Pour en finir avec le fameux “goût de l’effort” !

medium_3161095736Ah, le goût de l’effort, tout le monde l’évoque, surtout les « c’était mieux avant »… un de mes Rantanplans pédagogiques (voir ce billet) disait même il y a quelques jours que son absence était responsable des mauvais résultats de nos jeunes à PISA.

 

Mais quel goût a-t-il donc d’abord cet effort !? Sucré, salé, acide ou amer ?* Plus sérieusement, j’ai cherché et n’ai trouvé aucune définition de ce fameux goût de l’effort, si vous en trouvez une, cela m’intéresse, signalez-le moi… Donc à défaut j’ai cherché “effort” puis “avoir le goût de…”.

 

[L’effort est celui d’un être vivant] Mise en œuvre de toutes les capacités d’un être vivant pour vaincre une résistance ou surmonter une difficulté. (source CNRTL)

 

[goût de] Attraits pour certaines choses concrètes ou abstraites, considérées comme sources de plaisir ou dignes d’intérêt, pouvoir d’en jouir ou d’en tirer satisfaction. (source CNRTL)

 

Donc la mise en oeuvre de toutes nos capacités (ce qui suppose de la fatigue physique, intellectuelle, psychique, nerveuse…)  pour surmonter un obstacle devrait être, en soi, une source de plaisir ? Vraiment ? Ils sont sérieux ceux qui affirment que “les enfants d’aujourd’hui – vous savez ceux du zapping – n’ont plus le goût de l’effort !” Mais qui l’a, ou l’a eu, ce goût de l’effort ? Vous, moi, eux ? Mon avis c’est que personne ne l’a, sauf peut-être des êtres masochistes qui tirent du plaisir de la souffrance…

En outre, des efforts consentis par devoir, pour échapper à un sentiment de culpabilité, et non parce que le but est vraiment souhaité, ne mènent à mon sens qu’à l’aigreur et ne rendent en rien les choses meilleures… ni pour celui qui accomplit les efforts, ni pour ceux sur lesquels ils vont peser. Cela m’évoque les “je me suis sacrifié pour vous” si insupportables à entendre et si contreproductifs au fond !

 

Ce qu’on peut aimer dans l’effort, ce n’est pas l’effort en lui-même, c’est le sentiment d’être capable, de pouvoir se dépasser pour atteindre un but qui nous motive suffisamment. Et ça, les enfants d’aujourd’hui, comme ceux d’hier, en sont tout à fait capables ! Si, si, je vous assure ! Du tout petit capable de recommencer des dizaines de fois à la suite des essais pour se mettre debout, à l’enfant qui recommence inlassablement le même niveau du jeu vidéo jusqu’à terrasser le boss, à l’élève de CM qui refuse de sortir en récréation car il n’a pas terminé d’explorer toutes les pistes permettant de résoudre une situation problème, sans oublier l’adolescent passant des heures sur le Net pour apprendre de façon autonome les rudiments du code informatique… Nous sommes tous, et les plus jeunes encore davantage je crois, capables de nous mobiliser et de fournir des efforts quand “le jeu en vaut la chandelle”.

 

Et si le problème résidait surtout dans notre faible capacité à proposer à nos jeunes des défis intéressants à relever, à les encourager, à les laisser se lancer dans des projets même (surtout) s’ils nous semblent un peu fous ?

 

Je suis même persuadée que “les donneurs de leçons du goût de l’effort” ne veulent pas faire d’efforts justement ! Ils préfèrent se lamenter en jugeant négativement nos enfants/nos élèves au lieu de leur montrer l’exemple en étant des adultes dynamiques, positifs, attentifs, capables d’évoluer et d’inventer avec eux le monde de demain !

 

Si en plus ce sont des enseignants, s’ils ne croient pas/plus en leur capacité à motiver les élèves… et bien qu’ils changent vite de métier !

Crédit photo : Amy McTigue via photopin cc
* Merci à Stéphanie Valmaggia pour l’idée de cette prise au pied de la lettre

Jyaire

Au-delà du jugement de tes rantanplans, on ne peut que partager ta définition de ce qu’on peut aimer dans le « goût de l’effort »… Toutefois, au risque de paraître encore contradicteur (décidément, tu me mets en questionnement dans tes articles ^^), j’ai quand même cette impression qu’aujourd’hui, nous avons beaucoup de choses « pré-mâchées », y compris pour nous adultes, qui nous empêchent de connaître cette expérience de « j’ai surmonté la difficulté, j’en suis capable ».

Bien-sûr les enfants en sont encore capable, et prennent goût justement à se lancer des défis… mais le confort de nos sociétés modernes a diminué ce goût dans le quotidien, c’est clair (et tant mieux pour nous).

De là à dire, ou à se lamenter, sur le « j’étais mieux avant », je te rejoins, c’est improductif, et je partage pleinement ta conclusion… Si on n’a plus la force d’emmener nos élèves, qu’on change de métier, ou qu’au moins on teste d’autres chemins ! :-)

devanssay

Oui dans notre vie beaucoup de choses sont « pré-mâchées », facilitées, nous n’avons plus à chaque instant à lutter pour notre survie biologique, trouver à manger… et cela nous libère du temps et de l’énergie pour fournir d’autres efforts, pour des défis peut-être plus essentiels.
Je suis d’accord avec toi, on devrait plutôt parler du goût de relever des défis, et là je suis catégorique, le problème ne vient pas des enfants et des jeunes mais des adultes qui freinent et abiment ce désir que les plus jeunes ont tous au départ !

GAILLARD

Attention, il faut bien être conscient que les nouvelles technologies, entraînent l’utilisation à outrance d’une partie du cerveau qui se développe plus que celle que nous utilisons lorsque l’on crée nous même quelque chose.

Il est évident que dans le goût de l’effort ce n’est pas la souffrance due à l’effort qui est jouïssive mais bien le fait d’avoir été capable de dépasser cette souffrance.

ne pas craquer dans une côte quand on fait du vélo, ça veut dire être fier de soit, ça entraîne avoir confiance en soi, se sentir fort, ça veut aussi dire être capable de refuser de fumer un joint ou de snifer un rail quand on est plus grand – ça aussi ça demande un effort –

Si chaque adulte poussait son enfant, ne le laissait pas devant « Mario Bross » et lui disait
« tu vois tu es fort puisque tu as réussi, il n’y aurait pas d’adolescent mal dans leur peaux déprimant…

Pour moi il n’y a pas de « c’était mieux avant » quand on ne discutait pas avec les enfants que les filles se retrouvaient paniquées aux premières règles …
Mais ce goût de l’effort il fait partie de la construction fondamentale de chacun