeable ici :

https://www.research.natixis.com/GlobalResearchWeb/main/globalresearch/ViewDocument/J1-1NpPAROU7xsC6luaqKQ==

Au début des années 1960, l’économiste américain Robert Mundell (photo ci-dessous) avait démontré qu’un groupe de pays forme une zone monétaire optimale à condition que la mobilité des facteurs de production (les capitaux et les travailleurs) intra-zone soit forte. Si tel est le cas, en cas de choc asymétrique sur l’un des pays (crise économique nationale avec montée du chômage par exemple), l’ajustement s’effectue par des déplacements de main d’œuvre et/ou de capitaux avec les autres pays de la zone. C’est ce mécanisme de compensation qui permet de maintenir la fixité des changes.

Mundell

Or, un tel dispositif n’est bien entendu pas à l’œuvre actuellement dans la zone euro comme le rappelle P. Artus. Il n’est pas à l’œuvre en particulier du fait de l’absence de politiques économiques de zone, conjoncturelles et structurelles, en dehors de la politique monétaire qui est de la compétence de la Banque centrale européenne. En particulier, il n’existe pas de dispositif de mutualisation des dettes publiques entre les pays membres de l’euro de sorte qu’en cas de choc, le contexte institutionnel de la zone conduit à une aggravation des écarts entre les performances macroéconomiques des pays membres. Un tel mécanisme de « creusement des écarts » se produit en cas de choc asymétrique, mais il se produit également en cas de choc symétrique dont les répercussions sont variables selon les pays. C’est exactement ce qui se produit en zone euro depuis la crise de 2008. il s’agit d’un choc en partie symétrique (la crise est mondiale et tous les pays d’Europe sont affectés) mais également asymétrique (notamment en raison de l’inégal positionnement des banques selon les pays face au risque systémique produit par la crise). En bout de course, l’impact de la crise sur les dettes publiques en Europe a été très fort mais il a été aussi inégalement réparti entre les pays membres de l’euro. Contrairement à ce qu’on lit ou on entend souvent, ce n’est pas l’euro en tant que monnaie unique qui produit la divergence entre les pays membres et donc les difficultés économiques structurelles très inquiétantes de la zone (une croissance potentielle quasi-nulle par exemple), mais bien l’absence de coordination des politiques économiques et notamment l’absence de dispositif de mutualisation des dettes publiques. Le graphique n°2 de l’article sur lequel s’appuie P. Artus est tout à fait révélateur : en mesurant le niveau de PIB par habitant de quelques pays de la zone euro en % du PIB par habitant de l’Allemagne, il montre que, jusqu’à la crise de 2008, la convergence entre les niveaux de vie était à l’œuvre ! Par exemple, le PIB par habitant de la Grèce représente à peine 50 % du PIB par habitant de l’Allemagne en 1998 (l’euro est entré en vigueur en 1999 et la Grèce l’adopte en 2001), contre près de 70 % en 2009 (20 points de gagnés en une décennie !). On voit bien dans le graphique que la tendance est identique pour les autres pays. En revanche, à partir de 2009, le processus se retourne et la zone euro produit alors une divergence considérable entre les pays membres : en 2016, le PIB par habitant de la Grèce a chuté à moins de 40 % du PIB par habitant de l’Allemagne.

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Artus compare la situation macroéconomique de la zone euro avec celle d’un Etat fédéral comme les Etats-Unis. Dans ce dernier cas, la structure fédérale produit un mécanisme de compensation qui bloque le processus de divergence. Et Artus de conclure : « la zone euro ne sera donc une vraie Union monétaire, capable d’assumer les effets de la spécialisation productive des pays, que lorsqu’elle aura mutualisé ses dettes publiques, ce qui rend indifférent l’endroit où les salariés payent leurs impôts« .

Bonne lecture !

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