Les cours doubles, comment s’en sortir ?


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…..La fermeture de classes conduit à développer les cours doubles, seule alternative pour ne pas avoir d’effectifs supérieurs à 30 élèves, cours doubles dont le nombre d’élèves est souvent supérieur à 25… Cette organisation, dont le CP/CE1 est une particularité, devrait susciter une réflexion généralisée tant elle pose de questions amplifiées par les nouveaux programmes.

Bonjour,

Je suis enseignante depuis 30 ans, dont 25 ans de CP….

Seulement voilà, je me sens frustrée chaque année un peu plus de lâcher mes bambins à qui j’ai appris à lire et à écrire, j’aimerais pouvoir aller plus loin avec eux. Malheureusement mon école ne permet pas d’avoir un CE1 mais un CP CE1. Je n’ai pas osé franchir le pas car le cours double m’impressionne (pas pratiqué de puis 28 ans!)

J’ai trouvé votre site par hasard et sa lecture m’a beaucoup intéressée. Vous semblez avoir une expérience solide dans ce domaine. Pourriez-vous m’en dire plus ?

Amicalement.

…..Il est un impératif immuable quelles que soient les méthodes et démarches pédagogiques : l’élève a besoin de repères dans la journée, dans la semaine, donc d’un emploi du temps respecté, et par rapport à son travail. Le temps passé pour les déplacements, la vie familiale, les réunions, ainsi que le sentiment de saturation peut amener des enseignants à négliger les corrections du travail individuel alors que l’élève attend des appréciations. Les bulletins sont rares, tardifs et ne permettent pas à l’élève de se situer. En ajoutant le temps destiné au soutien, la saturation psychique, le burn-out, il deviendra de plus en plus difficile d’assurer ce suivi individuel primordial. Corriger le travail pendant la classe est certes préférable mais impossible pour 25 élèves. Si des «moyens de contrôler l’orthographe sont mis progressivement en place», ils supposent qu’il n’y ait pas délégation de cette exigence sur les seuls élèves.

…..Pourquoi est-ce si important ? On constate souvent que dans les classes difficiles, les rôles ne sont pas clairement définis. L’élève ne peut pas mesurer son évolution, ce qui l’amène à «se mesurer» à l’adulte. Les problèmes de comportement se généralisant, la violence devenant ordinaire («On ne se bat pas, on s’amuse.»), le recours à «l’occupationnel» apparait comme le seul moyen de «gérer sa» classe. L’enseignant s’enferme dans sa «classe gardée», craignant d’exposer ses difficultés. La démotivation ne l’incite pas à s’investir et les élèves le ressentent. Les éclats de voix se multiplient mais n’apportent pas de réponse durable.

…..Beaucoup de parents se substituent, consciemment ou non, aux enseignants. Il est fréquent que l’enfant acquière plus de connaissances par ses parents ou par le biais de son ordinateur et déconsidère le temps passé à l’école.

…..D’autres difficultés se généralisent : la majorité des élèves n’a pas le matériel nécessaire (crayon à papier, gomme, stylo, règle) ; des parents, transposant leur scolarité sur leur enfant, deviennent justiciers ou considèrent l’enseignant comme un prestataire de services qui doit leur rendre des comptes ; des collègues refusent la moindre remise en cause de leurs certitudes ou cachent leur angoisse par une attitude de blocage ; les enseignants changent fréquemment de poste ; les mi-temps augmentent la complexité de l’enseignement et du suivi scolaire ; des élèves sont insolents (l’enfant roi devient tyran quand il n’a pas compris qu’il a des droits mais pas tous les droits) ; …

…..De nombreux jeunes enseignants déclarent qu’ils n’exerceront pas ce métier pendant 40 ans, ni même 15 ans…

…..Comment gérer l’ingérable ? Comment prendre en compte les attentes des élèves en préservant son équilibre psychologique et sa disponibilité ?

…..Souhaitons qu’une priorité soit l’échange d’informations entre enseignants concernant l’application des programmes dans un cours double. En effet, il est indispensable de commencer l’année avec une répartition des notions à étudier dans l’année et de pistes pour les mettre en place. Cette programmation sera nécessairement modifiée en fonction de l’évolution des élèves mais elle évitera le stress de la «page blanche» et la quête de photocopies (inutiles le plus souvent). Elle est d’autant plus indispensable que le temps et la disponibilité mentale feront souvent défaut. En ce sens, la répartition des notions à étudier par cours est un progrès même si elles seront de toute évidence régulées par l’usage. (Pourquoi ne pas en donner une copie aux parents ?)

…..L’urgence est de rechercher des situations communes aux deux cours, ce qui laissera un temps suffisant de recherche puis permettra de laisser un cours en autonomie. Ce sera ardu pour un CE1/CE2… Ne pas se laisser entrainer dans la spirale de la multitude d’exercices de certains fichiers sans réserver du temps pour approcher une notion autrement que par 4 ou 5 réponses dont la plupart seront le fait du hasard.

…..Il est possible de modifier le «rapport de forces» dans la classe.

  • Traditionnellement, les élèves plus rapides monopolisent le temps de correction, une file d’attente diminue la durée de travail et crée des tensions. Une technique est de dire aux premiers «Tu as __ fautes.» sans leur indiquer lesquelles. On ne leur donnera un travail complémentaire qu’au vu de l’achèvement du premier.

  • Une autre technique est d’appeler, dès le début de l’exercice, les élèves en difficulté pour les guider et vérifier s’ils sont «sur la bonne route».

  • Quand les élèves ont admis que «aider ce n’est pas dire les réponses», ils se sentent responsabilisés si on leur demande d’expliquer à ceux qui n’ont pas fini ou d’un autre cours, et c’est souvent plus profitable qu’un soutien individualisé.

  • Penser aussi à interroger des élèves qui se manifestent peu, tout en admettant qu’ils n’aient pas toujours une réponse à proposer. Si l’on n’y prend garde, certains élèves ne s’expriment jamais en classe.

…..Enfin, ce n’est pas une photocopie qui fait une leçon. L’étude des homophones est généralement une perte de temps. La répétition des leçons de grammaire n’apporte rien. Il est des situations simples qui suscitent la participation des élèves et la confrontation de leurs connaissances. Bien distinguer le temps de recherche, sur l’ardoise ou sur le cahier de brouillon (qui n’est pas corrigé mais qui sert à l’élève pour présenter ses recherches ou justifier ses résultats), le travail écrit de synthèse ou d’évaluation qui doit être court, vérifié par l’enseignant et corrigé (progressivement) par l’élève.

…..Des aides institutionnelles seraient appréciées : Pourquoi, par exemple, est-ce aux enseignants d’établir une liste de mots à acquérir par cours ? Les apports pédagogiques du ministère, ainsi que les modes de passation des évaluations normalisées, pourraient tenir compte des contraintes des cours multiples. La simplification de l’orthographe pourrait-elle être adoptée et appliquée par le ministère ?

…..Alors, cours double ou pas ? Fréquemment, le choix n’existe plus et c’est regrettable. La classe unique était exténuante pour l’enseignant mais profitable à la majorité des élèves grâce au suivi et à l’individualisation des méthodes. Les contraintes et les exigences actuelles obligent maintenant au regroupement de regroupements scolaires où les classes à un cours deviennent pourtant rares. Cela amènera-t-il à réfléchir à une nouvelle organisation de la classe où l’hétérogénéité serait un facteur positif ?

Voir aussi :

Ressources pédagogiques.
Que faire en CP/CE1 ?
Le français sans se prendre la tête : grammaire, conjugaison, orthographe, vocabulaire.
Ermel dans une classe de CP/CE1 ?

3 réponses sur “Les cours doubles, comment s’en sortir ?”

  1. Bonjour
    Je viens de lire, dans l’article ci-dessus le terme burn-out. horreur! que signifie donc cet anglicisme, que l’on peut sûrement remplacer par un terme de chez nous! non! je ne suis pas hostile à l’apport de vocabulaire étranger, loin s’en faut! mais trop, c’est trop! Un jour, dans le journal local, j’ai découvert une phrase complètement incompréhensible, que je n’ai pu traduire, d’autant que le thème en était sportif et que, dans ce domaine comme dans d’autres, les mots anglais sont légion! Que diable, protégeons notre belle langue, celle de Hugo, Chateaubriand, Balzac, et…José Herbert. Je suis écrivain et ne supporte pas cette façon de faire!!!

  2. re
    c’est encore moi! cette fois pour informer la dame ci-dessus que j’ai eu, non pas deux cours, mais quatre, pendant la presque totalité de ma vie professionnelle. CE1, CE2,CM1, CM2, plus la direction de l’école à deux classes, + le secrétariat de la mairie+la responsabilité de la tombola USEP, + la trésorerie d’une association d’écoles rurales+++++ Une vie de dingue! et maintenant j’écris, deux bouquins sont sortis, j’ai entamé le quatrième. il faudra m’achever! je blague. écrivez-moi jose.herbert62@orange.fr

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