ARABESQUE, de Peter William Holden
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=8XAY2Yuk94I[/youtube]
Arabesque est-elle simplement une machine à danser ? Peter William Holden mérite-t-il le surnom de Maurice Béjart des automates ? Le nom donné à son œuvre Arabesque, qui est une figure de danse classique, pourrait le laisser penser.
Mais à bien y regarder, en quelques lignes et quelques détails visuels, Holden nous ouvre la porte de son imaginaire.
Tout d’abord, la présentation du menu sur la page d’accueil est circulaire. Elle n’est pas statique, mais interagit en fonction des mouvements du curseur que dirige le visiteur, cette approche ludique contrebalançant l’aspect vaguement inquiétant des formes nébuleuses sur la droite et la gauche de l’écran.
Un rapide travail sur les champs lexicaux nous permet de dégager trois thèmes principaux :
Lexique de la technologie | Lexique du son/de l’image | Lexique du mouvement |
Industrial technology abstract synthetic computer mathematics |
Imagery pixels Hip-hop Breakdance sound |
Moving Transformation dance routines choregraphed movements |
Le point commun entre tous ces thèmes qui s’interpénètrent : la beauté transcendante qui se dégage de cette combinaison unique du son, de l’image, de la technologie et du mouvement.
Certains disaient que Tinguely était un piètre ingénieur et un piète mécanicien, mais ses créations parfois éphémères attiraient irrémédiablement l’attention de ceux qui s’en approchaient. Pourquoi ? A cause de leur caractère à la fois familier (Il utilisait principalement des matériaux de récupération, – on peut dire que d’une certaine façon, il était le précurseur du recyclage) et complètement étrange : il détournait complètement les objets recyclés de leur sens premier et de l’emploi auquel ils étaient initialement destinés.
Tinguely considérait la fragilité de ses œuvres comme une force : dans le contexte historique de l’époque, les trente glorieuses, il s’opposait au culte de l’objet neuf, produit en masse. Ses créations étaient uniques, ludiques et inutiles. Son message ultime : Tout dans la vie a une fin, y compris l’art, qui peut être sublimé dans son caractère éphémère.
Pour en savoir plus sur Jean Tinguely, clique ici
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=hsfvsBxVxbk[/youtube]
Jean Tinguely, l’inventeur des sculptures mécaniques, considérait le britannique Jim Whiting comme son digne successeur. Il faut avouer qu’Arabesque fait irrémédiablement penser au Mechanical theatre de Whiting. Jim Whiting est surtout connu depuis 1984, année où il réalisa pour un clip musical tout une famille de robots humanoïdes mis en scène dans une maison. Le clip fut récompensé par un Grammy et 12 MTV awards. Peter William Holden fut l’un de ses assistants ses assistants…
Le but de Jim Withing ? Créer des œuvres originales et ludiques, qui happent le spectateur au sens figuré comme au sens littéral, et lui procurent du plaisir.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=nK0Pi4wC8Hk[/youtube]
Dans les artistes qui ont influencé PW Holden, Busby Berkeley tient une place de choix. Quel rapport entre le jeune plasticien britannique et l’ancien militaire américain né quatre-vingt ans plus tôt que lui? Tout d’abord, un goût de l’ordre et de la cadence. Busby Berkeley mit son talent au service des caméras d’Hollywood et créa de nombreuses chorégraphies géométriques, tirant le meilleur parti des contraintes du noir et blanc. Il est resté célèbre pour sa manière bien particulière de filmer : il prenait de la hauteur, avant de redescendre sa caméra en de longs travellings fluides sur les corps en mouvement, donnant son nom à une façon bien particulière de filmer : la Plongée Berkeley.
Pour en savoir plus sur Busby Berkeley, clique ici.
Soixante-dix ans plus tard, P W Holden a remplacé les muscles par des membres de plastique, mus par des pistons et de l’air comprimé.
Si Arabesque est composé de parties de corps humains (jambes et bras), vu d’en haut, ]l’ensemble évoque indéniablement une sorte de fleur aux pétales improbables. Son mouvement rappelle celui d’une corolle dans le vent tout autant qu’une fleur maritime se mouvant au gré des courants marins. Dans la présentation de son œuvre, P W Holden la décrit en ces termes : « a mechanical flower, a similacrum of nature. »
L’analogie avec le monde du vivant en général et du végétal en particulier, est poussé un degré plus loin encore dans son œuvre suivante Nelumbo, qui reprend et transcende ces éléments : il s’agit de fleurs métalliques, qui n’appartiennent pas au monde du vivant dans le sens où les matériaux qui les composent sont des pièces de métal, mais en même temps, elles représentent la féminité et la vie dans leurs courbes sensuelles.
Féminité aussi dans le choix du nombre de membres présentés : c’est un nombre pair, huit jambes, huit bras, – tout comme les huit fleurs de Nelumbo, les huit chaussures de Solenoid et les huit parapluies d’Autogene.
Ses premiers mobiles étaient faits de pièces métalliques, parapluies, chaussures à claquette, – puis des parties de corps humains (bras et jambes de mannequins).
Le choix même du morceau de musique sur lequel les membres empalés bougent est « le Beau Danube Bleu » de Strauss, un morceau qui rappelle irrémédiablement le film de Stanley Kubrick 2001 Space Odyssey, dans lequel le vaisseau Discovery One, est détourné par son ordinateur, Hal 9000 qui supprime ses pilotes humains… (Tout comme la créature de Victor Frankenstein finit par se retourner contre son créateur en tuant tous ceux qu’il aime…)
D’une certaine façon, Arabesque annonçait ce tournant artistique : il n’y a pas un point de vue, mais des points de vue pour approcher l’oeuvre. Elle offre un spectacle complètement différent en fonction de l’endroit d’où on l’observe. Le visiteur ne peut plus rester en statique : il lui faut lui aussi bouger, se mettre en mouvement, pour découvrir l’oeuvre dans toute sa complexité.
« In my recent work, I have concerned myself not only with the sculpting of three dimensions but also with a fourth, the dimension of time. »
Ses créations ne sont pas que de simples objets matériels: leur essence artistique tient à un ensemble de composants parmi lesquels le temps joue un rôle essentiel. Ce qui s’inscrit dans une durée temporelle a un début, et une fin…
Pourquoi le choix d’une forme circulaire ? Elle représente à la fois la course des objets célestes et le cycle de la vie. Les autres œuvres de Holden, SoleNoid et Autogene reprennent cette même forme. La forme circulaire est la seule qui permette un mouvement perpétuel, qui irrémédiablement vous ramène à votre point de départ spatial, mais jamais temporel. Le mouvement circulaire est chronophage. Il est à la fois promesse d’infini, et anonciateur du temps qui fuit, irrémédiablement…
La beauté naît du mouvement, mais le mouvement engendre la destruction…