La construction du rapport à la Loi, une fausse bonne idée ?

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Une équipe dans une école en milieu scolaire difficile à Paris s’est attachée à affermir le « rapport à la Loi ». Cela a été une (bonne) occasion d’envisager cette approche sous un angle plus… systémique que frontal.

La réflexion peut partir d’un postulat à vérifier : Est-ce que parce qu’on affermit la Loi les choses vont être plus claires ?

Nous pouvons nous inspirer de l’exemple de la conduite automobile . La Loi prescrite dans le Code civil et les règles (Code de la route) sont édictées au-delà de nous, il n’existe pas d’adaptation locale en milieu rural ou en milieu parisien ! : la question ne porte pas sur l’application (ou non) des règles, mais plutôt sur la manière dont chacun d’entre nous s’approprient ces cadres et « jouent » avec elles : tout trajet est une prise de risque ; il peut y avoir une confiance absolue en la Loi, mais chacun pourtant exerce sa vigilance et son questionnement à tout instant, par prise d’indices (devant, à côté, derrière) et par régulation de son action au regard d’un contexte mouvant et dynamique ; cette veille devient réflexe de survie, qui permet que tout cela se passe normalement bien ; et pourtant les incidents, ou accidents, existent. Le rappel à la Loi empêche-t-il ou prévient-il tout cela ?

Si je veux conduire une classe, une école,, à quoi dois-je veiller, quels sont les réflexes que je dois acquérir ? Que dois-je vérifier, quand bien même lois et règles existent ?

Le CRL seulement perçu sous l’angle de l’interdit, sous la forme d’un règlement prescriptif et chargé « négativement » peut être un choix formel, restrictif et « punitif », mais ce n’est pas la Loi. C’est une tentative de réponse réactive à une autre question : comment réduire la violence entre les élèves.

Si la seule réponse est le renforcement des interdictions (et la recherche de sanctions), c’est-à-dire une forme de répression, c’est inefficace. Nous le constatons dans la vie « civile, dans la vie personnelle ; il n’y a pas forcément de raisons objectives pour que cela fonctionne dans la vie scolaire.

La liberté, c’est la responsabilité, par, pour et avec les autres

Prenons un autre exemple… de conduite : si on veut apprendre à un enfant à faire du vélo, le parent attentif peut l’équiper de roulettes, mais l’enfant n’apprendra pas pour autant le principe du vélo, à savoir le déséquilibre dynamique. Il faut bien faire son deuil de la sécurité absolue pour permettre de commencer SANS roulettes, en l’accompagnant, pour autant avec un maintien plus ou moins ferme: pour éprouver la liberté, il faut un espace de prise de risque, un espace de DECISION.

A présent qu’il se lance, si le cher parent met l’enfant qui apprend le vélo sur une voie, mais en lui signalant les deux poteaux qui la coupent, l’enfant aura une tendance forte à foncer dessus, tout concentré qu’il est à vérifier, dans la complexité des opérations mentales et physiques, à combiner ses gestes et choisir sa direction. En voulant trop l’assister, le parent peut être alors agent indirect de la chute.

Ce n’est pas le moindre des paradoxes qu’en signalant le danger, la chose arriva. Nous pouvons penser qu’en travaillant explicitement de manière focalisée sur les choses à éviter en matière de « vie scolaire », les choses n’arrivent de même. A trop focaliser sur les interdits à l’Ecole, dans une volonté de tout régenter, une équipe peut armer certaines situations, quand on sait que les enfants apprennent d’une certaine manière à (se) jouer avec les interdits, pour grandir.

ATTENTION : le CRL peut être une réponse décalée. Que voulons-nous voir changer concrètement dans l’école ?

Il s’agit d’étudier nos pratiques et celles de nos élèves, nos attentes et les leurs, et les interactions entre ces deux « mondes ». Car, ce qui nous gêne les gêne-t-il vraiment ? Sommes-nous, nous enseignants entre nous, certaines que ce qui gène soit les mêmes actes, au même degré, de la même nature. Les variations peuvent être grandes dans ce domaine (grilles de lecture différentes).

Ainsi, Eric Debarbieux [1]nous prévient, en cherchant à affermir la Loi, nous traitons finalement autre chose : le traitement des incivilités,. Ce sont ces micro-actes, paroles, situations infra-légales et donc non traitées qui pourrissent notre système de représentations du « monde », de l’ordre des choses de l’Ecole. C’est pour cela que nous ressentons parfois un malaise certain : les incivilités concourent à une ambiance parfois délétère qui n’est pas traité directement par la Loi. La question fondamentale est celle des valeurs que nous défendons, et de la manière dont nous pouvons les transmettre aux élèves.

Retournons la question : que souhaitons-nous ? Comment transformer ces messages négatifs d’interdits, de sanctions, en messages positifs ? En cadrant sans arrêt, on envoie un message négatif qui risque d’influencer négativement les comportements des élèves : effet Pygmalion (voir enfant à vélo à qui on demande de faire attention aux poteaux sur la route et qui fonce dessus).

Il s’agit de travailler sur la positivité des messages et des réactions, de mettre l’accent sur ce qu’on a le DROIT de faire, et sur les raisons pour lesquelles il est intéressant de le faire, mais aussi sur les régulations nécessaires et supports d’apprentissage de la vie sociale.

METTRE EN SYSTEME VIE SCOLAIRE ET APPRENTISSAGES

Penser aux liens : dans l’école, il n’y a pas seulement les LOIS, mais aussi et surtout les APPRENTISSAGES (inscrits eux aussi dans le registre légal, sans pour autant être des « lois » : socle commun, programmes etc…). Il s’agit de penser en système, pour voir comment les deux fonctionnent ensemble :

Comment ces deux pôles s’articulent-ils ?

Si on charge négativement le pôle LOIS, quelle ombre cela peut-il jeter sur le pôle APPRENTISSAGES ?

Centrer l’attention collective et l’action individuelle sur les apprentissages, peut avoir des effets positifs sur les rapports entre les élèves et sur la régulation des relations et des tensions. Si on centre l’énergie collective sur les lois, qui plus est de façon négative, on risque d’appauvrir le reste.

Le travail porterait donc plutôt sur la manière dont on organise la classe et les apprentissages. Les apprentissages peuvent servir de médiations / problèmes rencontrés.

Il ne s’agit pas de « faire le programme » uniquement, mais de veiller, à l’instar de la conduite, à donner toute son importance à la manière dont les élèves travaillent ensemble, du travail de coopération et sur les connaissances interpersonnelles que la classe organise : plus on connaît l’autre, moins on l’agresse. Ce sont l’ignorance et la distance qui créent la violence. La violence naît quand les mots s’épuisent.

Le SOCLE COMMUN des apprentissages est intéressant dans ce qu’il peut servir de cadre pour tout ce travail à mettre en place dans les classes : tout y est, en intégrant explicitement dans les apprentissages les dimensions d’autonomie, de coopération, de régulation, de vie collective. Apprentissages tout aussi fondamentaux que la maîtrise de la lecture. Il est aussi une grille d’évaluation intéressante pour voir ce qu’on a développé dans notre travail, et si ce qu’on a mis en place a des effets.

A l’autre bout de la « chaine scolaire », il est intéressant de constater que les trois principales raisons pour lesquelles sont rompus les contrats des apprentis sont toutes en lien avec le socle commun des apprentissages :

Mauvaises relations avec le reste de l’équipe, les clients…

Absentéisme (absence de cadrage mental / gestion du temps)

Difficultés à lire et à écrire

Les compétences manquantes ici dans le domaine professionnel sont bien assurément des compétences insuffisamment travaillées dans le domaine scolaire.

Il est important de voir avec les élèves la dimension sociale de l’apprentissage, notamment en cycle 3 : quelles projections possibles ? De rencontrer non pas des collégiens (trop proches) mais plutôt des lycéens ou des plus grands encore peut leur donner des indications / possibilités qu’ils ont de se projeter, et leur permettre de comprendre les règles comme n’étant pas seulement édictées par et pour l’école.

L’exemple du lycée-collège Bergson (19ème arr), peut nous renseigner sur cette interaction entre situation scolaire dégradée et apprentissages : une enquête portant sur le sentiment de discrimination des élèves a été menée : en 4 ans, le pourcentage d’élèves se sentant discriminés est passé de 80 % à 10 %. Pendant ce laps de temps, tout l’établissement a travaillé sur la question du développement durable, dont les aspects sociaux et citoyens sont très importants., et donc pas seulement sur le tri des déchets ! Sur plusieurs années, les classes de l’établissement ont travaillé, de manière variée, complémentaire et participative, chacune à différents aspects du problème. Une fois le bilan énergétique fait par certaines classes, le relais a été passé à d’autres, qui ont fait des propositions, des vraies, que d’autres classes encore ont étudiées, etc. Les applications concrètes ont été actés dans le fonctionnement de l’établissement.

ELEMENTS IMPORTANTS dans ce genre de projet :

Les élèves sont véritablement impliqués (valorisation, motivation, investissement, coopération, choix)

On fait le deuil de l’immédiateté pour s’inscrire dans un temps LONG : on travaille sur les représentations, qui viennent de loin : le travail ne peut se faire que lentement

Travail sur l’espace : on refait l’établissement, et pas seulement son règlement. C’est une aventure collective, adultes et enfants, on remet en jeu différentes dimensions.

Dimension artistique : création + esthétique en lien avec l’estime de soi. La création est une extériorisation de l’intériorité, fondamentale dans ce type de projets (voir aussi poupées UNICEF). Voir notamment les ateliers d’écriture :. La mise en mots est un vrai traitement préventif, qui permet de changer le rapport entre prof et élèves autant qu’entre élèves, et nous déplace professionnellement (tout ne dépend plus de nous).

Place et temps donnés à la parole de l’élève, à l’élaboration collective régulière, à la régulation collective dans des conseils, à la complexité, à l’expression de soi jouent sur le climat de l’établissement

MEDIATIONS et DERIVATIONS

Ici, il devient intéressant de recourir au concept développé dans l’analyse systémique et chez les psychologues et psychiatres : les situations duelles, les oppositions terme à terme, personne contre personne, évoluent la plupart du temps en escalade symétrique, et en renforcement négatif, jusqu’à clash. Chacun, dans la confrontation à l’autre, renforce sa résistance. La régulation ne peut se faire qu’en triangulant la relation avec un troisième élément dérivatif et créatif. C’est le « pas de côté » qui permet de dégonfler bien souvent des situations conflictuelles.

Ainsi, en guise de médiation à l’Ecole, il s’agit d’OUVRIR le champ des possibles qui s’offre aux élèves, d’élargir son horizon , ses représentations, ses « mots » au maximum :

Par exemple en travaillant avec eux à partir des vidéos sur les situations d’écoles d’Amérique du Sud ou d’Asie (l’Afrique, trop proche, ne permettrait pas de véritable médiation culturelle) – voir site http://www.curiosphere.tv/, qui propose de nombreux documents et vidéos / thèmes éducatifs. Une fois la vidéo regardée, discussion / ce que fait le maître, ce que font les élèves, ce qu’ils apprennent, les conditions… On pourrait ritualiser ce moment en étudiant chaque semaine pendant une dizaine de minutes un nouveau document / écoles du monde.

Mais aussi en s’appuyant sur des contenus de savoirs, qui peuvent sembler exigeants… tout comme le vélo quand on commence ! Les Contes, les mythes et quelques autres grands textes de la culture patrimoniale ont une portée symbolique et projective qui concerne tout petit d’Homme ; en évoquant le héros, en s’affrontant à des angoisses humaines, l’enfant s’outille pour les dépasser (voir Boimare, qui travaille au CMPP Claude Bernard et pourrait intervenir si on le lui demandait)

Il est fondamental de TRIANGULER la relation, de faire du savoir un médiateur dans la relation prof / élèves.

Au lieu de chercher, parfois vainement, à reconstruire la Loi, qui de toutes façons est déjà écrite, il s’agirait d, imaginer des parcours de dérivation destinés à organiser et à réguler les relations, en apprenant ensemble.

Pour cela, sans forcément sortir des logiques de classe, on peut envisager des dispositifs de tutorat pour travailler sur le différentiel (d’âge / de niveau / de support) et produire une dynamique.

Parcours d’élèves, de groupes d’élèves mobiles sur périodes de plusieurs semaines : pour une partie du temps scolaire, mixage dans les classes pour des groupements différents qui impliquent le choix des élèves : atelier d’écriture, découverte des écoles du monde, ateliers d’expression artistique, contes… Ces différents groupements permettent les mêmes apprentissages (notamment / compétences sociales et civiques + autonomie et initiative du socle commun) avec colorations différentes selon les domaines.

On donne ainsi le choix aux élèves, après un entretien portant sur les raisons pour lesquelles il choisit tel ou tel groupement (on part de ses envies ou de ses besoins).

En travaillant sur la différenciation, et pas forcément toujours sur la remédiation (réparation), on agit sur la pacification des esprits, des relations et de la vie collective. André de Peretti nous le signale: « on apprend par, avec et pour les autres ». Et c’est tant mieux.


[1] Voir Eric DEBARBIEUX, sociologue, université de Bordeaux, expert dans l’analyse de la violence scolaire :

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/larecherche/Pages/2006/analyses_71_ViolencescolaireJesuispessimistenousditEricDebarbieux.aspx

Peut-on (encore) innover en classe, avec et par et pour les élèves ?

Article à destination du Café pédagogique n°97, nov. 2008

propos recueillis par François Jarraud

« 1001 propositions pédagogiques » est un livre original, foisonnant,
c’est tout sauf un manuel et le titre lui-même est éclairant. Pourtant
il a un but. Pourquoi prendre cette forme plutôt qu’une formule plus
classique ? Par quel bout faut-il le prendre ? Ne risque t on pas de
s’y perdre ?

Peut-on engager à l’innovation et à la créativité en éducation, en formation, en animation, en enseignement en adoptant des formules plus « classiques » et attendues, plus respectueuses de notre coutume française et universitaire ? Sans doute, d’autres l’ont fait, avec talent. Combien de thèses sur l’éducation ont été produites, mais avec quel effet et pour quel public enseignant ? ; les éditeurs comme les inspections déplorent le manque d’approfondissement didactique et professionnels[1] de leurs enseignants ? A l’opposé, combien d’ouvrages et d’essais de rentrée, plus conformes, ont été publiés, pour dénoncer, décrier et déstabiliser finalement le monde scolaire ?

Notre choix est délibéré, il prend appui sur plusieurs éléments : d’une part, il nous semble intéressant, voire nécessaire pour notre public professoral, de parier sur une isomorphie entre situation d’enseignement et situation de formation ; il est difficilement tenable de dire à présent « il est possible de faire différent » et de tenir le cadre rigidement, sans soi-même ne rien changer. Ce n’est pas le moindre des paradoxes actuels de notre gouvernance.

D’autre part, nous avons conçu l’ouvrage pour que le lecteur puisse s’y plonger ; son premier titre avait d’ailleurs « voyage au centre de l’enseignement », en hommage à Jules Verne, telle une invitation au voyage, avec ses détours et trouvailles inattendus. La lecture n’est pas linéaire ; ouvrez-le sur une page quelconque, nous faisons le pari que vous pourriez y piocher un élément, un point d’appui [2] pour étayer originalement pour votre enseignement.

Ce principe de lecture s’inspire beaucoup notre expérience de l’internet[3], que nous développons depuis quinze ans à présent, sur la démarche de sérendipité[4]. Cela nous semble une réponse à la complexité de notre métier et aux interactions fortes actuelles entre pratiques de classes, organisation du travail et valeurs professionnelles. Quelle que soit l’entrée que vous aurez privilégiée, elle vous ouvrira sur une même réalité, dans sa riche complexité, dont vous ne pourrez ignorer les autres facettes. C’est ce principe que vous pouvez retrouver dans le « Manuel de survie à l’usage de l’enseignant, même débutant[5] », qui vient d’être actualisé cette année.

Se perdre, mais c’est ne pas prendre de décision originale et stimulante; on retrouve vite la métaphore de Descartes de « l’homme dans la forêt ».L’ouvrage met le lecteur en situation de choix responsables et de micro-décisions à prendre, à tester, à analyser., en habilité et en évitant les risques de monotonie et d’ennui, contre-productifs.

l’ouvrage est riche en suggestions, en expériences. En quoi votre
position professionnelle a pu vous aider à enrichir le livre ?
Notre ouvrage illustre la confluence de trois sources : d’une part, il actualise les travaux engagés de nombres d’équipes de terrain qui avaient été formalisés dans le cadre d’une recherche à l’INRP sous la direction d’André de Peretti[6] sous le titre de « Rapport sur les points d’appui de l’enseignant », à une époque où la diffusion et même la publication étaient encore à son balbutiement ; pourtant réédité, mais l’accès était rare, et aride ; c’était une véritable banque de données, dont bien des planches avaient été extraites pour animer des formations, jusqu’à en perdre la référence initiale. Le temps a joué son rôle de sédimentation, et nous avons choisi de prendre appui sur quelques éléments encore très actuels pour notre métier.

D’autre part, c’est toute l’expertise d’André de Peretti[7] qui anime l’ouvrage ; il reste la personnalité qui a présidé à l’émergence de la professionnalité de l’enseignant, en engageant résolument la réflexion sur la nécessaire formation, initiale et continue, au sein de l’Education nationale en France. L’histoire institutionnelle en décida après autrement : avec la complication de nos organisations scolaires, administratives et universitaires ; les dispositifs ont été brouillés. A l’heure du débat de fond sur le métier lui-même, et partant, sur la formation nécessaire et utile des enseignants, il nous a semblé opportun de signaler l’obligatoire renforcement des compétences et des connaissances en matière de variété requise des pratiques et des organisations de classe, domaine pas forcément investi dans l’université.

Enfin, plus personnellement, mon positionnement institutionnel en tant que responsable de la mission « innovation et expérimentation[8] » dans une académie, m’invite depuis plusieurs années déjà à accompagner les changements profonds et durables des pratiques individuelles et collectives du premier comme du second degré ; cela passe autant par l’analyse partagée des dispositifs[9] en place, par la formation des formateurs[10] et des conseillers au niveau national, comme par la production de ressources et d’instruments issus de ces travaux.

Ainsi, inviter à la variété des pratiques n’est pas futil : elle prend appui non pas tant sur les possibles, dans une virtualité onirique, que sur des pratiques « déjà là », encore émergeantes. Les suggestions sont donc des expériences validées, affinées et diversifiées, qui permettent d’espérer une évolution de notre système d’éducation, non tant par la réforme, que par les pratiques. Changement du 3ème type[11], dirait Perrenoud.

Toute une partie du livre colle au quotidien de la classe. Mais un
prof seul peut-il réellement « innover en classe » ?

Le quotidien de classe, c’est l’environnement où tout se fait, ce sont ces micro-actes, gestes, paroles et interactions avec les élèves qui, à terme, fabriquent les performances ou les échecs ; c’est pourquoi il est important de porter notre attention sur ce domaine « allant de soi », et jamais bien exploré, comme si tout « allait de soi ». Qui le voit d’ailleurs ? Où en parle-t-on ?

Votre question peut paraître étonnante, au moins sur deux points : le « pouvoir » et « innover ». D’abord, dans la prise de décision, dans son style d’enseignement, s’agit-il de « pouvoir », c’est-à-dire de disposer, en responsabilité personnelle, de moyens ou de dispositifs particuliers éprouvés externes qui invitent à l’action ? Ou alors de «savoir », domaine où la formation peut agir mais aussi où il est important de faire l’inventaire expert des outils et des pratiques (c’est un peu le sens de notre ouvrage), ? ou encore, de « vouloir » ; dans ce domaine, est-on sûr qu’il est acquis que tout professeur cherche à innover en classe ? Notre corps enseignant est très partagé sur ce point.

« Innover » n’est pas forcément le nouveau à tout prix ; c’est combiner, souvent chercher des alternatives quand on est confronté à un problème irrésolu, quand vous sentez qu’il n’y a pas d’ajustement entre ce que vous mettez à disposition des élèves et leurs résultats en ce qu’ils en font . Certains pourraient s’en contenter, en imputant les défauts à une causalité externe, d’autres vont tenter d’interroger ce microsystème subtil entre professeur/savoirs/élèves. Le point de vue est très différent, les conséquences aussi !

Avec André, nous invoquons « l’effet Bunuel[12] » comme métaphore, à partir de l’analyse du film de l’Ange exterminateur, où tout un groupe se trouve enfermé, sans avoir oser une seule fois ouvrir la porte…pourtant ouverte. Mais il faudrait oser user de sa responsabilité personnelle pour sortir de l’enfermement stérilisant.

Parmi toutes ces expériences j’avoue que c’est la partie sur la
gestion du temps scolaire qui m’a le plus passionné. Il y a là des
réalisations concrètes, présentées rapidement et efficacement et qui
ont remarquablement réussi. Votre ouvrage les fait connaître. Mais
pourquoi ces informations ne circulent-elles pas plus ?

Combien je partage votre enthousiasme et votre étonnement en même temps ! Bien des équipes n’attendent pas réformes et injonctions pour ajuster au mieux leur organisation scolaire, temps et espace, à la recherche de la performance de leurs élèves. Ce qui les différencie des autres, c’est qu’un collectif organisé, avec direction et formation dans le coup, s’applique à toucher à la loi d’airain de notre système : l’organisation tayloriste de nos établissements. Mais heureusement, toutes sortes d’établissements[13] l’ont fait et le font actuellement, ce n’est pas réservé aux seuls élèves « décrocheurs » comme on le voit souvent, mais aussi pour des établissements parfois élitistes. C’est donc qu’il y a aussi une réelle plus-value, pour tous, dans une organisation du temps modulé avec efficacité.

Cette approche du « temps mobile » n’est pas nouvelle ; Aniko Husti[14] l’avait déjà diffusé dans les années 80/90, ses conclusions reprises aussi dans les rapports de l’Inspection générale[15]. Le réseau de l’innovation[16] a engrangé tout cela depuis des années, et mis en ligne. Nous avons donc les études de cas, les outils, les évaluations, les « savoirs professionnels » à disposition. Mais… qu’en faisons-nous ? Et à quelle échelle de diffusion et d’expérimentation ?

Nous touchons ici des « fondamentaux » de notre métier et de notre culture professionnelle : chaque établissement a sa propre histoire, dispose d’une combinatoire spécifique entre compétences présentes, valeurs assumées, mode de direction ; nous sommes dans une organisation humaine et professionnelle complexe, où l’engagement n’est pas collectif, il reste du domaine de l’acteur ; nous savons ce qui « marche », nous savons en décoder la réussite ; mais nous sommes collectivement en incapacité de reproduire le phénomène, tout du moins en masse.

La question porte autant sur la responsabilité de chacun des acteurs, que dans la prise de décision au niveau politique. N’oublions pas un échelon, celui des « corps intermédiaires » (formateurs, conseillers pédagogiques, inspecteurs, directeurs) qu’il s’agit d’impliquer dans ce jeu. Le changement d’organisation impacte tous les métiers et les relations entre les gens, à tous les niveaux ; ce ne peut être seulement qu’une « affaire de profs » !

Visiblement vous croyez dans la diversité, la créativité. En
théorie elle est possible à travers l’article 34, le dogme de la
« liberté pédagogique ». Mais on voit bien qu’en fait l’un et l’autre ne
changent pas grand chose, si ce n’est souvent faire admettre de
véritables régressions. Comment impulser une véritable diversité dans
l’éducation nationale ? Quelles pourraient être les conditions du
changement ?

Il ne s’agit pas de foi, mais d’une analyse sur le fonctionnement des systèmes. L’égalité mathématique ne fonctionne que par la diversité des éléments et non leur identité. On dit bien A = B. Toute dynamique[17] n’existe que par les différentiels.

L’article 34 de la loi de 2005 donnant le droit à l’expérimentation pédagogique[18] est une « ruse de l’Histoire » ; réclamé il y a 25 ans par la gauche, il est acquis par une loi ( !) dans un contexte de droite conservatrice. C’est donc qu’au-delà des péripéties des alternances politiques, des forces travaillent notre structure éducative, à présent plus rapidement qu’hier. L’expérimentation ne s’inscrit suffisamment pas dans une logique de libéralisme ; c’est pourtant le maillon qui complète le dispositif qui reconnaît depuis 1986 l’autonomie et la responsabilité de l’EPLE. On retrouve la logique qui agit dans le développement durable : « penser global, agir local ».

Ce qui impressionne actuellement, c’est encore la paralysie des acteurs locaux à se saisir de cette carte blanche, à se saisir de toutes les dimensions possibles, collectives, créatives au service de tous les élèves. C’est le sortilège de l’effet Bunuel évoqué plus haut.

Il nous faut donc travailler à une véritable pédagogie de « l’empowerment [19]» ; quand bien même les contraintes sont fortes, les conditions d’exercice plus difficiles, êtes-vous satisfaits de l’organisation, mécanique, répétitive et fastidieuse, de votre travail et des résultats produits auxquels vous participez ? Si oui, nous ne pourrons pas travailler ensemble ; si non, alors, un ouvrage tel que les « Mille et une propositions », et des missions d’expérimentation telles qu’elles peuvent exister dans les académies, peuvent alors nous entraider solidairement, dans l’enthousiasme de notre action professionnelle difficile mais plus que jamais essentielle pour la stabilité de nos sociétés en changement accéléré.

« entendre » plus loin :

5 podcasts en échanges croisés autour des thèmes abordés dans ce livre, entre les deux auteurs, sur la page http://lewebpedagogique.com/diversifier/1001-propositions-pour-innover/

Voir aussi le « livre d’or » du livre et des sites associés (nov.2008)


Innovation, c’est quoi au juste, l’exemple du « Tertiaire »

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Le Tertiaire est-il soluble dans l’innovation ?

Le Tertiaire serait-il plus innovant que les autres formations et domaines de l’enseignement ? Et puis, au fond, c’est quoi, l’innovation pédagogique ? Comment cela prend forme dans une académie ? Petites études de cas sur l’académie de Paris.

1

Le labyrinthe de l’innovation

Trouvez votre chemin dans le labyrinthe de l’innovation.

Les cheminements sont pluriels et les étapes nombreuses, alternatives ou successives, par exemple :

Pratiques, valorisation, action, contractualisation, formation, conseil, intervention, analyse de pratiques, séminaires, incertitude, ressources, compétences, productions, évaluation.

2

Le labyrinthe de l’innovation : Thésée, Elisa, Maurice, Charles et les autres.

à retenir :

implication des élèves dans leur parcours par l’auto-évaluation et la co-évaluation

une approche compétences, mais encore dissociée de l’évaluation des acquis scolaires

la difficulté d’élargir l’action dans un grand établissement à d’autres équipes, d’autres types de personnels

Zone de Texte: à retenir : implication des élèves dans leur parcours par l’auto-évaluation et la co-évaluation une approche compétences, mais encore dissociée de l’évaluation des acquis scolaires la difficulté d’élargir l’action dans un grand établissement à d’autres équipes, d’autres types de personnelsElisa : développer un dispositif de co-évaluation et de construction de compétences pour remobiliser les élèves en LP

Au lycée professionnel Elisa Lemonnier, dans le 12ème arrondissement de Paris, deux enseignantes du secteur, fatiguées de lutter contre des attitudes négatives qui empêchent les apprentissages, ont mis au point il y a deux ans différents outils d’évaluation du comportement. Ces outils sont fournis à tous les collègues qui le souhaitent. L’équipe agrandie, a décidé alors de mener son action sur trois niveaux : BEP, STT et BTS, et entrepris une réflexion sur les compétences[1].

A retenir :

l’origine du projet semble périphérique, voire anecdotique (site web) mais sur une question de fond (concurrence scolaire, gestion des flux des inscriptions au BTS trilingues)

la démarche d’élaboration progressive sur plusieurs années

la co-évaluation par les élèves du projet

le dynamisme enrôlant et la constitution en équipe de productions de ressources

les interactions fortes et la plus grande cohérence de la formation

Zone de Texte: A retenir : l’origine du projet semble périphérique, voire anecdotique (site web) mais sur une question de fond (concurrence scolaire, gestion des flux des inscriptions au BTS trilingues) la démarche d’élaboration progressive sur plusieurs années la co-évaluation par les élèves du projet le dynamisme enrôlant et la constitution en équipe de productions de ressources les interactions fortes et la plus grande cohérence de la formation

Maurice et le « vol des bourdons » : un travail d’équipe autour des formations BTS trilingues

Au lycée Maurice Ravel, une grosse structure de l’est parisien, toute une équipe pluridisciplinaire et intercatégorielle s’est engagée dans une réflexion et une production en ligne collective autour de la nécessaire amélioration du recrutement des élèves en BTS trilingue. Analyser puis formaliser la pratique initiée autour du thème de la communication d’une filière puis d’un établissement, en portant son regard plus spécifiquement sur les modes d’entraînement des individus dans un processus de création collective et de mise en ligne.[2]

Charles : faire du lycée professionnel un espace d’échanges et de démocratie

A retenir :

la grande variété des travaux et des supports réalisés par les élèves, qui ont redonné corps au travail d’équipe des enseignants

la communication à l’extérieur comme mobilisation des énergies

travailler sur une finalité de l’éducation au-delà des objectifs plus spécifiques des enseignements

Zone de Texte: A retenir : la grande variété des travaux et des supports réalisés par les élèves, qui ont redonné corps au travail d’équipe des enseignants la communication à l’extérieur comme mobilisation des énergies travailler sur une finalité de l’éducation au-delà des objectifs plus spécifiques des enseignementsAU lycée professionnel Charles de Gaulle (20ème arrondissement), L’analyse des populations d’élèves révèle un public hétérogène, souvent en situation d’échec, d’orientation par contrainte, de rejet du système scolaire et confronté à faire un choix entre la culture de la famille et celle de l’école ; d’où des attitudes de révolte, des références à des systèmes de valeurs parfois incompatibles avec la vie en communauté scolaire.

Face à ces difficultés, les enseignants perdent leurs repères, ne trouvent pas de réponse, et cette situation conduit à des conflits, de l’incompréhension, voire à une crise de communication interne.

Pour améliorer la communication et le travail en commun, l’ensemble de la communauté éducative a décidé en 2000 une action susceptible de répondre à ses préoccupations.

« 2000, année de la culture de la Paix », est le pivot de cette action, qui se fonde sur la reconnaissance du droit à l’expression des jeunes comme un des fondements de la paix. Le jeune, dont la parole reconnue, peut devenir création artistique, accède à son tour à la reconnaissance de la parole des autres, dont celle de ses enseignants.[3]

A retenir :

Un pilotage pédagogique partagé fort et nouveau

Une politique d’établissement nouvelle associant tous les corps représentés

Un projet ambitieux et centré sur la formation et les apprentissages

Zone de Texte: A retenir : Un pilotage pédagogique partagé fort et nouveau Une politique d’établissement nouvelle associant tous les corps représentés Un projet ambitieux et centré sur la formation et les apprentissagesTruffault : Organiser un parcours individualisé et modulaire en tertiaire pour répondre aux différents publics d’élèves accueillis

Passer d’une innovation pédagogique à une innnovation structurelle

Sur la base d’un rapport de l’inspection sur les structures de l’enseignement tertiaire et sa nécessaire adaptation au public mixte, le proviseur passe commande à la mission pour faire évoluer un ensemble cohérent mais complexe, tout à la fois

Les pratiques de son équipe

L’organisation des groupements des élèves

La souplesse de son emploi du temps

Les modes d’évaluation des acquis

Les modalités du travail pédagogique dans l’établissement.

L’accompagnement se fait sur 18 mois par deux personnes-ressources, chefs de projets d’une des structures expérimentales de Paris (lycée Jean Lurçat)

Jean : accompagner les sortants de bac pro

A retenir :

Partir du besoin des élèves

Travailler sur l’insertion professionnelle

Agir sur l’organisation des variables de l’Ecole, souvent peu investies

Zone de Texte: A retenir : Partir du besoin des élèves Travailler sur l’insertion professionnelle Agir sur l’organisation des variables de l’Ecole, souvent peu investiesAu lycée Jean Lurçat (13ème arrondissement), le projet initial partait de la constatation de la difficulté des jeunes titulaires de BAC PRO tertiaire à s’insérer en BTS, a fortiori en faculté. Et par ailleurs, beaucoup de ceux qui choisissent d’entrer sur le marché du travail ont du mal à décrocher un emploi durable.

Il est apparu à l’équipe la nécessité de mettre en place une “ passerelle ”, pour les aider soit à poursuivre leurs études, soit à mieux s’insérer sur le marché du travail.

L’idée initiale était de monter un projet de formation complémentaire à destination de ces jeunes titulaires du BAC PRO : un système de modules – à la carte – permettant de combler le déficit relatif en culture générale de ces bacheliers.[4]

3

Le fil d’Ariane

En mai de l’année A, la mission Innovations pédagogique envoie dans les établissements et les écoles de l’académie de Paris un dépliant qui invite les équipes inscrites dans une dynamique de projet, de recherche et d’expérimentation à se manifester et à envoyer un dossier. Les remontées se font aussi plus directement par le chef d’établissement ou le signalement de l’inspection.

Courant septembre, les dossiers sont examinés par une commission inter-catégorielle et classés. Toutes les équipes reçoivent une réponse qui, en fonction de leur projet et de leur attente, peut aller d’une simple liste de ressources sur l’internet à une proposition de contractualisation dans le cadre du dispositif.

Cette proposition est précédée d’une rencontre sur site avec le coordonnateur de la mission, elle permet de préciser en concertation les termes du contrat.

Par celui-ci, dans sa forme la plus courante, la mission Innovations s’engage à accompagner l’équipe dans sa démarche en lui proposant un accompagnateur extérieur, offrir à l’équipe des temps de rencontre, d’échange, de réflexion à plusieurs reprises au cours de l’année, diffuser les pratiques de l’équipe et les réflexions sur ces pratiques. De son côté, l’équipe contractualisée s’engage à fournir un bilan intermédiaire de son action, ainsi qu’un bilan final sous forme de monographie ; participer aux rencontres et aux séminaires de travail et, le cas échéant, y intervenir sous une forme définie en concertation.

Une fois le contrat établi, un accompagnateur est proposé à l’équipe, une première rencontre a lieu, et des rendez-vous de travail sont fixés.

L’équipe conduit son projet, sa réflexion est rythmée par les rencontres avec l’accompagnateur, ainsi que par les séminaires organisés par la mission.

Au terme de la première année, un bilan d’étape de l’action est attendu. Les bilans des différentes équipes sont rassemblés et diffusés auprès de l’ensemble des équipes afin de faire connaître aux uns et aux autres les actions.

Au cours de la seconde année, l’action est poursuivie. Si elle a été planifiée sur deux ans, une aide spécifique à l’écriture de la monographie finale, sous forme de séminaire de travail, est mise en place.

Ce dispositif d’accompagnement est générique, mais s’adapte considérablement selon chaque cas, notamment sur la gestion des calendriers. ; de plus en plus, la mission prend les initiatives en amont en portant le conseil sur le montage de projet en établissement, en sollicitant tel service comme par exemple la DARIC (relations internationales), ou encore en s’appuyant sur le dispositif de soutien aux projets innovants mis en place par la Région Île de France auquel la mission est associée ; l’aide au financement va jusqu’à 10 000 euros. L’Europe s’engage aussi dans cette voie avec un dispositif plus lourd tel que le FSE pour soutenir des projets d’aide à l’insertion ; ici encore, le conseil est sollicité.

L’intervention peut se faire en aval d’une action, par une aide à son évaluation, voire comme cela est le cas pour les structures expérimentales, une évaluation des dispositifs innovants mis en place, avec le concours de l’inspection et de partenaires académiques.

4

Qu’est-ce qu’on dit quand on dit innovation?

Innovalo, c’est quoi ?

Il y a dix ans à présent, le ministère a vu apparaître un bureau «innovations pédagogiques et valorisation des réussites», dans chaque académie, s’est monté très rapidement une mission «Innovalo»[5]; repérer, compiler, produire de la ressource, informer, drainer le système, faciliter l’initiative, valoriser les actions et les acteurs. Vaste programme, petitesse des moyens. Il s’agit de créer plus une synergie et une coordination qu’une nouvelle filière, dans une administration très «à la française»; autant dire que les résultats suivant les académies sont très contrastés en ampleur et dans le temps. Mais le réseau très nouveau à l’époque a tenu par les services qu’il a pu rendre et rend encore à bien des égards.

Jusqu’à une période encore très récente, nombre de séminaires, de journées, de rencontres et de productions écrites se sont centrés sur l’objet lui-même, objet de débat et de confrontation, moment de rencontres entre vieux militants de l’action pédagogique, institutionnels pur jus et tous les autres. Ce fut une phase longue mais nécessaire.

Nous sommes entrés dans l’époque de la succession accélérée des systèmes sociaux temporaires. Il faut le vivre, ce qui suppose des enseignants qui ne soient pas ritualisés, rigides, compassés (…)

Cette souplesse évolutive, cette rapidité n’est pas constituée chez les jeunes, ils sont très «popotes», conditionnés par les manières de travailler, et les routines qui s’établissent.

Pour vivre cette époque de changements accélérés, il faut de l’activité, du dynamisme, de la joie d’être, d’apprendre, d’enseigner…

André de Peretti

Un « attracteur étrange »

L’innovation est comme quelques autres mots magiques, «attracteur étrange», qui jouissent d’une positivité de prime abord, qui parlent à tous, sans qu’on puisse en stabiliser une définition; et finalement peut aboutir à des effets en contradiction avec l’intention première. En astronomie, on cerne bien le concept de «trou noir», pourquoi pas l’innovation en éducation et en formation?

En 2000, le Salon de l’éducation à Paris y était tout entier consacré; le ministre avait créé quelques mois plus tôt un Conseil national de l’innovation pour la réussite scolaire, on allait voir ce qu’on allait voir; l’innovation était au centre du système, il fallait même piloter par l’innovation. 2003: il faut mettre le savoir au centre du système, on lance un grand débat national pour une nouvelle loi d’orientation. Les académies et chaque établissement doivent rendre des moyens; on soumet tout le système à l’aune de l’efficacité.

Mouvement de bascule, alternance cyclique, révolution copernicienne, ou soubresaut d’une arrière-garde? Il est difficile pour les enseignants de trouver les repères suffisamment pertinents pour comprendre ce qui se passe et dans quoi ils sont pris; à l’interpréter comme un simple effet de mode, on ne peut trouver en retour qu’au mieux scepticisme, au pire une indifférence agacée, quand les «vrais problèmes» sont ailleurs. Il y a bien un problème de «sens» dans les trois acceptions: signification des concepts, direction en orientation, appréhension des réalités contemporaines.

Un processus dans un contexte

On reprend la définition de l’innovation d’après la banque NOVA de l’INRP: L’innovation est un processus qui a pour intention une action de changement et pour moyen l’introduction d’un élément ou d’un système dans un contexte déjà structuré.[6]

Les équipes sont parvenues à dépasser les limites conceptuelles d’une bonne idée et à s’engager dans une réflexion plus professionnelle, on dirait même plus «professionnalisante».

S’impliquer dans l’innovation, d’après les expériences analysées ces dernières années, c’est plutôt:

S’interroger et s’impliquer dans le domaine de l’efficacité des pratiques enseignantes.
Accepter de se confronter à la pertinence et au conflit des valeurs.
Oser porter un regard intéressé sur les pratiques collatérales et envisager quelques transpositions méthodologiques mêmes minimes.
Rendre à la fois plus ferme son socle métier et plus adaptable sa conduite de classe.
Elargir son cadre de référence et de pratiques à son école, son établissement.

Identifier les pratiques, analyser les actes professionnels, enrichir les parcours professionnels, créer de la compétence, évaluer les dispositifs ne relèvent donc pas d’un phénomène de mode, comme d’aucuns ont pu le croire; l’innovation ainsi conçue relève d’une problématique au contraire très actuelle, celui de la formation des personnels enseignants et des cadres du système.

L’innovation, un levier de changement par les pratiques, parmi d’autres leviers, pas toujours utilisés

Il ne s’agit pas cependant de faire de l’innovation pédagogique un principe d’explication du monde, solution à tous les maux de l’Ecole, très loin de là. Mais, dans une approche plus systémique du changement dans les organisations, il importe de redonner une juste place aux pratiques professionnelles et à leur efficience parmi d’autres leviers plus connus mais pas toujours utilisés tels que, par exemple : la formation professionnelle, la gestion des carrières, le travail sur le temps et l’espace.

Chacun de ces facteurs pèse lourd dans le fonctionnement de l’Ecole, certains sont plus organisationnels et locaux, d’autres relèvent de logique institutionnelle ou statutaire. Les pratiques, elles, rend un pouvoir d’action, « empowerment », dirait-on de l’autre côté de la Manche, aux acteurs. Toutes conditions égales, ce sont elles qui font la différence entre deux équipes, deux établissements, deux projets. C’est un phénomène déjà bien répertorié en matière d’effet-établissement.[7]

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Formation professionnelle (initiale et continue)

Gestion des carrières

Espaces et temps de travail

innovation

Professionnalisation

évolution des pratiques professionnelles

 

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5

Reliance, une veille sur l’internet

L’internet permet aujourd’hui de combiner ressources individuelles et collectives, mises en lien avec des initiatives institutionnelles et des expériences professionnelles, plus qu’aucun autre media ne l’avait pu le faire. Véritable ingénierie pédagogique, le réseau pédagogique devient réalité. Vous pourrez retrouver tous les liens actifs sur le site Innovations

http://innovalo.scola.ac-paris.fr

Autour du concept de processus et des dynamiques de changement en établissement

Travail d’équipe, travail en équipe

L’émergence du concept de compétence collective, modalités et formes possibles, relevant d’un processus d’innovation

http://parcours-diversifies.scola.ac-paris.fr/PERETTI/mes4.htm

Peut-on apprendre de l’expérience d’autrui ?

Contribution de Philippe PERRENOUD (université de Genève) en février 1999 lors d’un séminaire innovation à Paris : un texte éclairant sur la représentation trop simple de l’idée de transfert, le rapport au savoir, le rapport au pouvoir des enseignants et les nécessaires collaborations professionnelles à tout niveau. Toujours à méditer.

http://innovalo.scola.ac-paris.fr/Seminaire_transferer/eclairageA.htm


[1] Descriptif complet:

http://innovalo.scola.ac-paris.fr/Telechargements/PNI3/1/12/Monographie.doc

voir notamment les nombreux documents produits de grande qualité.

[4] Descriptif complet :

http://innovalo.scola.ac-paris.fr/PNI3/2/23/monographie.htm

De manière plus générale, sur les dispositifs alternatifs expérimentaux mis en place dans la structure tertiaire au lycée Jean Lurçat, voir notamment :

http://innovalo.scola.ac-paris.fr/PAI4/1/17/monographie.htm

http://innovalo.scola.ac-paris.fr/structures_innovantes/page_speciale_lycee_integral.htm

http://lvpe-li.scola.ac-paris.fr/ notamment sur la « boutique de formation »

[5] Le réseau Valorisation des innovations pédagogiques en France

Travaux des équipes depuis dix ans, séminaires et colloques autour de l’innovation, de l’écriture professionnelle, de nombreuses expériences décrites dans la plupart des domaines

Liens actifs à la page

http://innovalo.scola.ac-paris.fr/innovalos_en_franceinnovalo_en_france.htm

http://www.eduscol.education.fr/D0092/

[6] Questions à l’innovation, actes du colloque interacadémique, Paris, novembre 2000

La conférence introductive de Françoise Cros est un bon complément au sujet traité dans ce volume : « Innovation et institution ». Elle replace le concept et les approches de l’innovation dans une perspective historique et européenne. Suivent quatre thèmes : place des innovateurs dans l’institution, démarche innovante et projets collectifs, facteurs déclencheurs de l’engagement et conditions de développement, pratiques innovantes et réussites des élèves. Dans chacune de ces contributions collectives, l’approche du processus d’innovation est envisagé.

Consultable en ligne sur le site de Paris Les actes sont téléchargeables sur le site de l’académie d’Orléans-Tours

http://www.ac-orleans-tours.fr/innovalo/telechat/inter-acad.pdf

[7] Diaporama : processus et conditions de transfert de l’innovation

A partir des relevés de conclusions de Françoise Cros, une animation conçue pour la formation des cadres, en ligne sur

http://parcours-diversifies.scola.ac-paris.fr/PERETTI/innovati.htm

la carte heuristique (ou mentale), une video pédagogique

Organiser des idées, des éléments de savoirs, tenter d’être fidèle à la complexité du raisonnement et aux liens, ce sont des défis pour l’enseignant. Un support préconstruit ne peut que suivre très imparfaitement ces entrelacs à la manière des synapses neuronaux de notre cerveau. Un support, non, mais un outil oui. C’est l’objet de la carte conceptuelle développée, par exemple, par le logiciel MindManager (téléchargement en version démo). Mais vous pouvez en réaliser plus simplement avec les outils proposés par le logiciel de type Word.
La carte conceptuelle, ou schéma heuristique, est fondée sur le principe des cartes mentales de Tony Buzan, générateur de cartes de concepts arborescents et évolutifs par hyperliens de toutes sortes, et de relations transversales… Les mind maps sont des listes de mots structurés et organisés en arborescence pour représenter une idée, un concept, un projet, un plan… Ils permettent d’organiser, générer et présenter des idées graphiquement avec possibilité de détacher ou grouper des branches (des développements selon une logique fractale).
Le graphique met en scène les principes d’élaboration de la carte mentale. Souple, évolutive et personnalisée, elle peut faire l’objet également d’une élaboration collective. La formalisation des connaissances par représentation sous forme de carte semble être un bon outil, surtout lorsque ce sont les élèves qui les construisent eux-mêmes. En assemblant progressivement entre eux les éléments acquis, il est possible de comprendre le détail et la globalité d’un champ de connaissance.
La carte, enregistrée sur un poste, dans le dossier élève du réseau, permet de travailler dans la durée. C’est-à-dire qu’elle ne sera pas utilisée seulement sur une séance, mais pendant une séquence, voire une année scolaire. L’élève peut remplir sa carte au fur et à mesure des apprentissages . D’abord individuellement, puis en confrontant les premiers essais, collectivement, cela permet des réajustements. Le schéma heuristique peut ainsi être assimilé à un outil d’aide à la structuration des prises de notes.