Le Journal d’Aliénor par les 5e du collège Pablo Neruda à Bègles

En s’inspirant de la biographie d’Aliénor d’Aquitaine et en tenant compte des conditions de vie au Moyen Age, les élèves de 5e2 et 5e5 ont inventé et écrit un journal intime qui aurait pu être celui d’Aliénor d’Aquitaine.

Ces ateliers ont été suivis d’une visite de Bordeaux médiéval, dans le cadre d’un parcours pédagogique Les Voies d’Aliénor.

La Bible de La Sauve-Majeure

La Bible de La Sauve-Majeure est un manuscrit précieux et connu en Gironde. Malgré ce nom, le manuscrit n’a pas été créé à l’abbaye de La Sauve-Majeure !

Bible de La Sauve-Majeure, entre 1070 et 1090, Bordeaux, BM, ms. 1-2

 

 

 

 

 

 

 

 

Origine

En réalité, sa réalisation a débuté dans un lieu célèbre… l’abbaye du Mont-Saint-Michel, en Normandie, lieu de pèlerinage important qui comportait un scriptorium (atelier de copie des manuscrits) très actif.

 

 

L’abbaye du Mont-Saint-Michel

La bibliothèque, disparue, était considérable : près de 800 manuscrits, ce qui est énorme au Moyen Âge.

Vue extraite du film Le Nom de la rose, 1986, de Jean-Jacques Annaud d’après l’œuvre d’Umberto Eco

Le scriptorium a produit de nombreux ouvrages reconnaissables à leurs initiales enluminées inspirées des îles britanniques et du nord de la France : tracé géométrique des lettres, entrelacs et feuillages, têtes de chiens et de lions, masques de dragons et animaux merveilleux, couleurs rouge, bleue et verte. La nature est largement représentée, tout comme sur les chapiteaux romans sculptés à la même période en Europe.

Manuscrit du Mont-Saint-Michel, lettre E, Avranches, BM, ms. 59, XIe siècle

Manuscrit du Mont-Saint-Michel, lettre S, Avranches, BM, ms. 59, XIe siècle

Manuscrit du Mont-Saint-Michel, lettre F, Avranches, BM, ms. 90, XIe siècle

Aujourd’hui, les manuscrits du Mont-Saint-Michel sont conservés au Scriptorial de la ville d’Avranches.

La Bible de La Sauve-Majeure

La Bible de La Sauve-Majeure daterait de la fin du XIe siècle. Cette grande dimension indique qu’elle était destinée à être déposée sur un lutrin pour une lecture à haute voix dans l’abbaye.

Le texte est en latin, présenté sur deux colonnes. L’écriture se rapproche de la caroline, avec quelques onciales.

Elle est reliée en deux volumes de 53×36 cm, chacun formés de 404 feuillets de parchemin, soit 808 pages. Pour un tel travail, il a fallu plusieurs copistes qui ont ensuite assemblé leurs productions.

Chaque monastère avait un style particulier qui permet de retrouver l’origine des manuscrits. L’écriture et les initiales sont les mêmes que celles réalisées au Mont-Saint-Michel à la même époque, il n’y a pas de doute !

Ainsi, les spécialistes de l’écriture (paléographes) et de l’enluminure ont montré que la bible avait été copiée entièrement au Mont-Saint-Michel entre 1070 et 1090. C’est la décoration qui pose problème : la composition et les les couleurs de certaines initiales sont plus chaudes, plus vives que les codes habituellement employés au Mont.

Deux peintres auraient œuvré à la réalisation des initiales :

  • le premier, formé dans un scriptorium normand, peut-être au Mont-Saint-Michel.

Il réalise les grandes lettres ornementales ornées, parfois habitées de petits animaux et d’hommes. Les rinceaux, les végétaux et les figures animales sont caractéristiques de l’enluminure normande romane. Elles témoignent de l’influence des cultures celte, mérovingienne et germanique qui ont traversé les territoires au cours des siècles passés. Les couleurs mêlent du vert pâle, du rouge, du bleu foncé et de l’ocre.

L’initiale V marque le début du livre d’Isaïe : « Incipit Liber Isaia P[ro]p(heta] / Visio Isaie… » : « Début du livre du prophète Isaïe / La vision d’Isaïe… »

Certaines initiales ne sont pas entièrement peintes voire pas du tout, elles sont dites filigranées. La peinture et la multiplication des détails permet d’établir une hiérarchie entre les textes, donc une manière de se repérer dans la Bible. L’utilisation d’initiales pour découper le texte et leur décoration se développent au XIe siècle, à l’époque romane.

  • le second, qui intègre des éléments du monde méridional ou aquitain, a achevé le manuscrit. Il est clair qu’il a assimilé le langage pictural du Mont. Aussi, il est possible que la Bible ait été également entièrement décorée sur place mais sans certitude.

 

Lettre V formée par un dragon et le prophète Michée

Les corps composent la lettre, au contraire des initiales du premier peintre et du langage pictural normand. L’influence est poitevine.

La Bible en Gironde

Comment est-elle arrivée à La Sauve ? Cela reste sans réponse.

Avant de se trouver en Gironde, on retrouve sa trace à la fin du XIe siècle à l’abbaye Saint-Sauveur de Redon en Ille-et-Vilaine. Elle est parfois nommée « Bible de Redon ».

Comment le sait-on ? Ce sont les inventaires des abbayes qui permettent aux spécialistes d’en savoir plus, mais aussi les ajouts dans le manuscrit : au folio 259v, un texte présente une bulle (acte juridique) du pape Grégoire VII en faveur d’Almodus, abbé de Redon ainsi qu’un extrait d’un ancien cartulaire de Redon.

Ensuite, elle passe à une autre abbaye de l’ouest de la France entre 1090 et 1100.

Puis, elle arrive à l’abbaye de La Sauve-Majeure, en Gironde. Pourquoi ? Comment ? Où a-t-elle été continuée ? Son histoire est floue. Il semblerait que l’artiste qui ait continué les initiales soit celui qui l’a emmenée à La Sauve. Les manuscrits pouvaient circuler comme modèles, travaux à terminer, cadeaux entre abbayes ou comme objets appartenant à des moines ou abbés voyageant.

La Bible se trouvait dans les collections de l’abbaye de La Sauve-Majeure au moment de la Révolution où elle est déposée au château de Cadillac avec d’autres ouvrages provenant de l’abbaye et d’autres établissement religieux. Elle rejoint la bibliothèque de Bordeaux un peu plus tard et peut être visionnée en entier sur le site Manuscrits médiévaux d’Aquitaine. La reliure actuelle date des années 50.

Le manuscrit est incomplet, il manque plusieurs parties du texte biblique. Son histoire a été mouvementée !

 

La bibliothèque de Bordeaux conserve un autre ouvrage, cette fois-ci copié à l’abbaye de La Sauve-Majeure : il s’agit du cartulaire, texte recensant les possessions de l’abbaye de 1079 à 1356.  L’ouvrage permet de suivre le développement de l’abbaye.

Pour aller plus loin : une vidéo sur la fabrication du livre au Moyen Âge réalisée en partenariat par le CLEM et le CIS Design Media Lab, dans le cadre du dispositif transmédia Les voies d’Aliénor :

Bibliographie

Hélène de Bellaigue, « Bible de La Sauve-Majeure, Bible de Redon », dans Les entretiens de La Sauve-Majeure, Acte du colloque organisé par l’association Les Grandes heures de l’abbaye de la Sauve-Majeure, juillet 1997 et 1999, Editions de l’Entre-deux-Mers, 2000, p. 19-22.
Cécile Voyer, « Les bibles de La Sauve-Majeure », conférence donnée dans le cadre de la saison culturelle Perspectives de l’association Archimuse (étudiants du master Patrimoine & Musée de l’université Bordeaux Montaigne), 17 janvier 2020

Bibliothèque virtuelle du Mont-Saint-Michel

Manuscrits médiévaux d’Aquitaine

Scriptorial d’Avranches

L’atelier enluminure

Pour accompagner les activités autour du parcours pédagogique Jardins et Patrimoine, un atelier a été conçu à voir ici et à retrouver dans les documents fournis aux enseignants inscrits. Pour plus de précisions, n’hésitez pas à nous contacter.

 

 

Archibald – document pédagogique Jardins et Patrimoine

La classe des CM1 de Rauzan nous fournit une nouvelle ressource. Il s’agit d’un document pédagogique visant à préparer la sortie à Sallebruneau.

Les élèves doivent aider le moine hospitalier Archibald à rejoindre la commanderie pour ensuite poursuivre sa route.

Ainsi, Archibald nous a en quelque sorte accompagné tout au long de la visite !

Pour le télécharger, c’est par ici >> Archibald

Moyen Âge et idées reçues : pensait-on que la Terre était plate ?

On entend parfois dire qu’au Moyen Âge, les gens pensaient que la Terre était plate ! Cette remarque met en cause les connaissances scientifiques de l’époque.

Mais le Moyen Âge est loin d’être une période obscurantiste aux savoirs limités ! La Terre est une sphère, on le sait !

On le sait même depuis le Ve siècle avant notre ère, ce sont les savants grecs qui l’ont prouvé. On connait même la dimension de la Terre grâce aux travaux d’Eratosthène. Ces connaissances se répandent dans l’ensemble de l’Europe.

Au Moyen Âge, dans les ouvrages évoquant la Terre, on parle bien d’un globe et non d’un disque.

Carte en T-O, Asie, Europe, Afrique, Isidore de Séville, Etymologies, XIIe s., Londres, British Library, R12FIV, f° 135v

Les représentations de la Terre prennent cependant une forme plate. Il s’agit d’une tradition iconographique, un moyen de figurer l’ensemble de la planète en deux dimensions avec les continents connus : Europe, Asie, Afrique.

Carte du psautier, années 1260, Londres, British Library, Add 28681

On ne connaissait alors qu’un hémisphère et on pense alors qu’aux confins du monde vivent des êtres extraordinaires… tels les Sciapodes, les Blemmyes, les Cynocéphales ou encore les Ichtyophages. Mais ces habitants ne vivent pas aux bords d’une Terre plate !

Carte d’Hereford, XIIIe s.

Dans les marges de la carte d’Hereford… une mandragore !

Des cynocéphales (hommes à tête de chien) sur la basilique de Vézelay, XIIe s.

Un sciapode qui s’abrite du soleil avec son pied hypertrophié – Cambrai, BM, ms. 102-103, XIIIe s.

La preuve, les Antipodes sont un peuple que l’on imagine vivant de l’autre côté de la Terre, sous nos pieds, liés au globe par un champ magnétique… La tête en bas, leur manière de vivre serait la stricte opposée de celle des hommes du haut !

Antipodes, Barthélemy l’Anglais, Imago mundi, Rennes, BM, ms. 593, XIVe s.

En outre, dans les représentations du pouvoir, les souverains et majestés divines tiennent des globes terrestres, traduisant leur autorité sur le monde.

Jean Bourdichon, Majesté divine, Livre d’heures, Poitiers, BM, XVe s.

À la fin du Moyen Âge, les voyages vont permettre d’enrichir les connaissances des autres territoires. Les portulans (cartes marines) voient le jour, montrant précisément le tracé des côtes.

C’est ensuite Nicolas Copernic qui prouve, au XVIe siècle, que la Terre tourne autour du Soleil et non l’inverse, comme on le crut longtemps.

Pourquoi dit-on cela du Moyen Âge ?

À partir de la Renaissance, le Moyen Âge est dévalué et vu comme une époque sombre, ce qui est faux ! Cependant, cette vision est tenace et ce sont les historiens modernes, notamment du XIXe siècle, qui répandent l’idée que les hommes du Moyen Âge imaginaient la Terre plate !

Ressources

Infographie de l’Inrap « Idées reçues sur le Moyen Âge »

Exposition virtuelle BnF sur les cartes marines

Sophie Cassagnes-Brouquet, L’image du monde : un trésor enluminé de la bibliothèque de Rennes, Paris, PUF, 2003

L’encre au Moyen Âge

Comment fait-on de l’encre au Moyen Âge ?

À l’époque médiévale, point de stylo plume à cartouche ni de stylo bille et encore moins de feutre ! Alors, comment écrit-on dans les manuscrits ? Comment est produite cette encre indélébile qui a traversé les siècles ? Une chose est sûre : on n’utilise pas encore d’encre de Chine…

Oiseau, note en marge, Code Justinien, XIIIe-XIVe s., Amiens, BM, ms. 347

On peut faire de l’encre à partir du carbone (bois calciné) mais en Occident à partir du XIIe siècle, on préfère les encres ferro-galliques ou métallo-galliques. Ce sont des encres plus résistantes, qui associent 3 éléments principaux :

  • Noix de galle
  • Sel métallique
  • Liant

Sigebert de Gembloux dictant son texte à un moine copiste, Chronique, XIIe s., Avranches, BM, ms. 159

 

Qu’est-ce que la noix de galle ? En tout cas, ce n’est pas le fruit du noyer !

Quand un petit insecte, le cynips, pique le chêne pour pondre, l’arbre réagit en produisant cette boule de la taille d’une balle de ping-pong. Un peu comme lorsqu’un moustique nous pique et que la peau gonfle !

Les larves de cynips se forment à l’intérieur et la sève de l’arbre les entoure petit à petit.

Le cynips

Pour faire de l’encre, il faut se dépêcher ! La noix de galle doit être récoltée avant l’été, quand les larves sont encore à l’intérieur. Si elles en sortent, la noix aura moins de tanin, la substance végétale qui permet de noircir l’encre.

La plus réputée : la noix de galle d’Alep, mais on en trouve aussi dans les forêts d’Europe.

Comment faire ?

Une fois bien sèches, il faut les écraser et verser la poudre obtenue dans beaucoup d’eau que l’on fait bouillir. Quand le mélange est réduit de moitié, y ajouter un liant :  la gomme arabique (sève) et bien écraser. Laisser mijoter sur le feu pour faire encore réduire.

Source de l’image : la recette

Hors feu, ajouter le sel métallique (sulfate de plomb, de cuivre ou de fer) et parfois un mélange de vitriol et de vin. Le sel métallique entre en réaction avec l’extrait végétal et noircit. Voilà notre encre noire.

+  +

Noix de galle                               Sel métallique                           Gomme arabique

 = 

 

*

 

Images issues de la vidéo Making Manuscripts du Getty Museum :

 

Une autre vidéo très instructive :

 

Des recettes du Moyen Âge

Inc |austum| latinum; accipe vas de terra quod capiat VIII l. |libras| aque; postea mediam libram galette et tere bene ; postea bulli usque ad medietatem, tunc accipe tres untias gummi arabici et tere bene et colato illo quod est in oll |a| apponatur gumma, tunc bulliat ad medietatem. Postea aufer ab igne et tunc accipe 4 uncias vitreoli et l. |libram| vini calidi aliquantulum et debes miscere vinum et vitreolum in alio vase bene, tunc paulatim apponatur ad inc |austum| miscendo senper bene; ita stet per duos dies et quolibet die moveatur quarter cum baculo postea.

British Library, London, Harley 3915, Recueil de recettes d’encres et de pigments, 2nde moitié du XIIe siècle

 

POUR FAIRE TROIS PINTES D’ENCRE, prenez des galles et de gomme de chascun deux onces, couperose trois onces; et soient les galles casse?es et mises tremper trois jours, puis mises boulir en trois quartes d’eaue de pluye ou de mare coye. Et quant ils auront assez boulu et tant que l’eau sera esboulie pre?s de la moitie?, c’est assavoir qu’il n’y ait mais que trois pintes, lors le convient oster du feu, et mettre la couperose et gomme, et remuer tant qu’il soit froit, et lors mettre en lieu froit et moite. Et nota que quant elle passe trois sepmaines, elle empire.

Le Menagier de Paris. Traite? de morale et d’e?conomie domestique compose? vers 1393 par un bourgeois parisien, Tome Second, Paris, 1846, p. 265.

 

On peut également réaliser des encres à partir d’épines selon un procédé assez proche.

Recettes adaptées : 

Première recette :

Ingrédients :

  • 30g de noix de galle concassées
  • 15g de gomme arabique
  • 15g de sulfate de fer
  • eau
  • essence de lavande (facultatif)

Faire bouillir les noix de galle concassées dans 500g ou un demi-litre d’eau, de manière à avoir 450g de décoction; faites dissoudre la gomme ; quand le tout est froid et passé, ajouter : sulfate de fer cristallisé préalablement dissous dans 30g d’eau. On peut ajouter quelques gouttes d’essence de lavande.

L’encre ainsi produite se conserver plusieurs années, mais elle a tendance à faire du dépôt.

Deuxième recette (TESTÉE) : Lezarbres 

 

Troisième recette : L’atelier de Mathilde et Goscelin

Sources 

Cora Millet-Robinet, Maison rustique des dames, Librairie agricole de la maison rustique, Paris, 1845, p. 312

Marc Niederhauser, Alchimie de l’enluminure : 80 recettes éprouvées, Eyrolles, 2011

Une ressource à utiliser, l’exposition virtuelle de la BnF sur les écritures

Enluminure

Afin de découvrir l’art médiéval, voici quelques documents proposés par Bernard Pradier pour la réalisation d’un atelier d’enluminure en classe, à partir d’une initiale calligraphiée. Vous retrouverez le document ci-dessous :

Réaliser une lettrine_jardins et patrimoine

Ce document s’accompagne d’un corpus d’images et d’exemples réalisés par une classe de l’école de Saint-Aubin-de-Médoc en 2015.

Vous retrouverez l’intégralité du dossier dans la Dropbox « EchangesCLEM_EnseignantsJardins (accès également par le lien ci-dessous) :

https://www.dropbox.com/sh/cbejek1ghbl37pd/AABf89_mawg-pwtXls3mR966a?dl=0

Alors à vos pinceaux !

À l’école au Moyen Âge

Le précédent article présentait l’école en Gaule romaine, qu’en est-il au Moyen Âge ?

Au Moyen Âge, l’enfance est sacrée : l’enfant Jésus en est le modèle. Le nouveau-né était accueilli avec le plus grand soin. De même, les enfants abandonnés, peu nombreux, étaient rapidement pris en charge par l’Église.

L’éducation de l’enfant commence très tôt. Durant la période nommée infantia, de la naissance à 7 ans, tous apprennent à marcher, parler, bien se conduire et imiter les gestes de leurs aînés. Le petit paysan est très tôt confronté aux responsabilités, tout comme les enfants de commerçants dans les villes. On leur confie des tâches non dangereuses : nourrir les animaux, cueillir les légumes, chasser les prédateurs, faire le ménage, etc.

Comment se présente l’école au Moyen Âge ?

L’école est attestée dès le 6e siècle mais sa fréquentation n’est pas généralisée. La « scolarité » commence en général vers 6 ou 7 ans mais nous savons peu de choses sur le niveau d’instruction des enfants du Moyen Âge, qui varie selon les milieux, les époques et les régions. L’accès à l’éducation est cependant une préoccupation majeure. L’Église et les différents souverains imposent, au long du Moyen Âge, l’accès à l’éducation pour tous, même les plus défavorisés, qu’ils se destinent aux ordres ou non.

En 789, le capitulaire de Charlemagne, l’Admonitio generalis (« Conseil général »), ouvre des écoles aux fils d’hommes libres comme à ceux des serfs :

Moi, Charles, nous voulons que des écoles soient créées pour apprendre à lire aux enfants. Dans tous les monastères, dans tous les évêchés, il faut enseigner les psaumes, les notes [l’écriture sténographique], le chant d’église, le calcul, la grammaire (…)

Capitulaire de Charlemagne, chapitre sur l’école. Ego Karolus : « Moi Charles », Paris, Bibliothèque nationale de France, manuscrit latin 4613, f° 73 Lien

Les petits nobles vont à l’école du château. Un précepteur leur apprend l’alphabet, la lecture et la grammaire. Les petits garçons sont formés très tôt à manier l’arc, le javelot, le bouclier, à monter à cheval ou à chasser avec un faucon, avec les petites filles. Ces dernières ont souvent une éducation plus poussée dans le domaine de la lecture. Leurs journées sont parfois bien remplies !

D’autres enfants vivent dans les demeures seigneuriales : fils et filles des domestiques, garçons de cuisine, petites lingères, … Certains peuvent également se rendre à l’école du château mais ne reçoivent pas la même formation que les nobles.

Dans les campagnes, où vit la majorité des enfants, la plupart des paysans sont analphabètes. L’existence d’une école n’est pas uniforme partout : les maîtres sont parfois itinérants et annoncent leur arrivée par des pancartes. C’est généralement le prêtre de la paroisse qui éduque les plus jeunes, au moins aux prières chrétiennes.

Dans les villes, les églises accueillent également des enfants. Ces écoles sont souvent dirigées par un scholasticus, un chanoine* spécialisé, mais il y a aussi des maîtresses ! Aux 12e et 13e siècles, les écoles se développent en même temps que les villes car les marchands souhaitent que leurs enfants soient formés à l’écriture, à la lecture et au calcul afin de prendre leur succession.

     Deux garçons accueillis à l’école par des maîtresses, reconnaissables au plumier suspendu à leur ceinture. Les enfants portent un sac en tissu et une tablette pour écrire. Paris, BnF, ms. fr. 20320, f° 177v

Enfin, dans les monastères, les jeunes moines, moniales ou oblats* reçoivent une éducation proche de celle des petits nobles et plus tournée vers la prière : lecture, écriture, activités textiles pour les filles.

L’école ressemble-t-elle à celle d’aujourd’hui ?

En grande partie, oui. Les apprentissages sont les mêmes : lecture, écriture, calcul, chants.

Le mobilier peut être un peu différent selon les milieux : quelques bancs voire des lutrins. Les élèves ont des sacs de tissu en guise de cartable.

Une école bondée au 15e siècle. BnF, ms. lat.  9473, f°172

Pour l’apprentissage de l’écriture, les supports sont variés : des tablettes d’écorce jusqu’à l’ivoire, en passant par le parchemin ou la cire, à l’aide de stylet d’os ou d’argent.

Tablettes en cire et stylet, par l’association Créateurs de monde

La plupart du temps, on apprend à lire… en latin !  Cependant, des proverbes ou comptines aident les élèves à se rappeler des leçons.

Les problèmes mathématiques pouvaient être posés sous forme de devinettes :

3 jeunes hommes ont chacun 1 sœur, les 6 voyageurs arrivent à une rivière, mais 1 seul bateau ne peut contenir que 2 personnes. Or, la morale demande que chaque sœur passe avec son frère. Comment vont-ils faire ?

Ce problème est attribué au savant Alcuin, conseiller de Charlemagne.

Enfin, les élèves font aussi des plaisanteries douteuses comme couper la moustache du maître pendant sa sieste !

Le temps de la récréation, sorte de colin-maillard, Chansonnier de Montpellier, Bibliothèque inter-universitaire de Montpellier, H. 196

Après l’école

Le temps de l’école se déroule essentiellement sur la période appelée la pueritia, de 7 à 14 ans. Ensuite vient l’adolescentia, de 14 ans à l’âge adulte, où les jeunes sont responsabilisés et peuvent devenir apprentis ou entrer à l’université.

Glossaire

Chanoine : religieux lié à un chapitre cathédral, sous la direction d’un évêque. A la différence du moine, le chanoine exerce en ville au contact des laïcs et consacre une partie de son action à la l’évangélisation.

Oblat : enfant confié à un monastère par ses parents pour qu’il y soit élevé, issu en général d’un milieu pauvre.

 

 Bibliographie

L’enfance au Moyen Âge, exposition virtuelle de la BnF : http://classes.bnf.fr/ema/

Regards sur l’enfance, exposition virtuelle de l’Université de Poitiers (Antiquité et Moyen Âge dans le Prologue) : http://regards-enfance.edel.univ-poitiers.fr/

Danièle Alexandre-Bidon et Pierre Riché, L’enfance au Moyen Âge, Paris, Seuil / BnF, 1994

Didier Lett, Être enfant au Moyen Âge : anthologie de textes consacrés à la vie de l’enfant du Ve au XVe siècle, Paris, Fabert, 2010

Semaine du Goût : la cuisine médiévale

Nous changeons d’époque et passons au Moyen Âge pour cette troisième recette  de la Semaine du goût. Au menu, une boisson médiévale très connue, l’hypocras, un vin aux épices.

girofleLes épices étaient très prisées au Moyen Âge, on les trouve dans plus de la moitié des recettes et en grande quantité. De nos jours, la cuisine française en utilise beaucoup moins !

Par exemple : à la cour du Dauphiné au XIVe siècle, plus d’1 kg par an et par personne !

Quelques épices courantes médiévales : gingembre, cannelle, girofle, graine de paradis, poivre long, spic, poivre rond, fleur de cannelle, noix de muscade, feuilles de laurier, galanga, macis, lores, cumin

safran

Girofle et Safran, Grandes Heures d’Anne de Bretagne, BNF, Ms Latin 9474, 1503-1508

On a aussi cherché à produire des épices en Europe, par exemple du safran

 

La cuisine médiévale est très éloignée de la nôtre. Elle est riche en saveurs, en odeurs et en couleurs : les épices étaient utilisées à la fois pour donner du goût et pour colorer les viandes et les sauces. En dehors de la cuisine, certaines servaient à teinter les textiles, à soigner ou encore à parfumer (comme le musc).

On les fait venir d’Orient, c’est d’ailleurs ce qui a donné leur nom : le terme species désigne les produits issus du commerce avec ces régions lointaines.

En raison de cette distance, elles coûtent cher : tout le monde ne consomme pas des épices, ou pas autant. Les rois, princes et aristocrates utilisent des épices variées et en grandes quantités dans leur nourriture alors que les bourgeois se contentent de quelques-unes. Les paysans, eux, n’en dégustent quasiment pas avec leur pain et leurs légumes.

Par exemple, le poivre long (« chaud » comme le piment) était le favori des nobles. Ils le faisaient venir d’Inde du Nord-Est. Le poivre rond (notre poivre) était plutôt utilisé par le peuple.

Capture d'écran 2016-10-13 15.58.13 Préparation de repas et banquet, Psautier Luttrell, XIVe siècle, © British Library, Add. 42130, f° 207v-208

Presque tous les mets des plus riches comportent des épices qui accompagnent viandes et sauces. En France, on aime mélanger le gingembre avec la cannelle, alors qu’en Angleterre, on préfère la cannelle avec du poivre.

137L’issue et le vin d’hypocras, Paris, BnF, Français 938 fol. 69

Pour accompagner la volaille gauloise et la patina aux poires antique, vous prendrez bien un peu d’hypocras ?

C’est un vin de fin de repas, « l’issue », servi avec des oublies ou des métiers, de fines gaufres sucrées.

Hypocras

Pour fair pouldre d’ypocras prenez ung quarteron de tresfine canelle triee a la dent et demy quarteron de fleur de canelle fine, unce de gingenbre de mesche trie fin blan et une unce de gren de paradiz, ung sizain de nois muguectes et de garingal ensanble. Et quant vous vouldrez fair hypocras, prenez demye unce largemen de ceste pouldre et deux quarteron de succre et les mezlez ensanble. Et une quarte de vin a la mesure de Paris et nota que la pouldre et le succre mezlez ensanble et une quarte de vin a la mesure de Paris.

Pour préparer de la poudre d’hypocras, prenez un quarteron de cannelle très fine éprouvée à la dent et un demi-quarteron de fleur de cannelle fine, 1 once de gingembre de Mesche nettoyé et très blanc, et 1 once de graine de paradis, un sixième d’once d’un mélange de noix muscades et de garingal, et battez le tout. Lorsque vous êtes prêt pour commencer l’hypocras, prenez une bonne demi-once de cette poudre et mélangez avec deux quarterons de sucre et une quarte de vin à la mesure de Paris.

Cette recette est issue du Mesnagier de Paris, un ouvrage écrit vers 1393 par un bourgeois parisien pour sa femme et qui comporte de nombreuses recettes et conseils. Il s’agit de la recette « à froid » de l’hypocras, qui peut aussi être bouilli. Il vaut mieux laisser reposer le mélange quelques jours (certains se conservent jusqu’à plusieurs mois !)

  • Garingal : galanga, épice d’origine chinoise
  • Graine de paradis : maniguette, plante d’origine africaine au goût poivré
  • Once : mesure médiévale équivalant à environ 25g
  • Quarteron : mesure médiévale équivalant à deux onces, soit environ 50g
  • Quarte : mesure médiévale pour les liquides, équivalant à deux pintes (unité de base), soit 2×0,86L = environ 1,7L

Certaines épices se trouvent difficilement ou dans des épiceries spécialisées. De manière générale, on trouve de la cannelle, du gingembre et des clous de girofle mais aussi de la cardamome et du poivre. Le sucre peut être remplacé par du miel.

Enfin, pour une version sans alcool, privilégier le jus de pommes ou le jus de raisin, mais avec moins de sucre !

 

Pour aller plus loin :

Glossaire du château fort et découverte des végétaux

Voici deux documents réalisés par l’enseignante de CE2-CM1 de l’école de Cadillac-en-Fronsadais pour préparer ses élèves à la visite de la commanderie et du jardin médiéval de Sallebruneau.

 

DocVegetaux

 

 

Pour télécharger le document sur la découverte des végétaux, cliquez ici.

 

 

GlossaireChateau

 

 

Pour télécharger le glossaire du château fort, cliquez ici.

 

 

 

Un grand merci à elle et bonne lecture !