Quand les élèves de 1ère2 lisent pour vous !

Mis en avant

Dans le cadre du Prix littéraire Carnot 2024 dont la thématique est « Œuvre et destin, destin d’une œuvre » , vous trouverez sur ce blog les critiques issues des lectures effectuées par les élèves de 1ère2 (ainsi que celles des élèves des années précédentes sur d’autres thématiques).

Comme le laisse suggérer le thème retenu cette année, les œuvres lues abordent les notions de destin, de fatalité, autant de parcours de vie parfois construits, souvent subis, par des personnages issus de l’imagination de leurs créateurs-trices ou d’histoires réellement vécues. Mais le destin est aussi celui des œuvres en elles-mêmes. Ayant reçu un prix ou étant à l’origine d’un scandale, elles nous rappellent que la littérature s’alimente aux sources de nos sociétés, les interroge et en est le baromètre !

Comme les années précédentes, un vote des meilleures critiques vous sera proposé en fin d’année.  Les lauréat-es se verront remettre des récompenses.
D’autres productions seront également produites tout au long de l’année et des sorties culturelles sont envisagées ! 

Bonne lecture à toutes et à tous !

M. Deteuf 

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Chroniques du désastre

Cher connard de Virginie Despentes est un roman épistolaire sorti en 2022. Il a fait partie des finalistes pour le prix Médicis de la même année. Cet échange de lettres ayant pourtant mal commencé, se poursuit par une grande amitié. Oscar Jayack, écrivain, publie sur son compte Instagram un message haineux concernant Rebecca Latté. Il se demande comment cette magnifique actrice, célèbre lors de son adolescence, est « devenue aujourd’hui ce crapaud ». Après quelques lettres on ne peut plus violentes, ces deux personnages se rendent compte qu’ils se côtoyaient durant leur enfance. Le destin de ces deux protagonistes est alors étroitement lié, la sœur d’Oscar était une amie de Rebecca. Zoé Katana, blogueuse féministe, fait quelques apparitions au cours du roman. Elle accuse Oscar de harcèlement sexuel dans la « Chronique de ma main dans ta gueule », réponse au post Instagram destiné à Rebecca intitulé « Chroniques du désastre ».

Je n’ai personnellement pas pris plaisir à lire ce roman. Les lettres n’avaient pas de liens entre elles. Rebecca, en parlant d’une amie, raconte à Oscar qu’« elle a tendance à parler sans se soucier de la personne à qui elle s’adresse ». J’ai eu l’impression en la lisant qu’elle décrivait le roman, chaque personnage parle de sa vie mais personne ne rebondit sur celle de l’autre. Je n’ai pas aimé le style d’écriture de Virginie Despentes ; elle utilise beaucoup de phrases toutes faites et vulgaires: « je te violerais même pas tellement t’es imbaisable ». Ce roman manque de transitions. Je n’ai ni compris où l’autrice voulait en venir, ni le but de l’histoire. En parlant d’histoire, y en avait-il une ? L’alternance entre les différents sujets du récit est mal faite. Virginie Despentes nous parle de féminisme avec #Metoo, de drogue, de la dangerosité des réseaux sociaux puis elle revient au premier thème et ainsi de suite tout au long du roman. Ce livre est une superposition de paragraphes sans liens. Je pense que Virginie Despentes a voulu se concentrer sur les sujets qu’elle souhaitait aborder tout en oubliant la forme et le récit.  En effet, Oscar est pris dans la boucle infernale des réseaux sociaux avec l’accusation le concernant. Mais ces deux personnages ont tous deux des problèmes avec la drogue et décident un peu plus tard de se soigner en allant aux réunions des Narcotiques Anonymes.

Source : https://deadorkicking.com /virginie-despentes-dead-or-alive/

Un court passage sur les féminicides a attiré mon attention. Dans un de ses messages échangé avec Oscar, Rebecca dit : « Imagine qu’à la place des femmes qui sont tuées par les hommes, il s’agisse d’employés tués par leurs patrons. L’opinion publique se raidirait davantage. […] Si tous les deux jours, un employé tuait un patron, ce serait un scandale national. ». C’est l’un des rares moments du livre que j’ai apprécié.

Je suis une passionnée de lecture qui dévore les livres mais ce dernier avait un goût amer. Cet ouvrage m’a fortement déçue, je n’avais aucune envie de m’y replonger pour connaitre la suite de l’histoire qui était sans intérêt. Je n’ai pas aimé ce livre dans sa majorité, c’est pour cela que je lui attribue la petite note d’une étoile.

Despentes, Virginie. Cher connard. Grasset, 09/2022. 343p.

Inès MERLOT, 1ère2 

Genèse maudite

 Publié en 1967, Un bébé pour Rosemary est un roman écrit par Ira Levin (l’homme qui vous regarde à votre gauche), écrivain Américain père de plusieurs best-sellers parmi lesquels un bonheur insoutenableLes Femmes de Stepford ou encore le roman dont je vais vous parler.

https://www.bing.com/images

Un hôtel particulier 

Dans les pages de ce roman d’horreur fantastique, nous suivons l’histoire de Rosemary, jeune femme au foyer, et de son mari Guy qui est comédien. Le jeune couple cherche un nouvel appartement dans le Bradford, un immeuble chargé d’histoire. Miraculeusement une place se libère suite à la mort d’une de ses habitantes. Le malheur des uns fait toujours le bonheur des autres ! Ils sautent alors sur l’occasion et l’achètent sans attendre, et surtout sans savoir que cet achat scellera leur destin. Par la suite ils font la connaissance d’un vieux couple, mais celui-ci semble un peu trop s’immiscer dans leur vie et, surtout, trop s’investir dans la grossesse de Rosemary avec un allier des plus surprenants…

Un roman en deux temps

Source : https://www.fnac.com/ a88250/Ira-Levin-Un-Bebe- pour-Rosemary

Un bébé pour Rosemary est un roman que j’ai avant tout eu du mal à commencer. Selon moi la première partie n’était qu’un ramassis de clichés inintéressants, notamment la façon dont Levin s’attarde sur la banalité de la vie du couple doublé d’une mauvaise plume destructrice. Mais omettons cette plume.

Après avoir survécu à cette première partie interminable relatant la vie banale du couple, une dimension totalement différente s’est ouverte à moi. Plus de cliché, plus d’ennui, le récit est alors gorgé de mystère mais surtout il devient malsain, surtout lorsque l’on fait face à un attachement surprenant au satanisme ainsi qu’un mépris plus que constant pour le catholicisme. Cette deuxième partie change totalement l’image qu’on a jusqu’alors du roman. On se surprend à s’attacher aux personnages, à attendre la suite, à vouloir deviner les mystères de cette immeuble et l’identité secrètes de chacun de ses habitants, on se met à douter de chaque personne, de chaque geste, de chaque parole. Nous nous retrouvons presque dans le même état psychologique que Rosemary. On plonge lentement, tout comme elle, dans une profonde psychose face au monde qui l’entoure. Tout cela est essentiellement dû au vieux couple mais aussi au passé sombre du Bradford. Mais l’évènement qui bouleverse réellement Rosemary et la plonge dans une lente folie est tragique ! Malheureusement, pour le découvrir il vous faudra lire le roman… Mais ayant un cœur, voici une citation qui pourra vous mettre sur la piste :

« C’était assez marrant, je me faisais l’effet d’être un nécrophile »

             – GUY

Le dénouement de l’histoire m’a choquée mais pas déçue ! Le talent qu’à l’auteur de pouvoir pervertir le monde est admirable et bouleversant. Il nous plonge dans un premier temps dans un récit monotone pour ensuite mieux nous transporter dans l’horreur. Malgré tout, même si j’ai aimé ce roman, la plume de l’auteur ou peut-être du traducteur ne m’a en revanche pas du tout plu. A mon sens elle gâche une œuvre que j’aurais pu adorer.

En résumé Un bébé pour Rosemary est une histoire profondément intéressante mais gâchée par la mauvaise plume de l’auteur/traducteur. Malheureusement ce n’est pas un élément que l’on peut omettre facilement.

Pour terminer, j’ajouterai qu’un minuscule détail a fait une place particulière à ce roman dans mon cœur…suspense… je suis née le même jour que l’auteur ! Alors pour cela je lui mets trois étoiles !

Si vous avez aimé ma critique, et je n’en doute pas, filez lire ce roman ! Faites-vous votre propre avis sur cette plume que j’ai détestée et cette histoire que j’ai adorée.

Levin Ira. Un bébé pour Rosemary, Robert Laffont, 2005.

Elora DUFLOS, 1ère2

On n’échappe pas à son destin

New York odyssée est un roman écrit par Kristopher Jansma en 2016 qui aborde les thèmes de l’amitié, l’amour, la maladie et le deuil en nous plongeant dans la vie de cinq amis qui font face au destin tragique de l’une d’entre eux.

Source : https://0620056z.esidoc.fr/ recherche/New%20York% 20odyss%C3%A9e

Le récit met en scène Irène, Sara, George, Jacob et William, cinq amis de l’université venant s’installer à New York. Encore dans l’insouciance de leur jeunesse, ils profitent de leur nouvelle vie, des soirées, de l’alcool et entrent dans la vie active. Cependant leur existence se trouve chamboulée par l’annonce de la maladie d’Irène, atteinte d’un cancer !

Un destin très présent 

Tout au long de la lecture, nous pouvons percevoir des références au destin et à la mythologie grecque, et cela dès le titre de l’œuvre qui nous rappelle Homère et son Odyssée. Dès le début, la fin nous est donnée : « On n’échappe pas à son destin ». De nombreuses figures mythologiques comme les parents d’Œdipe ont essayé d’y échapper et, tout comme Irène, ont échoué. D’autres allusions à la mythologie sont présentes dans le roman. En effet, avant de mourir, Irène veut absolument finir Le chant d’Hector, un héros troyen. On peut y voir un parallèle entre Hector et Irène qui, d’une certaine façon, sont tous deux des guerriers. Irène se bat contre sa maladie après tout.

Un avis partagé

Je n’ai pas accroché tout de suite au roman. Le début n’était pas clair, les relations non plus, et le changement de point de vue durant la lecture n’aidait pas à comprendre. Cependant le récit devient de plus en plus simple et agréable au fil des pages parce qu’il se concentre sur un seul point de vue à la fois. Il se passe toujours quelque chose dans ce roman et cela peut être justifié par le fait que l’histoire se déroule à New York, « la ville qui ne dort jamais » !

Ce que j’ai le moins apprécié est le manque de communication entre les personnages, notamment entre Jacob et Oliver, qui savent tous deux que leur relation n’a plus d’avenir et préfèrent s’éloigner au lieu d’en parler et d’arranger les choses. Je n’ai pas non plus aimé le fait que trop de détails soient donnés d’un coup, j’avais l’impression de perdre le fil de la lecture par moment.

Par contre j’ai beaucoup apprécié le fait que l’on voit les mois passer pour montrer la progression de la maladie d’Irène et l’évolution des relations. Cette empreinte du temps me donnait l’impression d’être complétement immergée dans l’histoire, de vivre les événements en même temps que les personnages et de s’attacher à eux. Le moment où Irène à l’impression de s’évader de l’hôpital m’a beaucoup touché parce que je savais ce qu’il se passait en réalité et je voulais me tromper. « Elle avait retrouvé son souffle » était mis en opposition à « Son souffle devint plus court jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus percevoir si elle respirait ou non. » quelques lignes plus loin, à la page 350. Ce roman vaut le coup d’être lu. L’histoire est intéressante et très touchante. Ne vous arrêtez pas à la mauvaise impression que peut faire le début et sortez les mouchoirs pour les plus sensibles ! J’ai moi-même versé quelques larmes tant le récit m’a touchée !

Bonne lecture à vous !

Jansma, Kristopher. New York Odyssée. Librairie Générale Française, 603p. Le Livre de poche, n°34801. ISBN 978-2-253-07313-0

4 Étoiles Sur 5

Kimy DEBOMY, 1ère2

Qui est-il vraiment ? 

Source : https://bookdoreille.com/american-psycho1

6 mars 1991 aux États-Unis. Meurtre, misogynie, viol, démence, violence macabre, torture, narcissisme, drogue, psychopathe ! Un nouveau thriller fait scandale ? Et oui, voici chers lecteurs : American Psycho

Comment vous parler d’American Psycho ? Eh bien, je vous dirai que ce roman écrit par Bret Easton Ellis en 1991 met en scène Patrick Bateman qui est ce que l’on appelle un golden boy : homme beau, toujours bien habillé, prenant soin de lui et de son image ; un homme avant tout riche et apprêté ! Vous me direz donc que je parle de l’homme parfait, le seul et l’unique ! Mais tout cela serait sans compter sur le passe-temps favori de notre très cher Monsieur Bateman. Quand je parle de son passe-temps favori j’entends par exemple le meurtre, le viol organisé, la torture ainsi qu’un vilain goût pour les scènes ensanglantées. Mais ce n’est tout, Patrick Bateman est aussi un grand poète comme nous le prouve ces citations : « Tu es une putain de vilaine garce, je veux te poignarder à mort, et ensuite jouer avec ton sang » ou encore « Ne prends pas cet air affligé, connasse ! ». En plus d’être un véritable détraqué mental prédateur violent, Patrick Bateman possède un narcissisme et un amour propre à toute épreuve.

Une double sensation. Avec tout ce que je viens de vous dire, on pourrait croire qu’American Psycho est un véritable tas d’ordure absolument obscène et inhumain, seulement bon à être jeté. En réalité ce roman est bien plus que cela ! Il est pour moi l’un des chefs d’œuvres de ces quarante dernières années. Je me permettrais même de dire qu’il est l’un des pionniers de son époque. A travers le personnage de Bateman ce roman vous procure à la fois une sensation de compréhension et d’incompréhension. Cette sensation est vraiment très intéressante car elle permet d’attiser la curiosité de n’importe quel lecteur. Cette déconnexion de la réalité, ce droit qu’il s’accorde lui-même à céder à ses pulsions, à faire ce qu’il veut quand il le veut ne nous laisse pas indifférents, et je pense, à mon humble avis, qu’au fond de nous, nous l’envions tous ! 

Même si ce roman choque, même si son contenu divise, pour moi la littérature doit être détachée de la réalité ; comme une sorte de rêve éveillé ou un cauchemar si vous le souhaitez. La Littérature est une échappatoire pour n’importe qui, un endroit où on peut s’évader pour penser à n’importe quoi. C’est donc pour cela que je trouve que l’œuvre de Bret Easton Ellis n’est ni immorale, ni malveillante, mais seulement à son goût et à celui des lecteurs qui en apprécient la lecture, lecteurs dont je fais partie.  

Je concluerai en disant en toute franchise à toutes et à tous : foncez lire ce livre, vous ne serez pas déçu même si certains passages peuvent paraître longs ou macabres. Faites-moi confiance. Son sarcasme, sa violence, son histoire, tout est absolument parfait !

J’attribue en toute logique 5 étoiles à ce titre qui m’a particulièrement plu en tout point ! 

Je tiens aussi à préciser qu’il existe une adaptation cinématographique de ce roman toute aussi intéressante que je vous conseille aussi ! Merci de m’avoir lu, en espérant vous avoir convaincus, vous, mes chers lecteurs !

Erevan GALLET, 1ère2 

Peut-on éternellement renier ses origines ?

 première de couverture Source : https://0620056z.esidoc.fr/ document/ id_0620056z_133124.html

   Les morts ont tous la même peau est un roman écrit par Boris Vian en 1947 sous le pseudonyme de Vernon Sullivan. Il a utilisé ce surnom pour plusieurs de ses œuvres telles que J’irai cracher sur vos tombes ou encore Et on tuera tous les affreux. Il prétendait  être le traducteur de ces romans soi-disant américains et non l’auteur. Si habituellement les romans de Vian sont surréalistes, ceux écrits sous ce pseudonyme sont des romans noirs qui présentent des scènes crues, un vocabulaire qui l’est tout autant et des passages violents qui ont pu faire polémique à l’époque. Avec ces œuvres, et notamment Les morts ont tous la même peau, Vian aborde aussi des sujets sensibles comme le racisme. Ainsi, Les morts ont tous la même peau est un roman policier dans lequel violence et érotisme sont au cœur de l’intrigue. J’ai découvert ce livre grâce au Prix littéraire Carnot, connaissant Boris Vian par ses chansons, j’ai pu découvrir son écriture.

Dans son roman, Boris Vian dénonce une société raciste et inégalitaire dans le New York des années 40-50. Une société qui n’accorde pas la même justice pour les personnes blanches et noires. Dan est un homme noir à la peau blanche, videur dans une boite de nuit américaine, marié à Sheila, il a un enfant et profite de son travail pour avoir des relations sexuelles avec d’autres femmes ! Ce que je trouve immoral car il a enfant et est sensé aimer sa femme. Il fait tout pour s’intégrer dans la société blanche en reniant ses origines jusqu’au jour où son frère, qui lui a la peau noire, le retrouve et le menace de révéler à tout le monde sa véritable identité ! Dan se retrouve alors confronté à son passé, faisant naitre en lui une haine qui le pousse à commettre de terribles actes. En tant que lecteur on se retrouve alors face un homme blanc qui renie ses origines et n’éprouve du désir que pour des femmes noires ! Ce comportement est totalement paradoxal et montre à quel point Dan doit être tourmenté. En effet il discrimine les personnes noires mais a des relations sexuelles avec elles. Cherchez l’erreur ! Le récit est principalement basé sur la psychologie de ce personnage ce qui, je trouve, est très intéressant. On a accès à sa propre morale et on peut se faire notre propre avis sur ses faits et gestes, et même se demander ce que nous nous ferions à sa place.

 Un roman qui choque toujours !

   Je trouve le vocabulaire utilisé parfois cru comme  » ce sale nègre  » qui, aujourd’hui, serait puni par la loi, ou « putain  » qui peut choquer. Je trouve les scènes sexuelles trop fréquentes dans ce roman. Personnellement certaines réflexions des personnages me paraissent violentes ou irrationnelles, principalement celles de Dan car, comme j’ai pu le souligner plus haut, ses actions ne suivent pas ses paroles. Ces passages suscitent des sentiments violents, qui peuvent heurter, ce qui prouve que c’est une œuvre encore très forte, dont l’impact se fait toujours sentir. Malgré tout ce roman reste un classique de Boris Vian ce qui, je trouve, est justifié, par son côté intrigant, psychologique et paradoxal.

   Par ailleurs j’ai beaucoup aimé les changements de point de vue. Passer de Dan ( » je « ), au narrateur ( » il/elle « ) qui voit une scène se concentrant sur un personnage, nous permet de suivre l’enquête par différents points de vue. Ça nous détache de Dan et nous apprend des informations que lui-même n’a pas. Ce choix de l’auteur nous fait prendre du recul sur la scène se déroulant. Ces passages sont écrits en italique et découpés en chapitres ce qui nous facilite la compréhension de ces changements. Cette mise en page met en place une forme de distance entre le lecteur et le personnage et nous permet de nous faire un avis encore plus fort sur Dan. On dit souvent que les choses, les personnes, ne sont ni blanches, ni noires, mais grises. C’est exactement ce qu’est Dan, lui qui veut absolument être blanc malgré ses origines. On se rend compte que cela est impossible pour lui et cette situation en devient  » ironique ».

   Le destin de Dan est au cœur de ce roman. En effet, malgré tous ses efforts pour renier ses origines, les cacher et vivre comme les blancs, il finit par avoir un comportement paradoxal, par son attirance soudaine pour les femmes noires et une chute inattendue à la fin du roman. Mais si vous désirez la connaitre, vous savez ce qu’il vous reste à faire !

un personnage tourmenté

Boris Vian Source : https://www.babelio.com/ auteur/Boris-Vian/2053/photos

   J’ai trouvé le personnage de Dan très intrigant, à certains moments il semble sans émotions, voire inhumain, comme le souligne ses propos : « de nouveau je retins le désir de meurtre qui venait de me traverser « . Dans d’autres il apparaît comme quelqu’un de plus émotif  » Pourquoi ne pouvais je m’éloigner d’elle sans éprouver ce sentiment de vide ? Ce besoin de la retrouver. De la savoir à moi. Même sans la voir, de savoir que je pouvais la voir si je le voulais. C’est donc ça l’amour ?  » Je trouve que c’est un personnage très complexe et mystérieux qui donne envie de connaître la suite du récit et qui ne nous permet pas de prédire ses actions. Boris Vian, par la psychologie de son personnage, crée un suspense qui nous suit tout au long du récit. Nous sommes vraiment plongés dans ses pensées, ses interrogations et contradictions.

Pour ces raisons je mets trois étoiles à ce roman qui, malgré une intrigue constante, est pour moi trop violent.

Bonne lecture !

Vian, Boris. Les morts ont tous la même peau. Librairie Générale Française, 02/2020. 188 p. Le Livre de poche, 14193. ISBN 978-2-253-14193-8

Salomé FOLENS, 1ère2

Quand l’amour rencontre la manipulation

Bonjour tristesse

couverture du livre source : https://0620056z.esidoc.fr/ document/id_0620056z_31730 .html

Bonjour tristesse est le premier roman de Françoise Sagan, publié le 15 mars 1954 alors qu’elle n’a que 18 ans. Cette œuvre connaît un énorme succès et se trouve récompensée du Prix des critiques la même année. Son titre est tiré du deuxième vers du poème « À peine défigurée » du recueil La Vie immédiate de Paul Éluard. Bonjour tristesse a été adapté au cinéma en 1958 par Otto Preminger. Le chanteur Alain Souchon a rendu hommage à Françoise Sagan en écrivant une chanson prénommée « Bonjour tristesse ».

Françoise Sagan était considérée comme une écrivaine rebelle et peu fréquentable, « le charmant petit monstre » comme François Mauriac la surnommait. Elle met en scène dans ce roman des bourgeois. L’auteure y aborde les rapports entre un père, Raymond, un dandy joueur, sa fille Cécile, à laquelle Françoise Sagan s’identifie beaucoup, belle adolescente de dix-sept ans, et la « maitresse actuelle » de Raymond, Elsa dont elle dit : « c’était une grande fille rousse, mi-créature, mi-mondaine ». Tous trois vivent une vie mondaine, une vie facile, sans se préoccuper du lendemain. En banalisant ce qu’ils vivent, ils ne s’interrogent pas et ne remettent pas en cause leur façon de vivre. Cécile fait la connaissance de Cyril, un étudiant en droit qui passe ses vacances avec sa mère dans une villa voisine. De ses propres mots, elle n’aime pas la jeunesse mais Cyril « … avait un visage … très ouvert, avec quelque chose d’équilibré, de protecteur… » qui lui a plu. Puis une femme, Anne, apparaît dans la vie de Cécile et de son Père. L’arrivée d’Anne, ancienne amie de la mère défunte, peut tout faire basculer. « Anne donnait aux choses un contour, aux mots un sens que mon père et moi laissions volontiers échapper. Elle posait les normes du bon goût, de la délicatesse… ». En fait, le comportement et les mots d’Anne humilient et blessent Cécile qui se voit indigne, bien qu’elle sente qu’Anne a toujours raison. Cécile ne peut lui pardonner cette perfection : « … si elle voulait à tout prix avoir raison, il fallait qu’elle nous laissât avoir tort… ». Alors une idée mûrie dans la tête de Cécile pour se libérer de la vie qu’Anne leur impose. Laquelle ? A vous de le découvrir en lisant Bonjour tristesse !

Un Tourbillon émotionnel d’ambivalence

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Françoise Sagan, Photographie de Burt Glinn, 1958 source: https://www.anothermag.com/ fashion -beauty/9168/francoise- sagan-a-literary-rebel-ahead-of-her-time

Au début j’ai rencontré des difficultés à entrer dans l’histoire qui est difficile à comprendre. Le conflit familial et les valeurs que prône cette famille m’ont perturbée, comme le respect, le mensonge, l’égoïsme. Les personnages restent centrés sur eux-mêmes et ne mesurent pas la portée de leurs attitudes. Je n’ai pas apprécié l’esprit de vengeance. Cependant ce roman est intéressant quand il nous amène à nous questionner. L’écriture de Françoise Sagan est très réfléchie, intellectualisée et interpelle le lecteur. Françoise Sagan veut toucher celui-ci avec son écriture provocante. Les personnages sont pris dans un tourbillon émotionnel où l’amour se mélange à la manipulation. L’histoire est marquée par les ambivalences des sentiments. Les sentiments d’amour et de haine sont très forts, à tel point qu’ils se transforment en actes destructeurs dans le quotidien des personnages. En lisant Bonjour tristesse j’étais partagée face au personnage de Cécile. J’appréciais sa soif de liberté, sa jeunesse, son insouciance. Néanmoins son côté manipulateur et son égoïsme la desservent dans ses relations aux autres. Ce qui va l’entrainer dans un sentiment de tristesse profonde. Elle se sent coupable de ce qu’il se passe. La tristesse l’envahit dans ses relations compliquées avec les autres et influe sur ses choix personnels. Sous ses airs délurés et futiles, elle ne veut pas perdre ce lien si précieux qu’elle partage avec son père « Tu n’as plus que moi, je n’ai plus que toi, nous sommes seuls et malheureux ». Ses sentiments d’amour exclusifs se transforment en jeux de manipulation. Cécile avoue que « ce rôle de metteur en scène ne lassait pas de me passionner ». Mais elle s’est « attaquée à un être vivant et sensible et non pas à une unité ». J’aimerais savoir comment les vies de Cécile et de Raymond se poursuivent : que sont-ils devenus ? La vie de Françoise Sagan n’est-elle pas la suite de celle de Cécile ?

Un roman qui a fait polémique

A l’époque ce roman a suscité des controverses. Depuis, la société a évolué, le regard sur ce roman a changé. Les sujets tabous de l’époque, les relations charnelles chez Cécile pour son âge, la contraception, les relations extra-conjugales de Raymond, le tabagisme pour une femme… ne le sont plus maintenant. Cependant, malgré les polémiques, son roman remporte un énorme succès tout en faisant face à des critiques. La femme, considérée comme inférieure à l’homme à cette époque, devait être une « épouse convenable », devait rester chez elle à s’occuper des enfants et être soumise à son époux. Ce roman a le mérite de remettre en cause la place de la femme au moment où il a été écrit et Françoise Sagan est une femme qui a eu le courage de susciter le débat à cette époque !

Ce roman mérite bien quatre étoiles.

Je vous souhaite une bonne lecture !

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Sagan, Françoise. Bonjour tristesse, Publié en janvier 1991 par Pocket, 153 pages, ISBN 978-2–266-19558-4

Louise BOUTIFLAT, 1ère 2

Ne vous fiez pas aux apparences

Bret Esaton Ellis. Source : https://www.flickr.com/photos /andrianakis/5153039747

American psycho : titre accrocheur. Première de couverture : attirante. Synopsis : intriguant, thème peu commun et d’autant plus intéressant. Bref, toutes les qualités que requiert un bon roman… Plutôt une belle mascarade oui ! Un véritable piège, une arnaque dans laquelle je suis tombée, tête la première !

American psycho est un thriller écrit par Bret Easton Ellis et publié en 1991, traduit de l’anglais par Alain Defossé et publié chez 10/18. Ce roman est le journal retraçant la vie de Patrick Baetman, 26 ans, stéréotype du riche privilégié, détestable avec les personnes qu’il juge inférieures à lui, en particulier sur le plan social et économique. Patrick Baetman n’est pas seulement riche, jeune et beau, il a aussi un corps de rêve, une hygiène « impeccable », une peau parfaite, soignée avec obsession, des cheveux parfaitement coiffés. Il porte des tenues de marque, toujours assorties et choisies avec soin et passion. C’est un fin connaisseur de musique mais avant tout… un abruti narcissique, misogyne, raciste, toxicomane, violeur, tueur, expert dans la torture, psychopathe. Bref, un véritable détraqué mental !

Cette accumulation vous a paru longue ? Eh bien, croyez-moi, ce n’est rien en comparaison des pages interminables de description du roman ! Patrick Baetman travaille chez Pierce and Pierce mais passe son temps à la salle de sport ou dans sa salle de bain de façon obsessionnelle pour soigner son apparence. Il est très souvent dans des restaurants hors de prix avec ses amis auxquels il se compare sans cesse. Il a également une fâcheuse manie de décrire chaque vêtement qu’il voit, un par un, de la marque à la couleur en passant par la matière, et des fois même la collection. On le retrouve quelques fois aussi à absorber des substances illicites dans les toilettes de boîte de nuit. Plus grave, il arrive souvent que notre cher Mr Baetman se retrouve à tuer, parfois un SDF et son chien, parfois une péripatéticienne, parfois même une connaissance. De façon directe ou bien en passant par la torture, filmée ou non, selon ses envies.

Voilà pourquoi ce roman choque : ce psychopathe tue, torture, viole en fonction de son humeur, de ses pulsions ou des drogues qu’il a consommées. Son entourage ne se doute de rien : « c’est un bon garçon sans problèmes », disent-ils. Mais ce n’est pas étonnant, ils se ressemblent tous, ce sont des clones sans cervelles ! C’est tellement vrai qu’ils passent leur temps à se confondre les uns les autres. C’est ce qu’a voulu dénoncer l’auteur à première vue : une société artificielle où règne le culte de la consommation. Ce qu’il a assez bien réussi à faire. 

Un auteur qui vaut le détour ?

Il écrit en réalité « une version cauchemardesque de lui-même ». Cette phrase est issue de White, l’essai autobiographique de Bret Easton Ellis. On se rend donc compte qu’il écrit une histoire inspirée de ses pensées les plus obscures mais qui restent tout de même les siennes ! Le personnage de Patrick Baetman n’est pas simplement issu de son imagination, il est une partie de lui, ce qui est d’autant plus inquiétant quand on sait qu’il est considéré comme l’un des écrivains majeurs de sa génération. 

Source : https://0620056z.esidoc.fr/ document/id_0620056z _109983.html

Je n’ai accroché à aucun des personnages tout au long de cette très longue lecture qui m’a paru une éternité. Le récit est truffé de descriptions vides de sens et d’émotions, sûrement en écho à ce que ressent Patrick Baetman quand il tue. On a du mal à suivre l’histoire, elle part dans tous les sens, il n’y a pas de transitions, pas de sens, aucune logique. Le roman donne clairement mal à la tête. J’ai l’impression que l’auteur a pris tout ce qu’on ne met pas dans un roman pour ne pas ennuyer le lecteur, qu’il a entrecoupé cela avec des passages macabres et répugnants et qu’il l’a publié. Ça m’a fait perdre mon temps tout simplement. La seule chose que j’ai appris, c’est que j’ai dépensé 10 euros pour au final avoir envie de jeter le livre. Disons que pour avoir autant de descriptions de soins de la peau, j’aurais très bien pu aller voir des vidéos sur internet ! Je m’attendais à avoir une introspection du personnage, savoir ce qu’il se passe dans la tête du psychopathe, savoir ce qui lui déclenche cette envie de meurtre, essayer de comprendre sa psychologie, ressentir quelque chose à part de l’ennuie au final.

C’est simplement un calvaire à lire, on se dit que le suspense va arriver, que l’intrigue va prendre une tournure intéressante mais non on se prend juste des détails en pleine tête sans fils conducteur. En quelque sorte on fait partie des victimes aussi. Ce roman est une torture ! 

Je mets donc une note de une étoile pour l’effort.

Il faut aussi savoir que ce roman a été adapté au cinéma et on ne peut pas dire que ce soit un grand film puisqu’il est fidèle au roman. Cependant il est toujours moins déplaisant que ce dernier !

https://www.youtube.com/watch?v=b7D1l9ho6ZI

Lien bande annonce du film

Easton Ellis, Bret. American psycho. UGE, 04/2005. 526p. 10/18. ISBN 978-2-264-03937-8

Sophie AGACHE, 1ère 2

Le passé engendre le présent

La position - Meg Wolitzer - Babelio

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Meg Wolitzer, autrice américaine prodigieuse née en 1959, va vous emporter dans un univers plus que surprenant avec son roman La Position. Avec celui-ci l’autrice originaire de Brooklyn va connaître le succès en 2005 puisqu’il a été élu meilleur roman depuis des décennies par le Times ! Mais il a seulement été traduit en France qu’en 2014. Malgré cela ce roman va nous emporter dans une saga familiale à travers un récit plein de rebondissements qui aborde des sujets très forts, plus exactement la sexualité, le divorce, le rôle de chacun dans une famille, surtout celui des parents… L’Américaine va donc nous emporter au fil des pages de ce roman au titre… surprenant.

La Position expose l’histoire, en 1975, de la famille Mellow, laquelle va vivre des aventures très mouvementées… Paul et Roz, les parents, vont se lancer dans l’écriture d’un guide du plaisir sexuel amoureux dans lequel ils décrivent plusieurs positions connues. Mais ce qui est plus surprenant, c’est que ce couple d’écrivains va illustrer photographiquement ces différentes positions dans l’ouvrage ! Sauf que ces derniers ont quatre enfants âgés de 6 à 15 ans : Holly, l’ainée, Michael, Dashiell et la petite dernière Claudia. Ils vont malencontreusement découvrir ce que leurs parents font en cachette…Cela va les choquer et au fil du récit on va pouvoir suivre l’aventure de chacun trente ans plus tard…

Une appréhension dépassée grâce à des personnages attachants

En commençant le roman j’ai eu une forte appréhension après avoir lu la quatrième de couverture, croyant qu’il pouvait aborder la question sexuelle de manière malsaine. Au final il n’est absolument pas choquant. De même, le nombre de pages assez important (404 pages exactement) et des chapitres parfois longs peuvent rebuter et ennuyer à certains moments. C’est exactement ce que j’ai ressenti lors de cette lecture mais pas que,  heureusement !

Je vais vous exposer mon avis qui est plus que positif sur ce roman. Tout d’abord l’attachement aux personnages m’a tout de suite surpris. Chaque membre de la famille nous fait ressentir tous les types de sentiments qui puissent exister. Surtout les enfants, qui poursuivent leur vie après cette surprenante découverte faite à leur plus jeune âge. On découvre alors des destins très différents : Holly, qui a plongé dans la drogue avant de pouvoir retrouver une vie stable, Michael, celui qui a découvert le livre, est sous anti-dépresseurs et accro à son travail, Dashiell assume son homosexualité mais apprend une terrible nouvelle… Est-ce que vous aussi vous assumeriez votre orientation sexuelle comme Dashiell ? J’espère pour vous ! Pour finir Claudia, la petite dernière, a bien du mal à réellement se retrouver dans sa vie. Ils ont tous leur histoire, ce qui est encore plus divertissant car j’ai pu passer d’un sentiment à un autre grâce à leurs péripéties respectives !

Meg Wolitzer

Meg Wolitzer.  Source : https://www.babelio.com/auteur/ Meg-Wolitzer/113334

Des flash-back qui nous tiennent en haleine

Meg Wolitzer écrit chaque chapitre avec des détails de plus en plus croustillants. Cependant l’explication est parfois un peu trop détaillée, c’est un point négatif selon moi. La précision de certains passages m’a un peu découragée mais Wolitzer a su me « remettre sur le droit chemin » et j’ai pu continuer ma lecture de ce roman fabuleux. Sa façon de raconter m’a vraiment passionnée, notamment grâce aux différents flash-back qui lui permettent de pouvoir nous faire mieux connaître chaque personnage, leurs traits de caractère, leur choix… On finit par s’attacher à eux et à même ressentir de multiples émotions et sentiments envers eux.

Par contre un personnage en particulier m’a prise au dépourvu, c’est Dashiell. Il a une façon d’assumer son orientation sexuelle d’une manière impressionnante. Je l’ai trouvé admirable ! Et puis il y a son tragique événement qui lui arrive et auquel il fait face avec courage, prestance… un personnage plus qu’ordinaire pour ma part !

Ceci dit tous les personnages créés par Meg Wolitzer ont un background plus qu’intéressant ! En finissant chaque chapitre, l’excitation de vouloir savoir ce qu’il se passe après prend le dessus et nous plonge de plus en plus dans l’histoire de ce roman.

Ce roman a pu me faire ressentir des choses que jamais je n’avais ressenti avant, même à travers les quelques livres que j’ai pu lire dans ma vie. Meg Wolitzer voulait vraiment montrer le côté familiale en partant d’un évènement choquant, voire traumatisant, pour certains. On découvre leur façon d’agir face à ce à quoi ils s’attendaient le moins, et cela réussit à faire effet ! Je trouve que le fait d’avoir créé un contexte inhabituelle dans une famille dès le début du récit peut permettre, pour nous lecteurs et lectrices, de se poser la question suivante : « Cela va-t-il créer un blocage dans leurs futures vies ? ». Et c’est en lisant ce roman qu’on peut sans doute émettre une hypothèse, voire trouver une réponse, face à ce genre de question.

Je vous recommande donc chaudement de lire La Position et peut-être, qui sait, trouver la réponse à la question.

C’est pour cela que j’attribue trois étoiles à ce roman envoûtant qui met en scène une famille très attachante.

Bonne lecture à vous !

Wolitzer, Meg. 2005. La Position. Tous droits réservés. Sonatine Editions, 2014, pour la traduction française. 404 p. ISBN 978-2-264-06469-1

Trois étoiles Sur Cinq | Photo Premium

Marine CARTON, 1ERE2

L’aventure d’Œdipe vers la paix intérieure

Per Wickenberg, Œdipe et Antigone, 1833, huile sur toile. Source : https://fr.vikidia.org/wiki/Antigone#/ media/Fichier:Per_Gabriel_ Wickenberg_-_ Oedipus_och_Antigone.jpg

Tout le monde connait le complexe d’Œdipe, la passion qu’une personne éprouve pour un de ses parents. En revanche, moins nombreux sont ceux qui connaissent l’histoire de celui qui a permis à cette expression d’exister. Alors, pour tout comprendre, faisons un petit rappel sur la mythologie grecque : Œdipe est le fils de Laïos et de Jocaste qui dirigent le royaume de Thèbes. Il est l’héritier du trône mais en est au final éloigné pour une raison que les dieux lui imposent. Vous l’avez deviné, on parle ici du complexe d’Œdipe. Sans le vouloir, dès la naissance, il représente déjà une menace pour ses parents. Tirésias, le devin aveugle de Thèbes, a lui-même confié ses prédictions à Laïos, lui affirmant qu’il allait le tuer et se marier avec sa femme. Bien entendu le père d’Œdipe fera tout pour empêcher le destin de s’accomplir, avec des pratiques absolument abominables comme la maltraitance et l’exil. D’ailleurs, si on surnomme Œdipe « pieds enflés », c’est à cause des attaches que ses parents lui ont mis aux pieds pour qu’il ne puisse s’enfuir. Malgré tout, Œdipe parviendra « à ses fins ». Il va tuer son père et aura quatre enfants avec sa mère, dont deux fils, Étéocle et Polynice, qui s’entre-tuerons pour la couronne de Thèbes, et deux filles, Ismène et Antigone.

Œdipe , un personnage complexe

Ce rappel assez long reste essentiel pour comprendre la suite. L’auteur Henry Bauchau a voulu imaginer la suite de l’histoire de notre personnage antique. Ainsi Œdipe, roi aimé de Thèbes, est banni de la cité lorsque ses sujets sont informés de son double sacrilège, à savoir le parricide et l’inceste. Il décide lui-même de se crever les yeux et d’aller par les routes, aveugle, errant tel un mendiant… d’où le titre du roman. Changement de vie radicale ! De plus Œdipe est un personnage assez complexe qui a commis des actes plus que discutables. On peut même se demander comment un homme peut tomber amoureux de sa mère et être aussi cruel avec son père. Cependant, inconsciemment, au fur et à mesure de ma lecture, j’ai pu éprouver comme un sentiment de pitié pour lui. Il s’inflige de la douleur et vit dans une extrême pauvreté. Œdipe ne veut rien ni personne pour l’aider, il veut prendre du recul et sûrement souffrir comme il a fait souffrir sa victime !

D’où le titre de notre livre : Œdipe sur la route. Il entame lui-même le périple de sa vie pour espérer trouver la paix, la sérénité dans son esprit, la clairvoyance. Pour cela, il va falloir qu’il prenne sa vie en main et qu’il aille de l’avant en faisant face à la fatalité de son destin, son fatum !

Des compagnons fidèles !

Source : https://0620056z.esidoc.fr/ document/id_0620056z_ 32002.html

Deux autres personnages jouent aussi un rôle très important. La première n’est autre que la fille d’Œdipe, Antigone. Elle est, selon moi, le personnage qui suscite le plus d’admiration. Elle a changé de vie du jour au lendemain. Elle est passée d’une vie royale, je dirai même parfaite, à une vie déplorable ! A seulement 14 ans elle choisit de suivre son père pour ne pas le laisser seul, aveugle dans la nature, quitte à en perdre toute sa richesse et son confort personnel. Je trouve qu’elle est admirable et incroyablement courageuse, elle affronte ses peurs, ses faiblesses et cela la rend plus forte.

Notre autre protagoniste est Clios. Son passé me semble très triste. Fils d’un fermier, il avait une vie confortable avant que le malheur ne lui tombe dessus, le faisant devenir un bandit connu de tous pour ses méfaits. Mais quel est ce fameux malheur ? A vous de la découvrir ! Au fil de ma lecture j’ai pu apprendre à le connaitre, comme les autres personnages en ont appris sur lui. Il raconte avec tristesse la mort de son père, le mariage de sa mère avec son oncle et son amour impossible avec Alcyon. Cependant, n’oublions pas que Clios est un bandit ce qui évidement alimente la mésentente et les conflits entre nos protagonistes au début de leur rencontre. Pour preuve, Clios voulait violer et soumettre Antigone puis la tuer, elle et son père. Heureusement, Œdipe réussit à contrer ses plans et le rallie à sa cause. Dès lors, nos trois personnages deviennent compagnons de route…

Une belle découverte !

A vrai dire, avant que M. Deteuf ne me conseille ce récit, je n’étais pas forcément attirée par celui-ci. Je ne connaissais pas non plus le mythe d’Œdipe et ce fut un réelle découverte pour moi. Au final après avoir lu ce roman j’ai changé d’avis. Pourquoi ?

En voici les raisons :

Grâce à chaque personnage, leur histoire et leur propre destin qui se croisent, Henry Bauchau recrée tout un univers antique. Cela m’a permis d’en savoir plus sur la mythologie grecque qui est très intéressante. Par ailleurs, fait important, dans cette mythologie les personnages sont souvent frappés par une tragédie liée à la fatalité, ce qui forcément attire la compassion des lecteurs. Ici Œdipe va tuer son père et se marier avec sa mère : c’est son destin !

De plus, si nous réfléchissons davantage aux problématiques posées par cette œuvre, nous pouvons nous rendre compte qu’elles soulèvent des réflexions que nous pouvons encore avoir aujourd’hui. À travers les aventures que vivent les personnages, nous pouvons tirer des leçons. Par exemple la violence ne résout rien… Certains évènements ou faits peuvent aussi donner suite à beaucoup d’interprétations différentes. Pour ma part, le fait qu’Œdipe erre sur la route sans savoir où il va, sans rien, mais heureux, me fait réfléchir sur ma propre existence ! Est-ce qu’au final le bonheur ne serait pas basé sur la simplicité, une vie sans trop d’argent, sans luxe, sans artifices, mais remplie de bons moments avec les autres, de moments de joie pure, de moments inoubliables ? Ne faudrait-il pas trouver par tous les moyens son bonheur et la paix intérieure, quitte à prendre des risques, plutôt que de répondre aux attentes de notre société et de nos proches en s’oubliant soi-même ? Ne faudrait-il pas s’écouter, prendre en considération nos attentes sans pour autant écraser les autres, en essayant de modifier et choisir notre destin comme nous le souhaitons ? Revenons-en au roman, et si Œdipe, après le châtiment divin dont il est la victime, ne se forge-t-il pas enfin son propre destin ?  

Maintenant, parlons de l’ensemble des événements du récit : rappelons-nous qu’Henry Bauchau (passionné de mythologie grecque) à adapté pour le théâtre Œdipe roi de Sophocle (un célèbre tragédien du Vème siècle avant J-C). Cette pièce est une très célèbre tragédie aux événements passionnants et à l’histoire émouvante. D’ailleurs la morale de son histoire est, je cite : « Gardons-nous d’appeler jamais un homme heureux avant qu’il n’ait franchi le terme de sa vie sans avoir subi un chagrin ». Un homme heureux ne peut mourir sans être passé par le malheur au moins une fois dans sa vie. Cela ne vous rappelle pas quelque chose ? La morale de notre roman évidemment ! Le sujet de nos deux auteurs est très clair mais diffère quelque peu : Sophocle aborde le destin et la fatalité quand Bauchau redonne à Œdipe le pouvoir d’agir sur son destin et donc sa vie.

En outre, Bauchau écrit selon moi très bien ! Chaque scène est décrite et presque immersive de par la précision de ses mots. Même les scènes les « plus banales » restent intéressantes à lire. Ce que j’ai moins apprécié, c’est le « coté froid », si je puis dire, de ce roman. Henry Bauchau nous compte son histoire sans y ajouter du « piquant », de l’action, des réel conflits. Or, c’est ça que j’aime, l’action, le palpitant. Peut-être même des histoires d’amour. Mais bon, on ne peut pas tout avoir !

En revanche, l’auteur ne lésine pas sur les émotions. Chaque événement est le reflet du changement de comportement des trois personnages principaux. Chacun évolue, devient une meilleure personne. Pour commencer Œdipe devient plus empathique et prend du recul sur son sort. Antigone finit par vaincre sa grande timidité. Pour terminer, Clios laisse son passé de bandit derrière lui. De plus, on peut ressentir les liens d’amitié et d’amour qui se crées entre ces trois compagnons et qui deviennent de plus en plus forts au fil de leur périple. C’est ce que j’ai aimé le plus !

En fin de compte, le roman m’a transportée, m’a apaisée et m’a fait réfléchir. Il m’a fait me rendre compte qu’il faut profiter des moindres petits plaisirs de la vie, et être bien accompagné. Alors je vous invite, si je vous ai convaincu, et si votre cœur vous en dit, à lire Œdipe sur la route d’Henry Bauchau. J’espère que, tout comme moi, vous serez transporté  par ce récit !

J’attribue la note de 4 étoiles à ce roman.

Bonne lecture à vous !

Bauchau, Henri. Œdipe sur la route. J’ai lu, 03/2000. 281 p. J’ai lu Roman, 5501. ISBN 978-2-290-30152-4

Alysée CAULIEZ, 1ère 2

Une vie passée dans le souvenir

Les intéressants est un roman écrit par l’auteure américaine Meg Wolitzer paru en 2013 et traduit par Jean Esch. Salué par la critique à sa sortie, ce roman eut un tel succès qu’il a remporté le Prix des lecteurs du Livre de Poche en 2016. Je pense que sans le Prix littéraire Carnot je ne me serais jamais tournée vers ce style de roman où le personnage principal fait une introspection sur sa vie.

“Ils n’étaient tous que d’innombrables cellules qui s’étaient assemblées pour créer ce groupe si particulier”

Les Intéressants c’est l’épopée d’une jeune fille, Jules, et de son groupe d’amis sur 40 ans. Le point de départ : leur rencontre mémorable en 1974 dans le camp de vacances Spirit-in-the-Wood. Les Intéressants, c’est le nom qu’ils se sont donnés. Ils forment alors un groupe de cinq adolescents totalement singuliers composé de Ethan, génie de l’animation, Goodman et Ash, frère et sœur New-Yorkais issus d’une bonne famille, Cathy, qui n’a qu’un souhait, être danseuse, et Jonah, fils d’une star de la musique Folk. A ce groupe d’amis vient donc s’ajouter Jules. Mais que deviennent-ils une fois l’été 74 écoulé ? Les drames et les joies de la vie ne les épargneront pas : alors que Goodman sera confronté à des démêlés avec la justice, Ash et Ethan vont se marier et Jonah délaissera la musique. Mais que deviendra Jules ? Marquée par cette époque si joyeuse, elle reste figée dans ses souvenirs et décide de narrer leur histoire ! 

Les intéressants publié aux éditions Rue Fromentin. Source : https://0620056z.esidoc.fr/document/id_0620056z_72278.html

Des souvenirs désordonnés

Après un début de lecture difficile – j’ai dû recommencer le roman pour le comprendre puisque Meg Wollitzer a un style d’écriture particulier rempli de détails, parfois inutiles à mon sens, pour rendre le récit plus vivant – j’ai finalement apprécié cette œuvre. Le roman est construit sur le principe des flash-backs. Chaque chapitre commence dans le présent et nous transporte dans l’un des souvenirs de Jules. Mais ce qui m’a dérangé, et c’est selon moi le seul défaut du roman, c’est la non-organisation des souvenirs. En effet ils n’ont aucune chronologie et chacun d’eux est décrit sans le moindre cadre spatio-temporel. Bien que chaque souvenir soit bien choisi, lorsque Jules se remémore un moment passé de sa vie, elle le fait suite à une émotion qu’elle a ressentie étant jeune et qu’elle ressent au moment présent. Par exemple nous passons d’un souvenir de leur premier été à un souvenir vieux de seulement cinq ans sans réel transition. Cependant les souvenirs sont décrits avec précision ce qui est très agréable puisqu’on pourrait presque ressentir l’air frais de Spirit-in-the-Wood ou sentir la pollution et l’empressement de la ville de New-York !

Ces réminiscences sont vraiment le point central du roman puisqu’ils abordent la notion de destin. Jules se remémore son adolescence, période qui façonne l’avenir de chaque personne. C’est durant cette période que nous découvrons le monde, que nous essayons de le comprendre, parfois en vain. C’est aussi durant cette période que nous rencontrons celles et ceux qui auront une grande importance dans notre vie. Pour Jules ce sont les intéressants et chacun se façonne son propre groupe d’amis en même temps que sa personnalité. Pour la jeune fille c’est un choc lorsqu’elle découvre que ses amis – tous aisés – peuvent faire tout ce qu’ils veulent grâce à leur milieu sociale. Elle découvre alors les injustices sociales, celles qui font qu’elle seule affrontera la difficulté de l’ascension sociale et de la réussite. A l’inverse ses amis peuvent compter sur la place que leurs parents occupent dans la société. Mais l’avenir de chacun est-il pour autant tracé ? Non ! Et c’est ce que nous enseigne ce roman qui croise des destins faits de joies et de peines mais toujours complexes ! Le roman nous montre donc une chose cruelle : comment notre destin peut dépendre, d’une part, de notre milieu sociale, et de l’autre de notre volonté. Mais attention, avoir des prédispositions sociales ne signifie pas pour autant que l’on réussisse automatiquement sa vie. Cela nous est bien démontré tout au long du récit. Au final, l’argent de ses amis fera-t-il vraiment d’eux des personnes heureuses et accomplies ? C’est toute la complexité de ce roman. Au fil de notre lecture nous pouvons réellement ressentir les émotions de Jules et de ses amis, ce qui crée un certain attachement aux différentes personnes du groupe. Nous souhaiterions alors bien continuer à les suivre encore quelques années tant ils sont… intéressants !

Ce roman a été pour moi une bonne lecture, c’est pourquoi je lui attribue quatre étoiles.

Une bonne lecture à toutes et à tous !

Wollitzer Meg, Les intéressants, 744p, Le Livre de Poche, ISBN 978-2-253-18287-0

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