Rousseau et la science

La pensée de Rousseau n’est jamais binaire, d’où parfois les difficultés de ses lecteurs à bien l’interpréter. Dans Émile, l’auteur nous confie d’ailleurs : « […] j’aime mieux être homme à paradoxes qu’homme à préjugés. »

Ainsi la pensée rousseauiste est mouvante et vivante : elle évolue, dans sa cohérence, au fil des ans. C’est ce qu’écrit Alexandre Moatti, docteur en histoire des sciences, dans son dernier billet de blog : « […] Finalement, cela montre à quel point une pensée peut évoluer et se déployer différemment avec l’âge et sous un contexte personnel. » (http://www.scilogs.fr/alterscience/rousseau-et-la-science/)

 

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Rousseau et Voltaire

Depuis le temps que nous abordons de biais la querelle de Rousseau et de Voltaire, il n’est que temps de l’affronter plus directement.

C’est pourtant une gageure de prétendre exprimer en quelques lignes ce qui agita tout un siècle. Il ne s’agit donc là que d’un premier billet consacré à cette vaste question.

 

L’occasion nous en est donnée par un spectacle repris actuellement au théâtre de Poche – Montparnasse : Voltaire-Rousseau. Nous n’avons pas encore vu ce dialogue dont nous rendrons compte le moment venu, mais nous tenons à en signaler l’existence : http://www.theatredepoche-montparnasse.com/project/voltaire-rousseau/

 

L’auteur, Jean-François Prévand, manifeste certes sa préférence pour Voltaire, mais la pièce permet assurément d’aborder les profondes divergences entre l’auteur du Mondain et celui du Discours sur les sciences et les arts ; celui qui croyait au progrès et celui qui n’y croyait pas.

 

Il y a deux ans, à l’occasion du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau, la collection « Références » du magazine Le Point proposait une anthologie des textes fondamentaux de la querelle entre Voltaire et Rousseau : http://boutique.lepoint.fr/produit/397/voltaire-contre-rousseau. Ce recueil est une bonne manière d’approcher ce qui sépare les deux pensées. Mais au-delà, l’opposition entre les deux hommes va prendre une dimension personnelle et Voltaire, qui saura mettre en scène sa défense des grandes causes, exprimera toute sa vilénie, notamment par la publication d’un pamphlet anonyme, le Sentiment des Citoyens. Il est d’ailleurs piquant d’y voir reprocher à Rousseau son hétérodoxie : « Nous avouons encore ici la démence qu’il a de se dire chrétien quand il sape le premier fondement du christianisme; mais cette folie ne le rend que plus criminel. Etre chrétien, & vouloir détruire le christianisme, n’est pas seulement d’un blasphémateur, mais d’un traître. » Voltaire en zélateur du christianisme, voilà qui ne manquera pas d’étonner !

 

Face à une telle mauvaise foi, l’homme de la Vertu opposera sa vérité, celle qu’il livre en toute transparence dans ses Confessions.

 

Parmi les innombrables ressources pour approfondir cette querelle, nous vous proposons aujourd’hui la page du site-magister.com de Philippe Lavergne : http://www.site-magister.com/volrous.htm Les textes des deux protagonistes y sont habilement confrontés.

 

Nous recommandons également la consultation de la présentation d’une exposition présentée en 2012 au château de Ferney : http://rousseaustudies.free.fr/articleExposition-Rousseau-Voltaire.html

 

Usages de Rousseau

Soirée Le miel (8 février 2014)

Soirée Le miel (8 février 2014)

Slobodan Despot est suisse, plus exactement suisse d’origine serbe, et vient de publier son premier roman : coup de maître, salué par la critique, Le miel (collection Blanche, éditions Gallimard) est une épopée singulière, sur fond de tragédie balkanique.

Quel rapport avec Rousseau ? Celui que le narrateur revendique à la fin de son récit :

« Du temps de mes études, j’habitais une grange à l’orée d’un bois dominant le lac Léman. Paysages de Rousseau. Usages de Rousseau : les longues promenades méditatives dans ces forêts étonnamment sauvages. Je m’étais fixé un circuit de quelques kilomètres qui dessinait les formes de la Yougoslavie entre la cascade, tout au sud, qui délimitait la frontière macédonienne avec la Grèce, et la roche erratique, à l’opposé diamétral, qui rappelait le mont Triglav, point culminant de la Slovénie et donc de toute la Fédération. Une clairière au bord d’un torrent était Belgrade et la Serbie. Un étang minuscule symbolisait la mer.

À mesure que les anciennes républiques fédérées se détachaient, dans le sang ou non, de la matrice, je réduisais mon parcours. Les lieux sécessionnistes, je les évitais désormais : ils m’inspiraient une espèce d’aversion. Plus de roche, plus de cascade, plus d’étang… Au bout de cinq ans, ma ronde me prenait moins d’une heure. Seule la clairière tenait encore. Elle n’avait plus de quoi faire sécession, même si elle l’avait voulu. » (chapitre 18)

Ce passage fait écho aux Rêveries du promeneur solitaire, notamment la fin de la Cinquième promenade : « Que ne puis-je aller finir mes jours dans cette île chérie sans en ressortir jamais, ni jamais y revoir aucun habitant du continent qui me rappelât le souvenir des calamités de toute espèce qu’ils se plaisent à rassembler sur moi depuis tant d’années ! Ils seraient bientôt oubliés pour jamais : sans doute ils ne m’oublieraient pas de même, mais que m’importerait, pourvu qu’ils n’eussent aucun accès pour y venir troubler mon repos ? Délivré de toutes les passions terrestres qu’engendre le tumulte de la vie sociale, mon âme s’élancerait fréquemment au-dessus de cette atmosphère, & commercerait d’avance avec les intelligences célestes dont elle espère aller augmenter le nombre dans peu de temps. Les hommes se garderont, je le sais, de me rendre un si doux asile où ils n’ont pas voulu me laisser. Mais ils ne m’empêcheront pas du moins de m’y transporter chaque jour sur les ailes de l’imagination, & d’y goûter durant quelques heures le même plaisir que si je l’habitais encore. »

L’art de Rousseau de transcender le présent douloureux se lit dans la patiente alchimie de Slobodan Despot qui a transformé un événement insoutenable (la déportation de près de deux cents mille Serbes de Krajina) en un récit humaniste.

L’écrivain que nous avons rencontré au Centre Culturel de Serbie, le 8 février, est cet homme que la littérature a apaisé. Cette harmonie intérieure est exprimée au long du récit par la métaphore du miel, mais surtout par la figure du Vieux Nikola, oublié en Krajina de Knin pendant l’opération croate de purification ethnique.

Slobodan Despot a lu et compris le père de Foucauld « Nous faisons plus de bien par ce que nous sommes que par ce que nous faisons. ».

La statue de Glaucus

 

Bartholomeus Spranger, Glaucus et Scylla, 1580-1582, Kunsthistorisches Museum (Vienne)

Bartholomeus Spranger, Glaucus et Scylla, 1580-1582, Kunsthistorisches Museum (Vienne)

Au livre X de La République, Socrate compare l’âme « telle qu’elle paraît à présent » (???? ?? ?? ??????? ????????) au dieu marin Glaucos : « les anciennes parties de son corps ont été les unes brisées, les autres usées, et totalement défigurées par les flots, et […] il s’en est formé de nouvelles de coquillages, d’herbes marines et de cailloux ; de sorte qu’il ressemble plutôt à un monstre qu’à un homme tel qu’il était auparavant1 ».

Au début de sa « Préface » au second discours, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1754), Rousseau reprend cette comparaison : « Semblable à la statue de Glaucus que le temps, la mer et les orages avaient tellement défigurée qu’elle ressemblait moins à un dieu qu’à une bête féroce, l’âme humaine altérée au sein de la société […] a, pour ainsi dire, changé d’apparence au point d’être presque méconnaissable ; et l’on n’y retrouve plus […] au lieu de cette céleste et majestueuse simplicité dont son auteur l’avait empreinte, que le difforme contraste de la passion qui croit raisonner et de l’entendement en délire. »

« Cette céleste et majestueuse simplicité » se retrouve dans la formule inaugurale de l’Émile : «Tout est bien, sortant des mains de l’Auteur des choses » ; mais elle fait également écho au « Dieu fait bien ce qu’il fait. » du « Gland et la Citrouille » (Fables, IX, 4). Nous sommes là dans une vision providentialiste du monde.

Dans son article des Annales de la société Jean-Jacques Rousseau (librairie Droz, Genève, 2008), « Quand le visage de Glaucos devient statue de Glaucus », Bérengère Baucher observe le glissement opéré par Rousseau : du mythe platonicien du dieu marin Glaucos à la statue immergée. Dans le premier cas, l’âme est comparée à un dieu ; dans le second, à une statue. Or cette dernière est un artefact. Pour autant l’essence divine de l’homme n’est pas niée : l’homme naturel, avant les altérations de la société, bénéficiait de l’empreinte de son Créateur. Même si Rousseau n’use pas de la notion de péché originel, il y a bien dans sa pensée un avant et un après la Chute. Jean Starobinski, dans son introduction au Second Discours (Bibliothèque de la Pléiade, tome III, Gallimard, Paris, 1964), l’évoque explicitement : « Rousseau recompose une Genèse philosophique où ne manquent ni le jardin d’Eden, ni la faute, ni la confusion des langues. […] L’homme, dans sa condition première, émerge à peine de l’animalité ; il est heureux : cette condition primitive est un paradis ; il ne sortira de l’animalité que lorsqu’il aura eu l’occasion d’exercer sa raison, mais avec la réflexion naissante survient la connaissance du bien et du mal, la conscience inquiète découvre le malheur de l’existence séparée : c’est donc une chute. »

« L’homme n’est ni ange, ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête. », nous disait Pascal un siècle plus tôt. Chez Rousseau, l’homme civil sort paradoxalement de l’animalité innocente pour devenir « une bête féroce ».

1Platon, La République, livre X, 611d (traduction Victor Cousin).

Dieu et Rousseau (suite)

Nous avions promis de revenir à ce sujet, qui fait d’ailleurs la singularité de Rousseau : en un siècle où triomphe l’athéisme, le citoyen de Genève se distingue par une foi sans cesse affirmée. Au cours du « Troisième dialogue » de Rousseau juge de Jean-Jacques (cf. billet du 22 septembre 2013), le personnage de Rousseau analyse ainsi le succès de l’athéisme en son siècle :

« Mais cet engouement d’athéisme est un fanatisme éphémère ouvrage de la mode, & qui se détruira par elle, & l’on voit par l’emportement avec lequel le peuple s’y livre que ce n’est qu’une mutinerie contre sa conscience dont il sent le murmure avec dépit. Cette commode philosophie des heureux & des riches qui font leur paradis en ce monde, ne saurait être longtemps celle de la multitude victime de leurs passions, & qui, faute de bonheur en cette vie, a besoin d’y trouver au moins l’espérance & les consolations que cette barbare doctrine leur ôte. »

« Cette commode philosophie des heureux & des riches qui font leur paradis en ce monde » fait évidemment écho au vers célèbre du Mondain de Voltaire (1736) : « Le paradis terrestre est où je suis. » Mais il est également possible d’y voir une anticipation de la formule de Marx : «[La religion] est l’opium du peuple .» (« das Opium des Volkes » in Critique de la philosophie du droit de Hegel, 1844).

Or, à la différence de Marx, Rousseau ne disqualifie pas la religion au motif qu’elle serait une illusion. Il vaut la peine au contraire de s’attarder sur la légitimation qu’il énonce de la religion. Les « heureux et les riches » n’ont en effet d’autre choix, pour apaiser leur conscience, que de considérer que l’acquisition de biens et la recherche du luxe est légitime et ils s’efforcent d’entraîner « la multitude » sur ce chemin :

« Que les nouveaux philosophes aient voulu prévenir les remords des mourants par une doctrine qui mit leur conscience à son aise, de quelque poids qu’ils aient pu la charger, c’est de quoi je ne doute pas plus que vous […]. »

Rousseau montre ici, en remontant aux sources du message christique, le bouleversement axiologique qu’introduisirent les « nouveaux philosophes » : le christianisme n’étant pas une religion des « heureux et des riches », il restait aux Lumières à inverser les valeurs et à convaincre « la multitude » de les rejoindre dans leur éloge du luxe.

Concluons sur ces paroles du Vicaire savoyard (Émile, livre IV) : « Ôtez de nos coeurs cet amour du beau, vous ôtez tout le charme de la vie. Celui dont les viles passions ont étouffé dans son âme étroite ces sentiments délicieux ; celui qui, à force de se concentrer au dedans de lui, vient à bout de n’aimer que lui-même, n’a plus de transports, son coeur glacé ne palpite plus de joie ; un doux attendrissement n’humecte jamais ses yeux ; il ne jouit plus de rien ; le malheureux ne sent plus, ne vit plus ; il est déjà mort. ».

[retrouvez-nous sur la page Facebook du «Rousseau Memory Project» : https://www.facebook.com/pages/Rousseau-Memory-Project/120825014738502]

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Hommage à Raymond Trousson

Le billet consacré au club Unesco Sorbonne à Šabac aura battu tous les records puisque, depuis l’existence de la page Facebook, vous avez été plus de cent vingt à le lire : nous vous en remercions.

Continuez à faire vivre cette page (https://www.facebook.com/pages/Rousseau-Memory-Project/120825014738502) par vos commentaires et en la faisant connaître. Nous saluons au passage la bibliothèque Marguerite-Audoux (Paris, IIIe), dont les lecteurs contribuent à notre audience.

Notre objectif, vous le connaissez et le partagez, est de populariser l’oeuvre de Jean-Jacques Rousseau. Parmi les grands passeurs auxquels nous devons tant, se détache la figure de Raymond Trousson, récemment disparu. Il n’est que temps de lui rendre hommage.

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Raymond Trousson n’a pas ménagé sa peine durant l’année du Tricentenaire et s’est éteint peu après, le 25 juin 2013.

Il fut l’un des meilleurs connaisseurs de Rousseau : nous lui devons notamment l’admirable Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau publié chez Champion en 1996. Plus récemment il publia une biographie de Rousseau dans la collection Folio biographies chez Gallimard (http://www.folio-lesite.fr/Folio/livre.action?codeProd=A43739).

Mais il est surtout à l’origine de l’édition du Tricentenaire : http://www.honorechampion.com/objart/pdf/champ/cat/ROUSSEAU_Oeuvres_completes.pdf

Jean-Daniel Candaux, membre éminent de la Société Jean-Jacques Rousseau, lui a rendu hommage en un article que nous reproduisons :

« Nous sommes dans le deuil: Raymond Trousson s’est éteint dans l’hôpital de Bruxelles oû il était soigné depuis plusieurs semaines. Avec lui disparaît un des meilleurs connaisseurs du dix-huitième siècle et l’un des plus grands spécialistes de la vie et de la pensée de Jean-Jacques Rousseau.

Raymond Trousson avait une force de travail peu commune. Durant plus d’un demi-siècle, tout au long de sa brillante carrière à l’Université libre de Bruxelles et de ses prestations au sein de l’Académie royale de langue et de littérature françaises, il a publié sans relâche des ouvrages, des éditions, des recueils de valeur, se montrant à l’aise non seulement avec les grands auteurs du siècle des Lumières, mais également avec leurs émules immédiats et leurs plus lointains successeurs : Louis-Sébastien Mercier, Bernardin de Saint-Pierre, Isabelle de Charrière, Grétry, Lamartine, Stendhal, Victor Hugo, Balzac, Michelet, Anatole France…

Il ne craignait pas de faire également oeuvre de défricheur, consacrant à la fois une étude biographique et une édition de textes à des auteurs appréciés seulement de quelques fins connaisseurs tels Antoine-Vincent Arnault ou Jean-Guillaume Viennet.

Cette envergure cosmopolite s’accommodait fort bien de l’intérêt (voire de l’amour) qu’il portait à son pays, la Belgique, dont il ne cessa de mettre en valeur les meilleurs têtes littéraires, éditant Charles De Coster, Georges Eekhoud, Iwan Gilkin ; consacrant des travaux souvent importants à Michel De Ghelderode, à Charles De Coster encore, à Robert Frickx, à Charles Van Lerberghe.

Mais je crois ne pas trahir la confiance que m’avait faite Raymond Trousson en disant que la Suisse était devenue en quelque sorte sa seconde patrie. Son premier grand livre, le « Thème de Prométhée dans la littérature française » avait été publié chez Droz en 1964. Une quinzaine d’années plus tard, Raymond Trousson rencontrait Michel Slatkine, devenait son ami pour la vie, mettait ses multiples compétences , ses relations et ses talents d’organisateur au service de la maison Champion, qui connut alors un second âge d’or. En ces mêmes années, Raymond Trousson se prit véritablement de passion pour JJR, lui consacrant des dizaines de travaux, devenant membre à vie de notre Société, se liant d’autre part, et d’une amitié également indéfectible, au grand rousseauiste de Neuchâtel, Frédéric Eigeldinger, signant avec lui en 1996 et 1998 ces ouvrages incontournables que sont le « Dictionnaire » et la « Chronologie » de JJR et couronnant son engagement au service du «citoyen de Genève (et communier de Couvet)» en mettant sur pied avec l’ami neuchâtelois et en publiant chez Slatkine une nouvelle édition des oeuvres de JJR, édition véritablement complète puisque les lettres de JJR cette fois-ci n’en étaient pas écartées et qui fut présentée au public dans la maison natale de JJR le jour même de l’anniversaire du 28 juin. La Suisse sut reconnaître la valeur de cet engagement et Raymond Trousson reçut en 2010 le doctorat honoris causa de l’Université de Neuchâtel.

Raymond Trousson avait été invité à prendre la parole, de Brest à Bergame, dans tous les colloques de l’année du tricentenaire. Il réussit à remplir brillamment ses engagements jusqu’à la fin du mois d’août quand une chute stupide, dans sa rue, le priva soudain de sa mobilité et déclencha bientôt une série fatale d’accidents de santé de plus en plus graves. Il a veillé jusqu’au matin de son décès à la correction des dernières épreuves de quelques ouvrages qu’il avait sous presse et il est mort en philosophe.

Son souvenir ne nous quittera pas.

Jean-Daniel Candaux »

En complément du billet de ce jour, nous proposons, sur la page Facebok, consacrée au Rousseau Memory Project (https://www.facebook.com/pages/Rousseau-Memory-Project/120825014738502), des liens au sujet de Raymond Trousson.

Le club UNESCO Sorbonne à Šabac

 

Ce billet ne sera pas directement lié à la figure de Jean-Jacques Rousseau. Il s’agit en effet de relater la visite que des représentants du club UNESCO Sorbonne ont rendue à Branislav Stankovi?, directeur du musée national de Šabac.

 

À l’occasion du tricentenaire de la naissance de Rousseau, le 28 juin 2012, Branislav Stankovi? avait organisé un banquet citoyen, qui s’inscrivait dans le cadre plus large du projet “Venez à la rivière” (cf. billet du 28 décembre 2012). C’est ainsi que notre attention a été attirée et que des liens se sont noués. Nous avons pu nous rencontrer le week-end du 23 au 25 août 2013.

 

Le soir de notre arrivée, Branislav nous a présenté sa ville : le musée, la bibliothèque, l’église Saints Pierre et Paul, l’artère principale de la ville.

 

Šabac est une ville de taille moyenne (environ 80 000 habitants), à 80 km à l’ouest de Belgrade, sur la Sava, dans la région de la Ma?va.

 

La ville a connu sa plus grande prospérité après la seconde insurrection menée en 1815 contre les Turcs par Miloš Obrenovi?. Son frère, Jevrem devint alors gouverneur de la cité. Durant son règne furent ouverts l’hôpital et la première pharmacie en Serbie. Son konak (résidence du gouverneur) fut construit entre 1822 et 1824 comme une résidence princière par l’architecte du prince Miloš, Hadzi Nikola Zivkovic. Il fut détruit en 1906, sans doute pour complaire à la dynastie rivale des Kara?or?evi? alors au pouvoir. Une anecdote veut d’ailleurs que lorsque Pierre Ier de Serbie (Petar Aleksandrovi? Kara?or?evi?) se rendit à Šabac, il demanda à voir le konak si réputé et fut consterné d’en apprendre la destruction.

 

La ville offre un aperçu des différentes tendances architecturales qui se sont succédé au cours des XIXe et XXe siècles : Classicisme, Sécession (version autrichienne de l’Art Nouveau) et Historicisme avec le style serbo-byzantin, jusqu’aux Modernisme, Socréalisme, Structuralisme et Modernisme tardif. L’architecte Hadzi Nikola Zivkovic a particulièrement laissé son empreinte dans la ville, puisque, outre la construction du Konak de Jevrem, il est également responsable de celle de l’église des Saints Pierre et Paul.

 

Cette église fut construite entre 1827 et 1831. Kosta Dimovic d’Ohrid en a été le maître d’œuvre. Le temple a été conçu dans ce qu’on appelle le style serbe. Au milieu du XIXe siècle, le clocher de trois étages, de style classique, a été ajouté à l’église.

 

Dans le cimetière de l’église fut érigé un monument en l’honneur des victimes des guerres Balkaniques et de la Première Guerre mondiale. Celui-ci témoigne pour les générations futures de la souffrance que Šabac, nommé « le Verdun serbe » en raison de son martyre, a connue au début du XXe siècle. L’héroïsme de la cité lui valut d’ailleurs de recevoir la Croix de guerre française, la Croix de guerre tchécoslovaque et l’Ordre de Karageorges.

 

Cette église fut le théâtre d’une tragédie qui n’est pas sans rappeler celle d’Oradour-sur-Glane.

 

Le carrefour central, constitué du croisement des rues Gospodar Jevremova, Karadjordjeva, Masarikova et Cara Dusana, est particulièrement intéressant d’un point de vue architectural avec trois bâtiments qui se répondent harmonieusement :

 

  • La maison de Krsmanovic (à l’angle des rues Masarikova et Gospodar Jevremova) a été construite en 1892 comme dot de Jeanne, l’épouse du commerçant belgradois Demetrius Krsmanovic. Ce bâtiment a été dessiné par John Ilkic, l’un des architectes anglais les plus productifs au XIXe siècle. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, cette maison disposait d’une grande coupole Renaissance avec deux statues de dieux ailés assis et, debout, des statues le long de la corniche. Il a été érigé comme un bâtiment d’angle à un carrefour, dans la conception de l’Académisme, avec une riche décoration sur la façade.

  • L’hôtel de la « Zeleni venac » (« La couronne verte »), à l’angle des rues Karadjordjeva et Cara Dusana, a été construit en 1934-1935 comme bâtiment d’angle sur deux étages. Il a été conçu par Milan Minic et doit son nom à l’auberge locale qui occupait précédemment l’emplacement.

  • L’édifice de la Banque Nationale, à l’angle des rues Masarikova et Karadjordjeva, a été construit en 1938 et conçu par le célèbre architecte Bogdan Nestorovic. Sa façade aveugle contraste avec les autres bâtiments du carrefour.

 

 

Ce carrefour (Raskrsce) s’est constitué dès la Première insurrection serbe. L’identité visuelle de cette place a été gâchée en octobre 1969 par la démolition de l’immeuble d’angle monumental de Zupanija (Région). Le Zupanija était construit dans le style néo-Renaissance et avait été conçu comme un bâtiment d’angle dont la partie centrale était magnifiée par un dôme à quatre angles avec une barrière de ferronnerie.

Pascal VASSEUR

 

Projet Rousseau à Šabac

 

À l’occasion du tricentenaire de la naissance de Rousseau, le 28 juin 2012, Branislav Stankovi?, directeur du Musée national de Sabac, avait organisé un banquet citoyen, qui s’inscrivait dans le cadre plus large du projet “Venez à la rivière” (cf. billet du 28 décembre 2012). C’est ainsi que notre attention a été attirée et que des liens se sont noués au fil de diverses rencontres. Nous avons pu récemment nous rencontrer le week-end du 23 au 25 août 2013.

 

Dans un environnement de plus en plus imprévisible et incertain, le besoin de définir la bonne stratégie à travers des réunions de travail est devenu un enjeu majeur pour les administrateurs de projets. Plusieurs rencontres de concertation avec le directeur du musée et son équipe ont pris la forme d’un processus participatif d’élaboration de « stratégie Rousseau » à moyen et long terme, ayant pour objectif d’éclairer les décisions du présent et de mobiliser les moyens nécessaires à l’engagement d’actions communes. Nous avons opté pour une analyse structurelle du « Rousseau Memory Project » en tant que méthode de structuration d’une réflexion collective destinée à élaborer notre plan d’action :

– Formulation du projet Rousseau à l’échelle internationale

– Définition de notre vision : avenir souhaité de coopération durable

– Analyse stratégique : situation actuelle des projets

– Identification des axes stratégiques

– Formulation des valeurs communes

– Elaboration de notre plan d’action